Chapitre 27 (partie 1)


– OK... Là, tu m'épates.

Lilian en aurait laissé tomber sa mâchoire, si les articulations temporo-mandibulaire le lui permettaient. De même que ses bras si les deltoïdes étaient du même avis.

Suite à l'information d'importance qu'il avait obtenue de Teddy, Christel avait immédiatement remis le cap vers le repaire. Arguant du fait que le garagiste pouvait être très rancunier quand il s'y mettait, et il ne pouvait blâmer le pauvre homme, il voulait agir le plus vite possible afin d'éviter que sa cible ne lui échappât à nouveau.

Scarlet avait encore râlé quand elle l'avait vu en compagnie de la jeune fille, mais avait obtempéré sans faire trop d'histoires.

– N'oublie pas ta promesse, lui avait-elle néanmoins rappelé avec un moqueur clin d'œil, avant de refermer la porte du placard sur eux.

– Ta promesse ? s'était étonné la jeune fille.

Christel s'était alors plaqué la main sur la bouche, brusquement catastrophé.

– Oh, merde ! avait-il juré.

– Ben quoi ?

La seconde porte s'était ouverte devant eux, et ils s'étaient engouffrés dans le large hall.

– Alors ? avait insisté Lilian. Quelle promesse ?

– Je lui avais promis un truc, c'est juste que...

– Oui, eh bien ?

Il avait râlé devant sa curiosité, puis avait rendu les armes.

– Tu te rappelles le premier soir où tu t'es retrouvée ici ? Le soir où tes parents sont morts...

– Oui, à peu près.

– Eh bien, Scarlet ne voulait pas te laisser entrer, ce soir-là. J'ai dû la convaincre de le faire.

Lilian ne voyait toujours pas en quoi c'était si catastrophique.

– Tu as dû lui promettre quelque chose ? avait-elle compris.

– J'ai fait cette promesse parce que ça urgeait ! Alors j'ai sorti le premier argument qui me passait par la tête et que j'étais sûr qu'elle ne pouvait pas refuser.

– Et tu lui as promis quoi ?

– De coucher avec elle.

La jeune fille s'en était arrêtée net de courir, bouche bée.

– Tu lui as promis de... ? Tu es sérieux ?

– Je ne pouvais pas faire autrement ! s'était défendu Christel. Elle arrêtait pas de me harceler à ce sujet, et moi j'avais toujours refusé, alors je m'étais dit que le lui proposer pouvait suffire à la convaincre que la situation était grave.

– Mais c'est un homme ! Il a un pénis !

– Scarlet est une femme, Lilian, et je me fous totalement qu'elle ait un pénis, là n'est pas la question. C'est juste que depuis des années, elle s'est fourré dans la tête l'idée d'essayer avec moi. Pourquoi moi, j'ai jamais su. Du coup, au vu de l'urgence, j'avais joué sur le fait que ce n'était pas le moment de penser à ça, ce qu'elle avait dit ce soir-là, mais...

– Tu as juste omis de prévoir qu'il... qu'elle pouvait s'en souvenir, c'est ça ?

– Oui, s'était-il désespéré, c'est ça.

Elle lui avait amicalement tapoté l'épaule.

– Je compatis, avait-elle assuré.

Mais ces yeux pétillaient d'un tel éclat qu'il était évident qu'elle se moquait davantage de lui qu'autre chose.

– Bon, on y va ?

Et il avait repris sa direction initiale. Lilian avait levé les yeux au ciel avant de lui emboîter le pas.

Seulement, quand ils étaient arrivés à destination, elle rigolait moins. Christel avait ouvert la lourde porte en fer et elle l'avait vue.

Une armurerie.

La pièce dans laquelle Christel l'avait faite entrer n'était qu'un gigantesque arsenal. Des coffres remplis d'objets divers s'accumulaient sur le sol, les lames s'alignaient sur le mur, la pièce toute entière était dévouée aux armes, depuis le poignard jusqu'au canon. C'était presque aussi impressionnant que la bibliothèque.

– Bienvenue à l'armurerie, avait présenté Christel.

Et il sourit devant l'expression de la jeune fille, innocente revanche sur sa moquerie de tout à l'heure.

– OK... Là, tu m'épates.

