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- Tu te fous de moi ? Avait-il débité, complètement abasourdi par ce que je venais de lui avouer.
J'ai baissé la tête, regrettant un instant d'avoir franchi ce point de non-retour. Parce que je reconnaissais ce sentiment si particulier lorsque la réalité tremble, lorsque que vous cessez de retenir une chose qui, une fois libérée, dévaste tout sur son passage. Fini les mensonges, terminé les tours de passe-passe avec la vérité. Plus de cache-cache avec mon courage, je l'ai trouvé.
- Oh, tu ne savais pas ? Fis-je innocemment, dissimulant la panique qui rampait jusqu'à mon cerveau.
- Je ne... putain, c'est une blague ?
Achille secoue la tête, passant frénétiquement une main dans ses cheveux en bataille. Ses yeux écarquillés se posent à nouveau sur moi, alourdissant mes épaules de culpabilité. Je ne sais pas si je peux tenir ce rôle encore longtemps. Quelques minutes, secondes, maintenant.
- Non, c'est la vérité. Pour une fois, je ne te mens pas.
- Qui d'autre est au courant ?
Je relève la tête, inquiète de ce qu'une deuxième vérité pourrait déclencher chez lui.
- Gabrielle. Et je crois que Malya se doute de quelque chose.
Il ferme les yeux un bref instant, soupire.
- Alors cet homme que les flics ont entendu, il est innocent ?
- En ce qui concerne mon affaire, oui. Mais il aurait harcelé plusieurs filles dans le métro, alors pourquoi pas moi ? Après tout, c'est pas loin de là où on m'a... retrouvée, grimaçais-je.
Il s'approche de moi et j'ai instinctivement un mouvement de recul. Je perçois de la déception dans son regard mais je ne peux rien faire pour la faire disparaître.
- Je croyais que tu avais décidé de te battre, Ariane.
Ses mots me blessent. Leurs bords tranchants découpent mon ego, déjà mal en point.
- Je... Je le pensais aussi mais c'est mon père qui a insisté pour engager Castelli et lors du premier rendez-vous j'ai flippé, comme chez les flics et... j'ai dit que je n'avais que de vagues souvenirs, que tout était flou... Bizarrement, quand j'ai donné la description la plus banale qui me soit passée par la tête, ça correspondait à ce type de la ligne 7. Si je n'avais pas le courage de m'aider moi-même, je pouvais au moins aider ces filles-là.
Il lève une main apaisante, l'approchant doucement de mon épaule. Il me laisse le temps de reculer, le repousser, fuir son contact. Mais je ne bouge pas. Ce soir, je n'ai pas envie de m'échapper.
- C'est tout à ton honneur de vouloir appuyer leurs témoignages, mais tu ne peux pas mentir et porter de fausses accusations sur cet homme, peu importe ce qu'il a pu faire à d'autres, m'explique-t-il doucement.
- Qu'est-ce que ça change ? Des mecs comme lui, j'en ai croisé au moins une dizaine dans le métro ou dans la rue. Ils nous dévorent du regard, ils nous insultent lorsqu'on refuse de répondre, ils se permettent de nous suivre, dans l'espoir de nous choper contre un mur et assouvir leurs pulsions primaires. Et aucun ne paie pour ça. Ça se trouve, j'ai déjà croisé sa route mais je ne m'en souviens pas. Parce qu'ils sont tous pareils.
Soudain, il s'énerve.
- Putain mais Ariane, il ne t'as pas violée !
- QUELQU'UN L'A FAIT !
Nous nous fixons en chiens de faïence, des reproches dans la bouche.
- Oui, quelqu'un qui est libre aujourd'hui. Quelqu'un que tu refuses de dénoncer. Pourquoi est-ce que tu le protèges ? Reprend le jeune homme, déterminé.
Je dépose les armes, fatiguée de porter ce secret.
- Je ne le protège pas. J'ai peur de lui. J'ai peur qu'il se venge si je.... Si je dis toute la vérité.
Sa main se pose finalement sur mon épaule et elle me semble légère.
- Si tu nous dis qui il est, il ne pourra pas se venger parce qu'il ira en prison. Je te le promet.
- On sait tous les deux que ce n'est pas aussi facile que ça, Achille.
- C'est justement parce que ce n'est pas facile que c'est la bonne décision.
Je soupire, plongeant mes yeux dans ses iris émeraudes. Peut-être que c'est le moment d'avancer. Je ne pourrais pas retenir ce secret plus longtemps. Les enquêteurs vont finir par se rendre compte de cette mascarade, et je n'aurais pas d'autre chance de mener mon véritable combat. Alors, j'espère qu'il n'est pas trop tard lorsque je prononce ces mots :
- Il s'appelle Adam Leone.
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