Chapitre 15


Elias poussa un cri de joie. Un bonheur intense le parcourut, tant il attendait cet événement. Après avoir entendu son nom, il avait dévisagé Louis les yeux pétillants. Ce dernier n'avait pas tardé à être appelé lui aussi. Les deux amis pouvaient enfin partir en ensemble et aider leur patrie. Il ne manquait plus qu'un espion dans leur petite équipe.

— Rostre vous accompagnera dans cette mission, continua Frank Nelson en fixant Ailes, un sourire mauvais sur les lèvres.

Celui-ci tomba des nues. Sa joie s'était envolée en l'espace de deux secondes. Il observa du coin de l'œil son futur coéquipier et tous deux se toisèrent. Ils ne pouvaient pas se supporter, le commandant du SOE, le sachant pertinemment, avait fait exprès. Jamais, il n'aurait laissé partir Elias sans quelqu'un pour le surveiller, quelqu'un à sa solde.

Un bon toutou...

Ailes serra les poings et grimaça. Malgré cette annonce agaçante, il lui restait toujours la joie de pouvoir enfin mettre en pratique tout ce que l'entraînement lui avait apporté.

Tout en laissant le chef continuer à parler sans l'écouter, il se rendit compte pour la première fois que quitter Londres signifiait abandonner les Sanders. Il ne les reverrait peut-être plus jamais ou bien de nombreuses années plus tard... Les larmes lui montèrent aux yeux en pensant à Clara : tous les moments qu'ils avaient passés ensemble pendant ces six ans se perdraient dans sa mémoire.

La voix puissante de Mr. Nelson le ramena sur Terre. Il venait de les convoquer dans son bureau pour leur donner plus de détails sur leur mission.

En progressant dans le couloir, le brouhaha de la salle principale disparut et Elias eut les idées claires. Après plusieurs mois focalisé sur son objectif, il comprenait enfin ce que signifiait devenir espion. Il quitterait sa famille, sa maison, la ville qu'il avait chérie.

Il retint un sanglot pour ne pas paraître faible devant Rostre. Ce serait l'humiliation suprême, il ne serait plus qu'un idiot à ses yeux. Les joues rouges, il pénétra dans le bureau du chef et s'assit en compagnie des autres espions. Son ami aussi était fébrile, ses jambes tressautaient et il regardait Frank d'un air anxieux. Seul Rostre semblait à son aise. Il caressait sa fine barbe d'un air songeur, ce qui lui donnait une allure de gentleman. Elias le détestait pour sa fierté et son amertume ne fit que grandir dans son cœur.

— Vous voilà donc tous les trois réunis pour cette mission : Commando 19, débuta le commandant. Elle porte ce nom car c'est la dix-neuvième que nous lançons au cas où vous vous demandez. Je vais donc brièvement vous expliquer la situation, je vous prierai donc de bien vouloir me poser vos éventuelles questions plus tard !

Monsieur Nelson prit une pause pour fixer tour à tour les trois hommes.

— Donc, comme vous le savez, le SOE envoie des espions partout en fonction de leur nationalité. Vous allez donc effectuer une mission qui se déroulera en France et plus précisément à Metz.

« Donc, tout ce qui est relatif à votre mission se trouve ici, poursuivit-il en tapotant une impressionnante pile de feuilles. Vous avez déjà étudié ce type de dossier durant votre entraînement, il sera donc aisé de le retenir !

Elias se massa les tempes, il en avait marre des discours pompeux de monsieur Nelson et encore plus de ses donc à répétition.

Il peut pas aller droit au but !

Excédé, il échangea un regard avec Louis, lequel ne semblait pas dérangé par les manies du commandant.

— Tout y est expliqué. Un de nos sergents sera votre chef de mission et vous expliquera votre tâche sous tous les angles. Vous devrez donc, bien évidemment, apprendre une grande quantité de ces informations par cœur ! Votre couverture et votre survie en dépendent ! Nous avons préparé tout un plan : il sera parfait si vous le suivez à la lettre. Je vous demanderai donc de vous y conformer, conclut-il, narquois. Personne n'a de questions ? Parfait ! Vous pouvez donc suivre Faty qui vous conduira dans votre salle.

La chaise d'Elias semblait collée à son pantalon. Leur interlocuteur leur avait seulement indiqué le lieu de la mission, rien de plus. Ailes avait des milliers de questions, mais il comprit que ce n'était pas au chef du réseau qu'il fallait les poser. Ce dernier laissait planer le mystère avec plaisir.

Sous l'impulsion de Rostre, les espions se levèrent, saluèrent Frank, puis quittèrent la pièce à la suite de Faty. Le groupe monta plusieurs étages au cours desquels Elias remarqua des couloirs dont il ne connaissait pas l'existence. Enfin, ils arrivèrent devant une porte de bois vermoulu.

Les résistants entrèrent et un homme assis à une table les salua l'air austère :

— Bienvenue dans mon antre... Vous êtes venus chercher l'antidote, n'est-ce pas ?

Elias ne comprit pas, il recula d'un pas et manqua de se prendre les pieds dans le tapis sombre orné de dorures. Il scruta le visage de son interlocuteur et, avant qu'il ne puisse le questionner, celui-ci reprit d'une voix aigre :

— Sortez de chez moi, si vous n'êtes pas là dans ce but. Dehors ! hurla-t-il, hystérique.