– Ça en jette, hein ?

Elle s'avança, impressionnée.

– Et c'est à vous, tout ça ?

Elle n'en revenait pas de ce qu'elle voyait. Tout autour d'elle, des armes. Des couteaux, des sabres, des épées, des haches de toutes sortes depuis la petite hache de menuisier jusqu'à la hallebarde. Des arcs, des arbalètes, des lances, des cimeterres, des kriss, des katanas... Rien que des armes blanches, de toutes les époques et de tous les pays. Lilian distingua même quelques armes à feu, mais, ainsi que Christel le lui apprit, elles ne servaient que très rarement.

– C'est beau, hein ? fit une voix dans son dos.

Elle se retourna. James et Lulu entrèrent à leur tour dans l'armurerie.

– On a appris que vous étiez là, expliqua Lulu, alors on est venus.

Elle s'approcha de la jeune fille.

– C'est impressionnant, pas vrai ?

– Plutôt, j'avoue.

James avait déjà décroché une épée.

– C'est ma favorite, raconta-t-il.

Il exécuta quelques moulinets.

– Les armes ont des propriétaires ? demanda Lilian.

– Absolument pas, lui apprit Lulu. Ici, chacun se sert comme il veut. Il y en a, comme James, qui ont une arme favorite, c'est vrai, mais elle ne leur appartient pas. N'importe qui peut la prendre et s'en servir.

– Alors je peux prendre n'importe laquelle ?

– N'importe laquelle, lui assura Lulu.

– Et je ne risque rien si je me promène avec ? Parce qu'avec les détecteurs, en ville... D'ailleurs, comment vous faites pour circuler avec des armes dans la Cité sans vous faire remarquer ?

– Eh bien...

Christel se désintéressa de la conversation et inspecta les armes, marchant lentement le long des présentoirs. Il saisit d'emblée un étui de trois pieux en argent. Il ignorait comment le combat se déroulerait, et il voulait être paré à toute éventualité.

Plus loin, Lilian examinait soigneusement l'éventail de possibilités qui s'offrait à elle. Elle était tentée par les lames, mais il y avait tellement de choix qu'elle ne savait pas vraiment quoi choisir.

– Tu n'arrives pas à t'y retrouver ? comprit James.

– Pas vraiment, non. Comment vous faites, en général, pour choisir ?

Il fit la moue, un peu embêté. Car l'explication était simple, mais ne s'appliquait pas vraiment aux nouveaux.

– En fait, répondit-il alors, ça dépend de beaucoup de choses. Déjà, du maudit que tu traques : il est évident que tu ne vas pas néantiser un vampire avec une massue. Tu dois donc choisir ton arme en fonction de l'objectif visé. Ensuite, ça dépend de tes aptitudes au combat. Certains chasseurs font d'excellents snipers alors que d'autres excellent dans le combat rapproché. Maintenant, c'est quelque chose que tu n'apprends qu'avec la pratique, du coup, c'est très dur pour les nouveaux comme toi de savoir ce qui leur convient le mieux.

Il croisa les bras.

– Écoute, si tu veux que je te donne le meilleur conseil qui soit, laisse parler ton instinct. Ne te laisse pas guider par tes besoins, mais par ton flair. Choisis l'arme qui t'inspire le mieux, et on va partir de là.

– Bon...

Alors qu'elle s'éloignait, Christel était penché sur une arbalète et en vérifiait le mécanisme.

– Ça commençait à faire longtemps, remarqua-t-il alors sans même relever la tête. Je commençais à me demander où vous étiez partie.

« Ce n'est pas comme si tu avais vraiment besoin de moi. »

Le jeune homme sourit et repoussa son arme.

– Comment ça va, chez vous ? demanda-t-il.

« Depuis quand tu te soucies de comment ça va chez moi ? »

Elle se tourna vers Lilian qui continuait de ne pas savoir ce qu'elle voulait.

« Elle est donc entrée dans le circuit ? »

– Pas vraiment le choix. C'était ça, ou elle y allait toute seule.

« Tu ne crains pas que ce soit un peu tôt, pour elle ? La mort de ses parents est encore récente, elle est encore en train de faire son deuil, et nous sommes bien placés pour savoir que le chagrin est un très mauvais motivateur. »

– C'est bien pour ça que je vais avec elle. On court après la même cible, après tout.

