Chapitre 53 (partie 1)
La nouvelle, outre le fait qu'elle ne pouvait pas tomber à plus mauvais moment, ne pouvait pas être pire. Alors que tout semblait marcher comme sur des roulettes, le point le plus important du plan leur faisait défaut, à savoir l'intrusion sur place.
Natacha avait passé des minutes entières à s'excuser, disant qu'elle avait essayé de pousser les autres à protester, que c'était un scandale de douter ainsi des élèves, que la direction aurait des nouvelles de leurs parents, mais il n'y avait rien eu à faire. Le conseil d'administration avait voté à l'unanimité qu'étant donné les récentes disparitions, la sécurité des élèves exigeait des mesures drastiques. Il y aurait donc, non seulement un contrôle d'identité à l'entrée, mais aussi une surveillance accrue des accès de service, et également des équipes de sécurité supplémentaires pour quadriller tout le campus.
Christel, apprenant la nouvelle, était entré dans une rage folle, au point que James et Lulu avaient eu du mal à le maîtriser. Renonçant à voir son costume, il avait disparu, plongeant ses camarades dans un abîme d'inquiétude. James s'était même rué à l'université, pour le cas où Christel aurait eu l'envie de forcer le destin. Mais apparemment, il avait eu d'autres idées en tête, car jamais il n'était apparu dans les environs du campus.
Deux heures s'écoulèrent ainsi, sans la moindre nouvelle. Puis il réapparut subitement, devant la Porte de Scarlet. Cette dernière avait eu à subir tout ce temps les appels intempestifs des camarades, qui demandaient sans arrêt s'il était revenu. Ce fut donc avec un soulagement profond qu'elle le vit passer l'entrée de sa boutique, suivi de près par sa Dame, laquelle avait l'air plutôt remontée.
– Tiens, un revenant ! grinça-t-elle en l'apercevant.
« Bonsoir, Scarlet, salua la Dame. J'ai enfin réussi à lui remettre la main dessus. »
Mais Scarlet se tut bien vite en voyant sa mine. Il ne semblait pas disposé à la plaisanterie, en cet instant, car il avait l'air passablement contrarié. Il passa devant elle sans un mot, les lèvres pincées.
– Moi aussi je suis contente de te revoir, lui lança néanmoins son amie.
Il passa la Porte sans se retourner.
Les jeunes recrues, qui attendaient fiévreusement son retour pour glaner une information ou un enseignement, se rendirent vite compte qu'il valait mieux ne pas l'approcher dans l'immédiat. Il marcha résolument droit devant lui, les mâchoires serrées, et personne ne se risqua à interrompre son avancée.
Il n'y eut que Lulu pour se précipiter vers lui en l'apercevant.
– Christel !
Celui-ci tourna la tête à l'appel de son nom, et vit son amie courir dans sa direction.
– Christel, putain de merde !
Elle s'arrêta à sa hauteur, la mine décomposée, puis attrapa son ami par le bras.
– Tu es malade, ou quoi ? Ne refais plus jamais ça ! Tu sais dans quel état tu as mis tout le monde ? On était morts d'inquiétude ! Tu étais parti où ?
Un silence de mort planait dans le couloir. Christel semblait dans un tel état de contrariété qu'il donnait l'impression de vouloir exploser à tout moment. Mais il se contenta de croiser les bras et de regarder Lulu avec découragement.
– Fais pas chier, d'accord ? grogna-t-il.
Lulu n'eut que faire de son air menaçant et lui donna une bourrade furieuse.
– Je te fais chier, si ça me chante, crétin ! Alors, ne viens pas me faire le coup de la colère contenue, ça fait longtemps que ça m'impressionne plus. Je ne sais pas si tu t'en es rendu compte, mais tu as disparu sans prévenir pendant deux plombes !
– Sans blague ? Tu voulais que je fasse quoi ? répliqua Christel en se détournant. Il fallait bien trouver une solution !
– Et c'était trop, pour toi, que de nous avertir ? lui lança Lulu. Putain, Christel, James a littéralement couru à la fac parce qu'on croyait que tu voulais jouer les héros !
Elle s'élança et marcha à sa suite.
– Tu l'as trouvée, au moins, cette solution ?
« Oui, il l'a trouvée, répondit la Dame, devançant Christel. Même s'il n'avouera jamais qu'il aurait préféré ne pas avoir à en arriver là.»
– Sérieux ? Et c'est pour ça que tu fais la tête ?
– Laisse tomber, tu veux ?
Mais devant l'apparente volonté de son ami de ne pas en parler, aidée par son flair de femme, Lulu eut très vite son idée. Et le regard complice de la Dame l'y conforta.
– Tu as été voir la comtesse, pas vrai ?
Elle était, à ses yeux, la seule personne sur qui Christel pouvait compter en dehors de ses frères et sœurs d'armes, et la seule à être en mesure de proposer une solution à un problème aussi épineux que celui qui les préoccupait présentement.
