Chapitre 57
– Halte, arrêtez-vous !
– Allez vous faire foutre ! répliqua furieusement Lilian.
La jeune fille serra les dents en se promettant de néantiser Kat morceau par morceau. Alors qu'elle lui courait après, la vampire s'était précipitée vers un groupe d'agents de sécurité en agitant les bras.
– À l'aide ! avait-elle crié d'une voix paniquée. Au secours !
Sur le coup, Lilian n'avait pas compris ce qui lui prenait, mais Kat l'avait alors désignée du doigt, accusatrice.
– Elle veut me tuer ! Faites quelque chose !
Il n'avait pas fallu longtemps à Lilian pour comprendre la démarche, ni à la sécurité pour comprendre la situation : une élève de l'établissement poursuivie par une jeune fille armée. Ils s'étaient tous rués vers elle pour l'arrêter.
Lilian n'avait pas eu le choix. Navrée de devoir ainsi les éconduire, elle avait ressenti un pincement au cœur quand elle avait dû les mettre à terre pour s'en débarrasser. Pressée par le temps, elle n'avait pas pris de gants et avait dû distribuer quelques coups pour les neutraliser.
Pendant ce temps, bien entendu, Kat avait disparu.
– Et merde ! avait juré la jeune fille.
Elle avait marqué un temps d'arrêt pour regarder autour d'elle, cherchant son ennemie des yeux, ne la trouvant pas.
« Au flair », ne cessait de lui enseigner Christel. Elle avait toujours eu beaucoup de réserves à employer cette technique. Mais elle avait humé l'air environnant, avec l'impression gênante d'être un chien en train de pister un os. Elle se sentait presque ridicule. Mais bientôt, à force de se concentrer, elle avait très perceptiblement senti l'odeur caractéristique de cadavre et de parfum propre à son adversaire. Elle s'était jetée dans les escaliers, alors que les agents de sûreté commençaient à reprendre connaissance.
– Halte, arrêtez-vous !
– Allez vous faire foutre !
Se fiant toujours à son flair, elle monta les escaliers comme une flèche jusqu'au deuxième étage.
Les couloirs étaient déserts, mais trop tranquilles au goût de Lilian pour être honnêtes. Les portes se découpaient sagement le long du mur, et aucun hologramme de surveillance ne s'activa en sa présence, ce qui ne manqua pas de l'inquiéter férocement. La surveillance était toujours activée, jour et nuit, été comme hiver. Qu'elle fût inopérante ne lui permettait, non seulement de ne pas savoir si quelqu'un l'approchait, mais c'était également le signe que Smith et Kat s'étaient préparés à un rapt de plus grande envergure. Faire disparaître une élève à la fois était facile, ils l'avaient prouvé à maintes reprises, mais qu'ils en vinssent à désactiver la surveillance indiquait qu'ils visaient ce soir un nombre que leur discrétion ne pourrait jamais dissimuler.
La main crispée sur la poignée de sa rapière, elle huma de toutes ses forces, consciente qu'il ne lui restait que peu de temps avant que la sécurité ne vînt la retrouver. Elle perçut alors un effluve, venant d'un bureau. Sans hésiter, elle entra.
Elle regretta immédiatement son impulsivité, et s'insulta intérieurement. Si Kat était dans la pièce, la prudence la plus élémentaire était de mise, et elle était entrée sans s'assurer de sa sécurité. Heureusement que Christel n'était pas là pour voir sa bourde...
Assise sur le bureau, la vampire était effectivement là, une hache à la main, mais ne fit pas un geste pour attaquer Lilian. Ses jambes se balançaient doucement, faisant faiblement tinter les grelots à ses pieds, alors qu'elle dardait sur son adversaire un regard contrarié.
– Eh bien, râla-t-elle, tu en as mis, du temps !
Sur ses gardes, la jeune fille ne répondit pas.
– Je me demande ce que Christel t'a vraiment appris, quand même, poursuivit Kat. Lui, il m'aurait repérée en une seconde.
Elle se leva de son assise.
– Bof, ce n'est pas grave, ça rendra le jeu encore plus amusant. Mais par pitié, la prochaine fois, mets un peu moins de temps à me retrouver, j'ai failli mourir d'ennui en t'attendant.
Lilian n'eut aucune réaction, craignant une ruse ou une diversion. Devant son silence, Kat sembla se résigner.
– Mais bon, je suppose que la pratique te fera faire des progrès. Enfin, si tu survis pour voir le lendemain.
– Tous les méchants ont toujours ces discours complètement stéréotypés ? se contenta de demander Lilian avec lassitude. Je pensais que c'était un cliché de fiction, moi.
Kate pinça les lèvres avec contrariété.
– On prend exemple sur Christel, à ce que je vois, siffla-t-elle. Tu vas voir dans deux secondes si tu fais toujours autant ta maligne.
Kate lui montra alors la hache qu'elle tenait en main.