« La même cible, pas vraiment. Pour autant que je sache, ce n'est pas Smith qui a porté le coup fatal. »

Le jeune homme sourit.

– Vous parlez comme dans les journaux. « Porté le coup fatal ». On dirait un vieux livre.

« Je pourrais en dire tout autant de toi. »

– Ah bon ?

« Oui, j'ai pu remarquer que ton langage s'était plus ou moins amélioré. »

– Sérieux ? J'avais pas fait attention.

« Christel, voyons. Il était un temps où tu ne pouvais pas proférer une phrase sans y mettre une vulgarité. Écoute-toi aujourd'hui, et tu constateras que ta moyenne à plutôt diminué. »

– Si vous le dites.

Ils jetèrent un œil vers la jeune fille toujours perdue au milieu de l'armurerie. Elle avait décroché un poignard, mais ne semblait guère convaincue. James, pour l'aider, lui proposait divers instruments, son épée, un arc, des pieux en argent, une dague florentine. Mais quand Lulu lui proposa de revêtir la lourde armure qui attendait sagement dans son coin, il préféra arrêter les frais et se contenta de superviser. Lilian était tombée en arrêt devant une rangée de vieux fusils, et il lui expliqua qu'il s'agissait là d'authentiques mousquets et arquebuses. Elle prit un mousquet.

– On reconnaît bien là la demoiselle moderne, sourit James. Une arme à feu.

– Vous croyez que je peux me servir de ça ?

– Si c'est pour donner des coups sur la tête, oui, intervint Lulu. Mais si c'est pour tirer, non.

– Ah bon, pourquoi ?

– Pénurie de balles. Et même s'il y en avait, on ne se sert pas trop de ces engins.

– Pourquoi ? répéta la jeune fille.

James fronça le nez.

– Nous n'aimons pas utiliser des armes à feu contre les maudits, expliqua-t-il. Les balles en argent garantissent la même efficacité contre certains, mais elles sont moins maniables. En plus, le problème avec ça, c'est qu'on ne peut tirer qu'un seul coup alors qu'avec un poignard ou un pieu, on peut les enchaîner.

– Il n'y a qu'à mettre des balles en argent dans une mitraillette, proposa Lilian avec bon sens.

– Le problème reste le même, répliqua Lulu. Au bout d'un moment, on a plus de balles.

La jeune fille n'insista pas. Elle revint vers les râteliers sur le mur et reposa le mousquet avec un soupir.

Christel jeta un regard sur sa Dame. Celle-ci considérait Lilian qui s'était éloignée dans l'armurerie, une moue sceptique aux lèvres.

– Vous n'avez pas l'air convaincue, remarqua Christel.

Elle le regarda avec gravité.

« Je ne suis pas sûre que l'impliquer autant, si vite, soit vraiment une bonne idée, avoua-t-elle. Elle vient à peine d'apprendre ce que vous faites, hier seulement tu lui parlais des maudits, et la voilà déjà en train de faire son marché à l'armurerie. Ce n'est pas prudent, et si elle disait quelque chose à quelqu'un ? »

Mais les lèvres de Christel se pincèrent.

– Mouais, je comprends. Mais ce n'est pas vraiment Lilian, qui m'inquiète...

La Dame baissa les yeux sur lui, interpellée par le ton sombre de sa voix.

« Tu penses à quelqu'un en particulier ? » demanda-t-elle avec prudence.

Oui, il pensait curieusement à Natacha. Il ne pouvait s'empêcher d'être surpris par sa bonne composition. Elle était certes l'amie de Lilian, mais c'était également un pur produit de la Cité, avec toute la mentalité qui allait avec. Les autres élèves n'avaient eu aucun mal à lui claquer la porte au nez, alors pourquoi pas elle ? Natacha avait payé sans broncher un quart de million de dollars rien que pour le sortir de sa garde à vue, avait réglé les frais médicaux de Lilian, tenait tête à ses parents qui la poussaient à se trouver une nouvelle amie. Un altruisme aussi poussé n'était pas vraiment dans les usages de sa société, alors qu'est-ce qui pouvait bien la motiver ?

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