13

Février. Un peu de neige est tombée mais elle a fondu bien vite. Comme mon courage, je crois. La procédure suit son cours. L'enquête progresse, mais moi j'avance trop lentement. Je dors mal, si mal que des migraines poignardent mon crâne sans relâche, signe d'un manque cruel de sommeil. Désormais, je redoute le moment d'aller me coucher. J'essaie de le retarder tant bien que mal, mais la fatigue finit toujours par avoir raison de moi. Je ferme les yeux et m'enfonce dans les eaux noires de mes cauchemars. Le pire, je crois que c'est lorsque je me réveille. Presque immédiatement, mes maux de tête cisaillent mon cerveau, et je me sens vide de toute émotion. Je ne peux pas me rendormir, je ne veux pas me lever. Je reste enlacée dans mes draps défaits, sans savoir quoi faire de ma peau. Une de mes amies m'a conseillé de lister des raisons de sortir de mon lit. Elle m'en a soufflée quelques unes, et j'ai fait le reste. Je me lève parce que j'ai des rendez-vous, je me lève parce que j'ai décidé de retourner à la fac, je me lève parce que j'ai un combat à mener. Contre lui, pour moi.

- C'est aujourd'hui qu'ils l'entende ?

Deux de mes amies se tiennent de part et d'autre de moi tandis que nous marchons dans la rue. C'était les mêmes qui m'avait tenue compagnie lors du nouvel an. Malya, une métisse élancée, suit l'affaire de près. Elle aurait bien voulu rendre justice elle-même mais heureusement, j'ai vite étouffé sa soif de vengeance. Je ne voulais pas d'une telle chose.

- Ouais, il doit être au commissariat à l'heure qu'il est.

Un silence suit ma déclaration.

- Et tu es censée t'y rendre aujourd'hui ? Poursuit finalement Gabrielle, ma seconde amie.

Je rencontre ses yeux gris l'espace d'un instant avant de répondre négativement.

- Heureusement, t'as déjà passé suffisamment de temps là-bas, il est temps que les flics fassent leur boulot, ajoute Malya, une pointe de colère dans la voix.

- Ce qui va vraiment compter, c'est ce procès, répondis-je.

Gabrielle entoure mes épaules de son bras.

- T'as une équipe de choc, tout le monde n'a pas la chance d'avoir un stagiaire aussi engagé...

Je tourne la tête vers elle, étonnée par le ton qu'elle avait employé, avant de voir un sourire en coin étirer ses lèvres. Nous nous fixons avant d'éclater de rire, l'air glacé s'insinuant dans nos poumons. Je saisis mes deux amies par la taille, un grand sourire collé au visage, tandis que nous continuons de marcher. Nos rires résonnent dans la rue étroite, nous attirant quelques regards de la part des badauds que nous croisons. Ça me fait du bien de retrouver un semblant de normalité. De n'être qu'une étudiante qui s'amuse avec ses amies, profitant du soleil hivernal. Je rejette ma tête en arrière, les yeux fermés.

- Putain, ça m'avait manqué.

- La vitamine D ou celui-ci ? Répond Gabrielle, toujours railleuse.

Je me redresse et réajuste mon bonnet, ne comprenant pas où elle voulait en venir. Malya me désigne quelque chose du menton, les yeux rieurs. Je tourne la tête et aperçois un garçon qui nous fait de grands signes, une cinquantaine de mètres plus loin.

- Oh c'est... Achille, annonçais-je en agitant mollement ma main en retour.

- Le stagiaire ? S'exclament-elles à l'unisson.

- Vous êtes obligées de l'appeler comme ça ? Râlai-je.

Nous n'avons pas le temps de poursuivre cette conversation que le jeune homme arrive à notre hauteur, essoufflé.

- Salut, je... j'ai cru que tu ne me voyais pas, s'explique-t-il, se rendant sûrement compte de la stupidité de son geste.

- C'est vrai, je te voyais pas, mais elles, elles ne t'ont pas manqué ! Fis-je en désignant les deux jeunes femmes qui m'encadrait.

Il leur adresse un sourire chaleureux et tend sa main droite vers Gabrielle.

- Enchanté, Ach...

- Achille, on sait, le coupe Malya.

- Ah... et bah dans ce cas ça vous dirait qu'on se réchauffe quelque part ? Il gèle !

Les filles acceptent avec une joie non dissimulée et les voir s'entendre tous les trois m'apaise. Nous entrons dans un café qui bordait la rue, et je regarde mes amis discuter bruyamment. Gabrielle ne cesse de charier Achille sur tous les sujets qu'ils abordent tandis que Malya s'applique à les mettre mal à l'aise à tour de rôle. C'est un spectacle amusant à regarder, réconfortant. Je ne me sens plus seule à cet instant.

- Quatre cafés ? Nous interroge le serveur, un plateau chargé de vaisselle sale.

- Trois, et un chocolat chaud, répond Achille avec un sourire poli.

Il tourne son regard vers moi et son sourire devient plus sincère. Je le lui rends sans me forcer, et je réalise à cet instant qu'il y a peut-être de l'espoir. Peut-être que je vais revivre. 

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