Devant les gesticulations effrénées de l'homme, Elias observa ses compagnons qui semblaient tout aussi interloqués. Seule Faty cachait un petit sourire.

— Arrête de leur faire peur, vieux fou ! Bon, je vous laisse ! dit-elle avec bonne humeur.

Elle repartit emportant avec elle le bruit de ses pas qui disparut dans les ténèbres. Elias n'était pas rassuré, il aurait volontiers accepté de fuir cet étrange personnage. Ce dernier se lança dans un rire franc.

— Allez, allez ! reprit le résistant d'un air joyeux. Venez, je ne mords pas ! Attablez-vous, je vais chercher les dossiers !

Il se leva et ouvrit une porte dissimulée derrière lui. Tout un brouhaha s'ensuivit, des objets tombèrent à terre, un cri s'éleva. Stupéfaits, les espions restaient immobiles, ne comprenant rien à la situation. Même Rostre se taisait.

Pour une fois !

L'homme revint, les bras chargés de feuilles. Elias aperçut derrière lui un local où s'entassaient ustensiles de cuisine, livres, nourriture et éléments divers et variés. Les étagères débordantes semblaient prêtes à craquer.

— Ne faites pas les chochottes ! invita une nouvelle fois le sergent. Asseyez-vous nom de nom !

Les trois jeunes se posèrent sur les chaises presque trouées, aux pieds frêles. La table, bancale elle aussi, vacillait, manquant de faire tomber les dossiers posés dessus.

Ailes ne pouvait imaginer comment un tel individu avait eu la permission d'être chargé d'une mission. En plus d'être obligé de côtoyer son ennemi, il avait un chef incapable. Il serra les poings et se résigna à écouter ce qu'avait à dire l'homme en face de lui.

— Commençons par le commencement : appelez-moi Jake. Bien, maintenant que c'est fait, passons aux choses importantes. Vous faites donc partie d'une mission, reprit-il, d'une voix plus sérieuse. Une lourde tâche vous est accordée, mais c'est vous qui en avez décidé ainsi. Je vais tout vous expliquer en détails dans quelques instants, d'ici là, avez-vous des questions ?

Sa peau ridée se tordit et il tourna la tête vers chacun des résistants. Elias revit son jugement, l'homme, une fois sorti de sa crise de folie, semblait en réalité être apte à les diriger.

Vu que personne ne parlait, il poursuivit en montrant les piles de feuilles :

— L'intégralité de votre mission, comme a dit Frank, est comprise là-dedans. Vos papiers d'identité, votre couverture et tout ce qui pourra vous aider, mais aussi vous compromettre. Comme vous le savez, en aucun cas, vous ne pourrez emporter le dossier. Il faudra donc l'apprendre par cœur.

« Votre tâche débutera dans deux semaines, ce qui vous laisse le temps d'apprivoiser votre nouvelle vie, de faire vos adieux. Passons maintenant à cette mission en question.

« Vous allez être tous les trois envoyés à Metz qui, au cas où vous avez raté des informations, est dans une zone annexée. Ce territoire est entièrement occupé par les Allemands, il faudra donc vous fondre dans la masse. La langue que vous avez étudiée vous sera utile !

Elias se rappela des cours linguistiques intensifs qu'il avait supportés, les heures d'allemand qu'il avait avalées. Grâce à cela, le jargon des Boches n'avait plus aucun secret pour lui. Aucune discussion ne lui résistait.

— Vous devrez infiltrer les nazis durant votre mission, laquelle sera aussi longue que nécessaire. Vous entrerez en contact avec les Français qui collaborent, essaierez de percevoir des informations au travers des conversations que vous écouterez. Un réseau de résistance est au courant de votre arrivée, une femme vous gardera et se présentera comme votre grande tante. Tout le scénario est consigné ici, expliqua-t-il en tapotant la couverture du dossier.

« Ce réseau possède une radio, vous pourrez ainsi nous diffuser des messages, mais il sera trop risqué d'y répondre. S'il y a une urgence absolue, nous vous contacterons par un autre moyen inscrit lui aussi dans ces feuilles.

« Je vous laisse lire tous les papiers pour découvrir vos nouvelles identités. Concernant celles-ci, nous vous avons récemment demandé votre prénom et nous l'avons rapporté ici. Ainsi, il sera plus facile pour vous de le retenir. Cette information restera bien évidemment confidentielle pour le reste des espions. Nous avons changé toutes les autres données concernant votre passé et il faudra apprendre cette histoire : elle est désormais vôtre.

— Est-ce que... commença Elias.

— Je ne vous ai rien demandé, Ailes ! Vous avez un peu de lecture à présent, conclut-il, moqueur. Si vous avez des questions une fois fini, vous pourrez me les poser. Tout en ayant réfléchi avant.

Elias sut qu'il ne demanderait pas de choses inutiles tant l'adulte l'effrayait à cause de sa folie. Il ne connaissait rien de sa personnalité et l'inconnu l'effrayait. Pour oublier cela, il se plongea dans les divers papiers qui jaillissaient du dossier ouvert.

***

Hello

ça fait si longtemps que j'ai pas posté 😭

Je m'en excuse vivement. J'avais un petit blocage (pas vraiment surmonté encore). 

J'espère que ce chapitre vous a plu, c'est la version la plus aboutie donc certaines choses ont changé par rapport à avant (j'ai rajouté des pensées). Qu'est-ce que vous en pensez ? 

Bonne journée

Plume

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