– Ça ne te rappelle rien ?
La jeune fille aperçut alors le sang séché sur le tranchant. En une seconde, elle fut brusquement paralysée par le souvenir d'une musique. Elle revit une porte fermée, une éclaboussure sombre sur le sol, le bruit de l'eau coulant dans la douche...
– Ça te reviens, maintenant ? se pourlécha Kate. J'espère que tu as apprécié le spectacle, parce que moi, je me suis bien amusée.
Lilian ne répondit pas, soufflée par l'horreur.
– C'est quand même dommage, quand on y pense. Si tu n'avais pas fait ta petite rebelle de service, on ne se serait même pas intéressé à toi. Ça fait quoi de te dire que tes parents sont morts par ta faute ?
Lilian comprit en un tournemain. Non content de se distraire de la mort de ses parents, Kate voulait lui retourner le couteau dans la plaie en lui en faisant porter le blâme.
La jeune fille poussa un cri de rage et se jeta sur la vampire, juste au moment où la sécurité faisait irruption dans la salle.
*
– James, attends-moi ! chuchota Lulu.
James se retourna. Son amie se débattait avec une branche qui s'était prise dans son voile. Dans son dos, le pinceau d'un phare balaya l'obscurité, l'obligeant à se baisser pour ne pas être vue. James dut faire un bond sur le côté pour se dissimuler derrière un arbre.
– Lulu, viens vite ! La pressa-t-il alors que les phares s'éloignaient.
Celle-ci se redressa, jeta un coup d'œil autour d'elle, puis se faufila comme elle put, pliée en deux dans l'ombre du bosquet. Ils se rejoignirent, puis s'accroupirent à l'abri d'un petit buisson, suivant des yeux la voiture qui venait de passer.
– C'est ici ? demanda-t-elle à voix basse.
Ils avisèrent, une vingtaine de mètres plus loin, l'imposant portail flanqué du blason universitaire.
Oui, c'était ici. Elle se souvenait de ce portail arrogant, le jour où ils avaient accompagné Christel à sa sortie de garde-à-vue. Elle remarqua alors le gardien qui se pencha par la portière, puis le mécanisme d'ouverture automatique, et se mordit la lèvre.
– On va réussir à rentrer, tu crois ?
– À l'impossible, nul n'est tenu, la sermonna James.
*
Donne-leur le repos éternel, Seigneur, et que la lumière éternelle les illumine.
Le juste restera dans un souvenir éternel, duquel il n'a pas à craindre une mauvaise réputation...
Les poings serrés et les muscles bandés, Christel campa sur ses pieds et regarda Smith comprimer rageusement l'entaille qu'il venait d'essuyer au flanc.
Christel se jeta sur lui. Tous deux roulèrent sur le sol, dans un déluge de violence. Un échange terrible s'engagea pendant lequel les coups s'échangèrent à une vitesse folle. Christel eut bientôt l'avantage, et lança une volée de coups de poings dans la figure de son adversaire.
– Les cent coups de poing de l'Étoile du Nord ! railla-t-il. Atatatatata !
– Et ça te fait rire ? ragea Smith.
Absous, Seigneur, les âmes de tous les fidèles de tout lien de péché, et que, secourues
par Ta grâce, elles méritent, Seigneur, d'échapper au jugement vengeur et de goûter
aux joies de la lumière éternelle...
Le jeune homme porta autant de coups qu'il put, mais alors qu'il allait asséner le dernier, Smith lui en porta un qui le fit voler et tomber rudement à terre. Profitant de l'aubaine, le maudit bondit sur lui, toutes griffes et tout crocs dehors.
Sonné, Christel eut néanmoins le réflexe de rouler sur le côté, et Smith atterrit sur le sol. Ils se relevèrent et se firent face. Smith se jeta en avant, mais Christel esquiva l'attaque et, d'un geste de la main, porta un coup avec son pieu, dessinant une estafilade sur le visage de son adversaire.
– C'est bête, ça abîme ton joli maquillage ! se moqua le jeune homme.
L'ironie rendit Smith fou de rage. Il frappa avec le bras, obligeant Christel à se baisser pour l'éviter. Il lui crocheta ensuite les pieds et le jeune homme s'écroula. Smith se pencha alors sur lui et le saisit à la gorge. Soulevé dans les airs, Christel battit vainement des jambes, donnant à Smith d'inutiles coups de pieds.
– J'avoue que je suis curieux, ricana Smith. Je me suis toujours demandé ce que ça aurait donné, si tu m'avais laissé entrer dans tes rêves. Je suis sûr qu'on se serait beaucoup amusés, toi et moi.
Le jeune homme serra les dents sous la poigne de son adversaire, cherchant désespérément une idée. Il se souvint subitement d'une passe de Lilian, alors il se battait avec elle pour l'entraîner. C'était amateur, mais salutaire. Il cala ses pieds contre le ventre de Smith, poussa d'un coup et se libéra d'une détente.
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