Chapitre 53 (partie 2)
Christel stoppa ses jérémiades d'un geste.
– Quand je disais que les gonzesses ont le chic pour chercher la petite bête, grimaça-t-il. Lilian, l'essentiel est de rentrer et de se cacher sur place. Il est évident qu'on ne va pas rester comme des cons au milieu de tout le monde, à attendre que quelqu'un dise quelque chose. On balance un petit craque, on court se planquer, et on est peinards.
– Et si on demande à voir nos visages ?
« Lilian, intervint la Dame en lui posant la main sur le bras, laissez-le parler. »
Prise de court par ce désir de la faire taire, elle se tut alors. Christel remercia sa Dame d'un signe de la tête.
– Donc, pour en revenir, expliqua-t-il, voilà comment ça va se passer : la comtesse nous prête une voiture avec chauffeur. Oui, avec chauffeur, parce que je nous vois mal débarquer là-bas en conduisant nous-mêmes. On entre sur le campus. S'il le faut, on balance un bobard sur notre identité. On se gare au plus près des bâtiments, et dès qu'on a l'occasion, on se planque à l'intérieur. Ce sont les entrées du campus qui seront surveillées, donc, à-priori, les accès des bâtiments auront leur niveau de surveillance normal.
– Et la voiture, intervint James, qu'est-ce qu'elle devient ?
– Je ne sais pas encore, avoua Christel. Ce serait mieux qu'elle reparte aussi sec, surtout si on doit être découverts, parce que je parie que le chauffeur sera aussi mort que nous. Après, c'est vrai que ce serait utile de l'avoir sous la main, si on doit se carapater.
– Il pourrait aller se garer ailleurs, un peu plus loin sur le campus, proposa Lulu. J'imagine que s'il faut voir et être vu, à votre nouba, tout le monde sera au même endroit. Il y aura donc forcément des secteurs qui seront déserts. Et puis, il ne doit pas y avoir qu'une seule entrée, dans cet endroit. Il y en aura peut-être une qu'il sera plus facile de franchir pour sortir.
– En pleine nuit ? intervint Lilian qui connaissait le sujet comme sa poche. Pas sûr. Je me rappelle une fois, avec Nat' et d'autres copines, on avait voulu faire une blague en se laissant enfermer dans le campus. Malheureusement, pour sortir, ça a été une autre paire de manche.
– Les campus sont fermés, maintenant ? s'étonna James. Je croyais qu'ils restaient accessibles tout le temps.
Lilian eut une grimace contrite.
– Il fut un temps, peut-être. Je sais que l'actuel bâtiment de sciences est une ancienne résidence aménagée. Mais, maintenant qu'on a tous voiture avec chauffeur, le conseil d'administration n'a plus jugé utile de conserver les dortoirs. À part un peu de personnel, il n'y a plus personne pour dormir sur place, la raison pour laquelle les accès sont bouclés le soir.
– Pas glop, râla Lulu.
– Donc, résuma Christel, si je comprends bien, on ne pourra passer que par l'accès principal ?
– J'en ai bien peur. Costumés ou pas, les bals de promo ont toujours été organisés comme ça.
James leva alors le doigt pour attirer l'attention générale.
– Euh... Si vous voulez, j'ai peut-être une idée.
Tous les regards se tournèrent vers lui.
– Écoutez, commença-t-il, ce que je vais proposer est peut-être simpliste, ou pas assez sûr à votre goût, mais on ne sait jamais.
– Vas-y, on t'écoute.
– Pourquoi votre... amie ne vous accompagnerait pas ?
Un silence accueillit sa proposition.
– C'est vrai, développa James, si vous devez montrer patte blanche à l'entrée, pourquoi ne pas l'avoir avec vous ? Elle est encore élève de l'établissement, fait quand même encore autorité, je pense qu'en sa présence, ils se méfieront certainement beaucoup moins.
« Il n'a pas tort, jugea la Dame de Christel avec un sourire encourageant. Si l'un d'entre vous doit se montrer et que c'est elle, ils seront moins enclins à croire qu'il y a une astuce. »
Elle se tourna vers Christel qui n'avait toujours rien dit.
« Et toi, qu'en penses-tu ? »
– L'idée est pas dégueu. C'est sûr que si c'est Natacha qui se montre, ils poseront moins de questions. Je sais que Natacha, c'est plus trop ça, désolé Lilian, mais s'il n'y a pas d'autre solution, qu'est-ce qu'on peut faire d'autre ? Je me vois mal forcer l'entrée, ça alerterait tout le monde direct.
Il mit les mains dans ses poches, se mordillant la lèvre inférieure.
– Même si c'est clair que Smith sait déjà qu'on cherchera à entrer, mâcha-t-il amèrement.
Lilian dressa l'oreille.
– Tu crois qu'il s'en douterait déjà ?
– Franchement, Lilian, il faudrait être con pour ne pas imaginer qu'on saisirait l'occasion. Smith est loin d'être bête. Ça fait des siècles qu'on se bat, on se connaît par cœur. Un bal costumé, tout le monde méconnaissable, tu peux parier qu'il s'attend à ce qu'on vienne.