Et à en juger par le silence de Christel, il était évident que c'était la bonne réponse. En revanche, cela n'expliquait pas sa mauvaise humeur. Lulu savait que son foutu chromosome Y détestait demander de l'aide, mais tout de même...
Résignée et résolue, elle se posta devant son ami et croisa fermement les bras.
– Écoute, je sais que cette nouvelle, c'est la merde, que toi demander de l'aide à quelqu'un, c'est la merde, mais rabattre ta contrariété sur les autres, vois-tu, c'est la merde aussi.
– Qu'est-ce que tu veux que je fasse ?
Lulu haussa un sourcil d'évidence, le regard insondable.
– D'abord, tu vas faire tes excuses à Scarlet, qui s'est fait un sang d'encre tout comme nous, soit dit en passant, et que tu as dû superbement ignorer en revenant ici. Tu vas les faire aux nouveaux, qui attendent de toi autre chose que ton humeur de chien, tu me les feras à moi, aussi, et aux autres pour finir.
– Et avec ça ? Un apéritif avec des petits gâteaux ?
« Les excuses suffiront », coupa court la Dame.
Puis Lulu se détourna et marcha résolument, obligeant Christel à la suivre.
James bondit littéralement sur ses pieds quand il les vit arriver. Il se précipita en avant, Lilian sur ses talons.
– Enfin, Christel, tu étais où ?
– Tu ne devineras jamais, ricana Lulu.
Christel sembla se renfrogner davantage. Lilian le remarqua, ce qui piqua sa curiosité.
– Pourquoi ? demanda-t-elle. Il était où ?
Mais James avait déjà son idée sur la question.
– Attends, laisse-moi deviner. Il était chez elle ?
– Eh, si.
– Ah, l'imbécile ! s'esclaffa James. Et c'est pour ça qu'il fait la tête ?
Lilian comprit enfin de qui il s'agissait.
– Schwartzenberg ?
Elle avait enfin réussi à mémoriser son nom en entier.
« Exact, confirma la Dame. C'est chez elle qu'il s'est rendu. »
– Et alors ? s'enquit James.
– Alors, il y a une solution, coupa Christel. Peut-être pas la plus discrète, mais il y en a une.
L'attention était à son comble.
– Partant du principe qu'à Rome, on fait comme les Romains, expliqua le jeune homme, on a trouvé un subterfuge.
– Ah, et qu'est-ce que la comtesse t'a trouvé, comme subterfuge ?
– Elle va nous prêter une voiture.
Lilian ouvrit de grands yeux. Elle avait peur de comprendre...
– Une voiture ? répéta-t-elle. Attends, tu veux dire que...
– Qu'on va passer par la grande porte, oui.
– QUOI ?
– Le moyen de faire autrement ? se défendit Christel. À moins que tu ne connaisses quelqu'un pour nous fournir en peinture invisible, on n'a pas d'autre solution. Je sais que ça ne ressemble pas vraiment à ce que je voulais faire au départ, mais au point où ça en est, ce sera l'entrée principale qui sera la plus facile à franchir. La voiture de la comtesse ne date pas d'hier, c'est sûr, mais ça passera pour un véhicule de collection. Tu l'as dit toi-même, ils vont sortir ce qu'ils ont de plus rutilant, alors une voiture de luxe de plus ou de moins...
– Le pire, c'est que ça se défend, jugea Lulu.
Lilian garda le silence, considérant ses camarades d'un air catastrophé. Passer par la grande porte avec une voiture vieille de plus de quatre siècles ? C'était une blague ?
– Pas tant que ça, la détrompa James qui semblait avoir compris le cheminement de ses pensées.
– Tu es sérieux ?
– Écoute, si on prend la peine d'y réfléchir, ce n'est pas une idée plus mauvaise qu'une autre. Sinon, vous feriez comment, vu que les autres accès vont être encore plus surveillés que d'habitude ?
La jeune fille resta muette.
– On dit généralement que plus les mensonges sont gros, mieux ils passent, ajouta Lulu. Ça ne s'est pas toujours vérifié, mais quoi de plus discret qu'un costume dans une bagnole de luxe au milieu d'autres costumes dans d'autres bagnoles de luxe ?
Cet afflux d'argument laissa Lilian perplexe.
– Mais... et le contrôle d'identité ? demanda-t-elle néanmoins. Les autres voudront certainement savoir qui porte quoi. Si on nous demande notre nom ?
– Bon, je reconnais qu'on est plus trop les bienvenus dans l'établissement, reconnut Christel, mais toi et moi, on a payé pour cette année, donc techniquement, ils sont tenus de nous laisser entrer, que ça leur plaise ou non. Ou, dans le pire des cas, on se fera passer pour quelqu'un d'autre, c'est pas un mal. Ce sera juste un petit bobard à l'entrée. L'essentiel est d'être sur place, non ?
– Oui, mais si on se fait passer pour quelqu'un qui est déjà entré ? Ou si la vraie personne se présente après ? Tu vois pas qu'on part à notre recherche à travers tout le campus...
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