Ariane

L'eau devenait tiède, suffisamment pour que je commence à frissonner. Recroquevillée au milieu de ma baignoire à moitié remplie, je fixais un tube de shampooing vide, couché sur le bord. Je n'avais pas la force de le jeter et un peu de poussière se déposait sur l'étiquette dont les bords décollés s'enroulaient. Les genoux contre ma poitrine, mes longs bras étreignaient mes tibias multicolores. Ma peau marbrée relatait mon histoire comme une bande dessinée à l'encre de mon sang. Elle m'empêchait d'oublier chaque instant, chaque douleur, chaque larme. Fermer les yeux ne faisait que grandir mes cauchemars. Les monstres attaquaient mes rétines dans l'ombre de mes paupières, s'imprimant au fond de mon cerveau désemparé. Je lui avais toujours ordonné de se souvenir, il ne comprenait pas que je désire maintenant oublier. Pour lui, c'était noté, plié et rangé dans l'étagère de cette soirée de décembre. Encore une fois, il avait bien fait son boulot, pourquoi ne le récompensai-je pas ? Pas d'eau, encore moins de nourriture. Il tentait de se préserver comme il pouvait. Alors, mes muscles se rétractèrent au fil des jours, ma peau se flétrit, mes cheveux devinrent ternes. Mais les souvenirs ne bougeaient pas de l'étagère, il refusait de lâcher l'affaire. Alors, j'ai décidé de lui forcer la main, le priver de sa dernière ressource. L'oxygène.

Lentement, mon dos a glissé contre la paroi froide de la baignoire. L'eau a alourdit mes cheveux, entraînant mon crâne vers le fond. J'ai quand-même fermé les yeux, par réflexe. En y pensant, c'est ce que j'aurais dû faire ce jour-là. Fermer les yeux pour ne pas avoir à oublier ces images. Attendre que ça se termine. Parce que lorsqu'on comprend qu'on a perdu, que la bataille est vaine, on ne pense qu'à ça. La fin.