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La seule chose qui trahit mes pleurs est ma respiration saccadée. Les larmes se confondent avec l'eau ruisselante du bain sur mes joues. Mais je respire si fort que mon père s'en aperçoit.
⁃ Ariane, sors s'il te plaît.
Je ne réponds pas, la gorge trop serrée pour émettre le moindre son.
⁃ Met ton peignoir et sors de cette salle de bain.
Après une éternité, mes mains empoignent les bords de la baignoire. Mon corps meurtri tranche l'eau tandis que je me lève au ralenti. Mes cheveux humides se plaquent contre mon dos, noirs comme la nuit. J'aperçois dans le miroir que cette couleur accentue la teinte valétudinaire de ma peau. C'est comme si on avait aspiré tout le sang de mon corps, ne laissant de moi qu'une copie en noir et blanc. Le coton âgé aspire tant bien que mal les gouttes qui dévalent les pentes escarpées de mes clavicules, mes omoplates, mes côtes, mes hanches. Elles s'enroulent autour de mes cuisses, lentement, et leurs caresses m'en rappellent d'autres. Je m'empresse de les effacer avec une serviette. Je déverrouille la porte et trouve mon père assis dans le couloir. Il ne me regarde pas, sachant que je n'aime plus ça.
⁃ Est-ce que tu veux un chocolat chaud ?
⁃ Je ne sais pas. Pourquoi pas.
Il se lève.
- Habille-toi, on ira marcher un peu après.
J'hoche la tête sans protester. Je sais qu'il fait ce qu'il peut. Mais ce ne sont pas quelques boissons chaudes et des balades qui me répareront. Je n'ai d'ailleurs pas la force de lui dire que toutes ses tentatives sont vaines, vouées à l'échec.
Personne ne peut m'aider. Personne ne peut me sauver.
Personne, à part moi.
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