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Une semaine est passée depuis que j'ai croisé cette fille. Je n'y pense plus. Ça m'a hanté les deux premiers jours, puis j'ai oublié. D'autres clients, d'autres affaires, d'autres regards étranges. Aucun semblable au sien.

- Achille, est-ce que tu peux trier ces dossiers s'il te plaît ? Par ordre chronologique. Je suis à côté si tu as besoin, me sourit l'avocate Castelli qui s'avère également être mon maître de stage.

Je l'aime bien. Elle est directe, intelligente, douée dans son métier. Je l'admire un peu. C'est le genre d'avocat que j'aimerais devenir.

Elle pose une pile de classeurs sur mon bureau en PVC et retourne dans le sien en fermant la porte. Malgré mon admiration pour elle, je soupire. La paperasse ne me fait pas vibrer. Pourtant, je m'y attelle sans traîner. Plus vite j'ai fini, plus tôt je pourrais rentrer chez moi.

Vingt minutes plus tard, je croule sous les papiers dactylographiés et une enclume joue des percussions contre mes tempes. Quelqu'un entre pendant que je retire mes lunettes, frottant l'arête de mon nez.

- Bonjour.

Une voix masculine me fait lever la tête et je fronce les sourcils en découvrant son visage qui m'est familier.

- J'ai rendez-vous avec le Maître Castelli.

- Euh d'accord, je peux avoir votre nom s'il vous plaît ?

Putain mais où est-ce que je l'ai vu déjà lui ?

Legrand. Pour l'affaire Ariane Legrand.

Une fille ?

Je le dévisage quelques secondes avant de chercher son nom dans l'agenda des rendez-vous de Castelli. L'homme avait effectivement rendez-vous cet après-midi. Il y a même un point rouge à côté de son nom, signifiant qu'il s'agissait d'un cas important. Le plus important.

- Je vais la prévenir tout de suite, annonçais-je poliment en me levant.

Je marche rapidement jusqu'au bureau de l'avocate et frappe à sa porte.

- Entrez.

J'ouvre légèrement la porte, suffisamment pour glisser ma tête à l'intérieur. Elle ne lève pas le nez de ses papiers et se contente de marmonner un :

- Qu'est-ce que je peux faire pour toi, Achille ?

- Quelqu'un est là pour l'affaire Legrand.

Sa réaction est immédiate. Elle plante ses yeux bruns dans les miens, la tête légèrement inclinée pour m'observer par-dessus ses lunettes.

- Le père ?

- Je suppose, oui.

- Ariane est présente ?

- Il est venu seul, je crois.

Elle lisse son pantalon de tailleur en se levant.

- Merci pour tes certitudes Achille. Je vais m'en occuper.

Je retourne à mon bureau, les mains moites.

- Bonjour, je vous attendais justement, sourit mon maître de stage en serrant la main de son client.

Il la salut en retour et la suit, entamant une conversation dont j'ignore le sujet. Leurs paroles s'étouffent derrière la porte et je me retrouve à nouveau seul, confronté à la mélodie fracassante de ma migraine.

Soudain, je me souviens.

Je me souviens de sa main qui retenait la porte, de leur distance, et d'elle.

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