La jeune fille ne comprenait plus rien.
– Mais alors, s'il doit se douter de quelque chose, demanda-t-elle, tu vois pas qu'on se donne tout ce mal pour entrer, tout ça pour se rendre compte qu'il a mis les voiles ?
À sa grande surprise, les autres sourirent.
– Ça, c'est mal connaître Smith, ricana Christel. Le connaissant, il va même nous attendre.
– Sérieux ?
Elle n'en revenait pas, la pauvre. Depuis des jours, ils se donnaient tout ce mal pour monter une action dans l'ombre, tentaient de trouver des voies détournées pour régler les soucis de dernière minute, tout ça pour un adversaire déjà au courant de leur manigances, et qui allait en prime sagement attendre de se laisser casser la figure ?
– Il le fait par jeu, expliqua Lulu, c'est pour s'amuser. Il va attendre Christel bien tranquillement, lui laisser l'opportunité de lui en mettre quelques-unes, et puis hop !, il va retourner la situation à son avantage et s'en aller les mains dans les poches. Ça a le chic pour faire enrager Christel.
– Il me fait le coup quatre-vingt-dix-neuf fois sur cent, grinça celui-ci. Ça m'énerve. Ma tête à couper qu'il va me le refaire.
– Dans ce cas, pourquoi perdre ton temps à te jeter dans la gueule du loup ? s'étonna Lilian. Si tu sais déjà qu'il va te filer entre les mains, pourquoi tenter le coup ?
– Parce que c'est de bonne guerre, intervint James, et que Christel a toujours vu chaque affrontement comme le dernier. Chaque occasion est bonne à prendre. Et puis qui sait ? Cette fois pourrait bien être la bonne.
La jeune fille dressa l'index pour l'interrompre.
– Écoutez, je sais que vos conceptions des affrontements différent pas mal de celles du monde d'où je viens, mais vous ne pourrez pas me reprocher un certain scepticisme. On est en train de se casser la tête pour un ennemi qui sait déjà qu'on va venir, et qui va nous attendre juste pour le fun. Seulement voilà, moi, je n'ai pas de temps à perdre pour le fun. Je veux faire la peau à Kat. Alors, vous allez me faire le plaisir de remballer vos délires à deux balles et de vous concentrer sur un truc plus sérieux. Parce que sinon, moi, je file au campus et je vais me farcir cette garce, bal de promo ou pas !
Les autres gardèrent le silence, puis échangèrent un coup d'œil. Ils étaient bien obligés de comprendre son point de vue, après tout. Elle n'avait pas la même optique et, contrairement à eux, n'agissait pas pour son propre intérêt. Ils rengainèrent donc leurs plaisanteries et revinrent à leurs moutons, même s'ils ne les avaient pas tant quittés que ça.
Christel se racla la gorge.
– Donc, pour en revenir, poursuivit-il, est-ce que tu penses que Natacha pourrait venir avec nous pour nous garantir l'accès ?
Lilian fit une grimace dubitative.
– Je peux toujours lui demander. Si elle a autant le souci de la sécurité de cette école, je suppose qu'elle dira oui.
– Tu penses qu'elle pourrait refuser ?
– Ce n'est pas exclu, elle pourrait prétendre qu'on lui en demande trop, ou des trucs comme ça.
Christel se tourna vers la jeune fille.
– Tu peux l'appeler et lui poser la question ?
– Entendu. Si elle accepte, je lui donne quoi, comme heure et lieu de rendez-vous ?
– Où elle voudra, quand elle voudra. À quelle heure ça va commencer, ce truc, au fait ?
– En général, compte huit heures, neuf heures du soir, répondit-elle. Ça va durer toute la nuit.
Lilian s'éclipsa, son oreillette à la main. Lulu la suivit une seconde du regard, puis se tourna vers Christel.
– Ça a l'air de bien se goupiller, quand même, constata-t-elle.
– J'espère. C'est vrai que ça ne correspond pas à ce qu'on voulait faire au départ, mais bon, tant que ça marche...
James s'avança.
– Tu ne veux toujours pas qu'on vienne ?
Christel le regarda.
– Je ne vous ai jamais empêchés de venir, remarqua-t-il. La seule chose que je vous demande, c'est de ne pas intervenir.
– Même pour vous sortir de là, si ça se passe mal ? Imagine que tu es en mauvaise posture et que tu n'as aucune échappatoire, tu seras bien content qu'on soit là.
– Pour nous tirer du pétrin, capitula le jeune homme, je veux bien. Mais rien d'autre. Alors, Lilian ?
Celle-ci raccrochait à peine.
– Elle est d'accord pour venir avec nous, annonça-t-elle. Elle nous rappellera pour nous dire l'heure.
– Parfait ! se réjouit Christel.
Il se tourna alors vers Lulu.
– On peut donc enfin les voir, ces costumes ?
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