Chapitre 27 (partie 2)


– Et ça, je peux m'en servir ?

Tous tournèrent la tête vers Lilian. Elle avait décroché du mur une rapière dans son fourreau. Le regard de James s'éclaira.

– Haha ! Un domaine pour moi !

Il sortit l'arme du fourreau. La lame lança un éclair argenté.

– Rapière française, étudia-t-il, mousquetaire à garde creuse en forme de cœur. Poignée en bois et pommeau d'acier. Avec une lame en losange. Plutôt légère. Une rapière pour dame, de toute évidence.

Il passa son doigt sur le tranchant.

– Un peu ébréchée, jugea-t-il. Mais encore bonne pour la taille et l'estoc.

– Vous avez l'air de vous y connaître.

Il lui fit un clin d'œil en se désignant du pouce.

– Eh, oui. Si tu as des questions sur les épées, voir bibi.

Il remit l'arme dans son fourreau et en caressa le cuir noir.

– Le fourreau est un peu abîmé, dommage. La ferrure est rouillée, là, et ici, le cuir est un peu craquelé.

Il la lui tendit.

– C'est une très bonne arme, mais elle a été mal entretenue, conclut-il. Il faudrait la remettre en état.

– Oh là, la tempéra Lilian, attendez, je ne sais même pas si je vais choisir celle-ci.

James lui répondit par un geste désinvolte.

– Ce que je vais te dire est peut-être cliché, mais tu n'as pas à te soucier de ce détail. Crois-moi, lorsque tu auras l'arme qu'il te faut, tu le sauras très vite.

– L'arme qui choisit son guerrier, ou un truc du genre ?

– Pas tout à fait. On pense à tort qu'il suffit d'apprécier une arme pour l'utiliser. C'est pas vrai. Beaucoup de chasseurs se sont retrouvés handicapés parce qu'ils persistaient à se battre avec une arme qui ne leur était pas adaptée. En fait, ce qu'il faut, c'est une arme à ta juste mesure, qui correspond parfaitement à ta morphologie et tes aptitudes. On ne va pas te refiler une épée médiévale à deux mains qui pèse deux kilos dans les pattes, tu pourrais à peine la tenir à bout de bras. Tu comprends ce que je veux dire ?

– Oui, je crois. Donc, si je suis incommodée, c'est qu'elle ne me correspond pas.

– Tu as tout compris.

Lilian la sortit du fourreau et la tendit devant elle. James la regarda faire avec un petit sourire.

– Elle a l'air de t'avoir tapé dans l'œil.

– Je la trouve jolie, en tout cas. C'est quoi la taille et... comment vous avez dit ? Les... stocks ?

Les bras de James en tombèrent aussitôt, sectionnés net, alors que Lulu éclatait de rire.

– Alors là, chapeau, c'est la première fois qu'on me la fait. « Les stocks ».

– Quoi, qu'est-ce que j'ai dit ?

– Seulement une bêtise, l'informa Christel.

– « Les stocks »..., rigola Lulu. J'aurais vraiment tout entendu.

La jeune fille ne savait plus où se mettre.

– J'ai dit quelque chose de vraiment stupide ? bredouilla-t-elle.

James vint à son secours :

– Pas stupide, mais qui témoigne de ta totale ignorance en la matière. Je n'ai pas dit « les stocks », mais « l'estoc ». La taille et l'estoc.

– Et qu'est-ce que c'est ?

– Ce sont des types d'attaques, expliqua James en lui prenant la rapière des mains pour illustrer son propos. La taille fait appel au tranchant de la lame, l'estoc à la pointe. La taille, c'est pour couper, l'estoc pour embrocher. D'où le mot « estocade ».

Il accompagna son explication par une démonstration, faisant mine de couper la jeune fille au jarret puis de lui transpercer le ventre.

– Je vois. Donc, si la lame est en argent, c'est parfait pour tuer les vampires ? Sachant qu'on peut les tuer avec des lames en argent...

– C'est possible, en effet. Maintenant, je te le répète, il te faut une arme que tu puisses manier à la perfection. Ne perds pas ton temps avec si tu n'arrives pas à t'en servir.

Lilian, qui moulinait dans le vide, leva les yeux vers lui.

– Et comment je peux savoir si j'arrive à m'en servir ou non, si je n'essaye pas ?

James n'hésita plus :

– Tu veux que je t'apprenne ?

Et les deux autres de fermer aussitôt les yeux.

– Oh, misère..., se lamenta Christel.

– Ça y est, ricana Lulu, le voilà reparti.

– Il va encore nous sortir toute sa science, ajouta Christel.

– Quel mal y a-t-il à être cultivé, je vous le demande ? s'offusqua James.

Il se pencha vers Lilian :

– Ils se gaussent parce que j'en sais plus qu'eux sur le sujet.

– Vous vous y connaissez à ce point ?

James tapa du poing sur sa poitrine.

– Vous me demandez si je m'y connais ? Vous l'ignorez sans doute, mademoiselle, mais j'ai été maître d'armes, il fut un temps.

– Maître d'armes ?

– J'enseignais l'escrime, mademoiselle, expliqua James avec emphase. J'enseignais le noble art du duel de Cour, du temps où l'on savait se battre et mourir avec panache. J'enseignais la grâce et le style, j'enseignais la force et le courage d'aller au-devant du combat. Aujourd'hui, que vous apprend-on ? À balancer une grenade au loin avant de se cacher comme un pleutre, ou tirailler à tout-va sur tout ce qui bouge en priant le ciel de faire mouche. Peuh ! Ça ne vaudra jamais la beauté d'un duel à l'épée.

La jeune fille le regardait gesticuler en souriant.

– Effectivement, vous êtes un vrai passionné, apprécia-t-elle.

– Parce que je me targue d'être un expert, chère demoiselle. Et qui de mieux qu'un expert pour vous enseigner la chose ?

Elle admit.

– Effectivement, vous avez raison. Vous voudriez bien dans ce cas me faire partager votre science ?

James se tourna vers ses camarades et frappa le dessous de son menton avec le pouce : et toc !

Christel, toujours penché sur son arbalète, jugea néanmoins nécessaire d'intervenir :

– Que James t'apprenne l'escrime, c'est une chose, Lilian, mais tu n'apprendras jamais en si peu de temps. En tout cas, n'espère même pas te battre avec ça ce soir.

– Ah bon ? s'étonna Lilian qui ne semblait pas être d'accord. Pourquoi ?

– Parce que cet imbécile s'est encore laissé emporter par son enthousiasme, et qu'il a encore oublié l'essentiel.

James se gratta la nuque, embêté, mais admit le bien-fondé de ses paroles.

– Oui, tu as raison. C'est trop tôt pour qu'elle s'en serve correctement. Alors qu'est-ce qu'on lui donne ? Un pieu ?

– Je crois que c'est la meilleure chose à faire dans l'immédiat.

Il se tourna vers Lilian et lui prit la rapière des mains.

– Il a raison, estima-t-il, tu ne pourras pas te battre avec ce soir. Désolé, mais c'est trop tôt pour la rapière. On va te donner un pieu, pour commencer, ce sera plus pratique pour toi.

– Un pieu ? Pourquoi ?

– C'est l'arme élémentaire, expliqua-t-il. Tout chasseur a débuté avec un pieu, et je crois que tu ne dérogeras pas à la règle.

– Donne-lui des pieux en argent, intervint Lulu, c'est plus sûr.

Lilian laissa partir la rapière à regret.

– Je croyais que les pieux étaient en bois, releva-t-elle alors que James s'éloignait à la recherche des pieux en argent.

– À la base, ils étaient faits en bois. Frêne, saule pleureur... Mais on les fait maintenant en argent pour deux raisons : d'abord parce qu'il n'y a presque plus assez d'arbres pour nous permettre de les fabriquer, ensuite parce que l'argent est plus solide que le bois.

– Tout à fait exact ! s'exclama James en revenant. Tu ne sais pas le nombre de chasseurs qui ont échoué dans leur mission parce que leur pieu s'est bêtement cassé au mauvais moment.

Il lui tendit une ceinture, à laquelle était ajusté un étui contenant trois pieux en argent de différentes longueurs. Un autre étui comportait une petite flasque métallique d'eau bénite.

– C'est le kit de base, précisa-t-il. Garde ton chapelet sur toi, il te protégera contre les morsures.

Elle prit l'étui en main, et fut frappée par le poids.

– La vache, c'est lourd !

– Eh, c'est du métal.

Pendant ce temps, Christel avait pris un sac de sport d'une marque anonyme pour dissimuler ses armes. Il rangea l'arbalète, puis le carquois.

La Dame le regardait faire comme elle le faisait toujours quand il partait en mission.

– Sérieux, lui lança le jeune homme, arrêtez de me regarder comme ça, vous allez vraiment finir me flanquer la poisse.

« Jusqu'ici, ça ne t'avait pas trop mal réussi. »

Il se redressa et lui fit face.

– Écoutez, si vous êtes inquiète, dites-le.

La Dame sembla sur le point de parler, puis renonça et soupira.

« Si je devais mourir à chaque fois que j'étais inquiète pour toi, je serais déjà morte un bon million de fois ! Alors oui, je suis inquiète. Pour Lilian. »

Elle leva les yeux sur lui.

« Mais ce qui m'inquiète le plus, vois-tu, c'est le peu de cas que tu fais de ta propre inquiétude à son endroit. N'oublie pas qu'elle est sous ta responsabilité, et que sa mission vaut autant que la tienne. Ne t'avise surtout pas de lui faire prendre des risques inconsidérés. »

– De toute façon, je n'ai pas l'intention de l'envoyer en première ligne. Elle restera en retrait derrière moi, et n'interviendra que quand ce sera dégagé. Vous pensez réellement que je ne suis pas conscient de mes responsabilités ?

La Dame eut un geste vague de la main.

« Oh, conscient... Des fois, je me pose la question. »

– Arrêtez votre cirque, un peu. Je sais quand même me servir de ma tête, des fois.

« Oui, c'est vrai... Pour porter des coups. »

Christel sourit de sa réponse, et soupesa son sac.

– Je crois que ce sera largement suffisant, jugea-t-il. Pour Smith et deux vampires, ce sera assez. Lilian ! appela-t-il alors. Viens mettre tes affaires dans le sac, ce sera plus discret.

Sentant le regard de la Dame sur lui, il tourna les yeux vers elle.

– Ne vous en faites pas pour elle, je m'en vais la surveiller aux petits oignons. Croyez bien que si par malheur quelqu'un s'avise de lui faire du mal, ce salaud aura même pas le temps de dire « ouf ».

La Dame capitula :

« Très bien, en ce cas, mes vœux t'accompagnent. »

Christel ferma le sac et ajusta la bride sur son épaule.

– On y va ? Je t'expliquerai comment utiliser tes pieux en chemin.

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