Prologue, partie 5 : Ou le début de nouveaux problèmes



On a vite constaté après son départ qu'il était 17h. Nous avions 3h avant de se retrouver dans le point de rendez-vous.

À partir de là, les groupes furent un peu confus. Personne ne se connaissait vraiment et beaucoup restaient entre eux, mais tout le monde s'est un peu retrouvé dans le supermarché où je m'étais réveillée pour aller manger quelque chose. Ou au moins boire.

On a également récupéré nos clefs pour visiter nos chambres qui était dans le sac que Monokuma avait jeté.

Chacune n'était composée que d'une unique pièce, d'environ 15m carré à vue de nez. Un grand lit avec des draps multicolores, mais pas de fenêtre. Une table de chevet avec une petite lampe, une petite étagère avec quelques livres et décorations, un grand placard à vêtement encastré à même le mur, et un bureau avec une chaise à roulette.

Le sol juste devant l'entrée était un carré de carrelage blanc, puis après une petite marche, le reste du sol de la pièce un peu surélevé était fait d'un parquet recouvert d'un tapis amortissait le bruit de mes pas. L'ampoule au plafond était recouverte d'un abat-jour en papier orange et rouge en forme de boule. Et puis dans l'entrée, un carton avec mon prénom écrit au feutre dessus d'une écriture tremblante, presque... presque enfantine, m'attendait silencieusement.

Dans ce carton, il y avait un ensemble de mes affaires personnelles. Mes posters, ma veste préférée volée à Dada, une trousse de toilette avec mon peigne, mon vernis à ongle et mes barrettes, mon casque à musique oreille de chat et mon mp3, mon doudou, une enveloppe pleines de photos.

En sortant ces affaires, deux sentiments contraires me traversèrent. Un soulagement face au réconfort de ces objets familiers, mais aussi le malaise de me dire qu'ils avaient pu s'introduire chez moi, et prendre ces objets si personnels. Est-ce que mes parents étaient en sécurité ?

J'ai passé le temps restant enfermée dans ma chambre, à ranger mes affaires et écouter de la musique allongée tout habillée sur le lit en fixant le plafond. Comment j'étais censée me sortir de cette situation ? Je n'avais jamais eu affaire a des problèmes de cette ampleur auparavant. J'avais toujours eu une vie confortable et sans danger. Je n'étais pas un de ces ultimes torturés et complexes avec un passé lourd. Je n'ai jamais rien vécu de difficile, à part quelques moqueries sur mes deux pères au collège, rien qu'une ou deux répliques bien placées avec un grand sourire ne fasse taire.

Je ne sais même pas comment ça se fait que ce satané Hope's Peak donne un ultime à quelqu'un comme moi ! Enfin pas que je ne le mérite pas, ma pizzeria EST la meilleure, mais je n'ai rien accompli de remarquable.

Quelqu'un a toqué à ma porte.

J'ai relevé la tête tout en restant allongée :

- Euh, oui ? Entrez ?

La porte s'entrouvrit et une tête presque rasée et une paire d'yeux bruns apparu.

- Salut Kiara !

Je me suis assise sur le bord de mon lit, me tenant droite. C'était celui qu'on avait trouvé avec Sao Mai... celui qui voulait l'aider à décoincer sa jupe....

- Lucien, c'est ça ?

- Oui, c'est ça ! Merci de t'en souvenir. Je peux te parler une petite seconde ?

Intriguée je me suis levée et je me suis rapprochée de la porte. Il s'appuya un peu sur l'embrasure de ma porte. Derrière lui le grand couloir blanc était désert. Étrange de se dire que nos chambres menaient directement sur un centre commercial.

Il jeta un petit coup d'oeil à droite, puis à gauche et se lança :

- Voilà, on sait comment ça se passe dans les Tueries, on espère que personne ne meurt, on fait des alliances et puis au final, on se méfie, la zizanie s'installe, quelqu'un meurt, et tout part en spirale infernale.

Je ne savais pas vraiment, j'avais été assez stupide pour penser que c'était encore un autre de ces sujets d'actualités déprimants qui ne me concernaient pas personnellement et qui ne servaient qu'à me faire culpabiliser quelques minutes avant qu'un autre problème insignifiant du quotidien ne m'absorbe. Il reprit pendant que je retenais un frisson :

- Alors je me disais, il faut qu'on prenne sérieusement les choses en main. Qu'on mette fin à ce futur massacre. Qu'on le tue dans l'œuf. Je sais que ça paraît idéaliste mais c'est mieux que de baisser les bras non ? C'est pas en abandonnant qu'on réussis !

J'ai froncé les sourcils, incertaine de ce qu'il proposait :

- Et comment on fait ça ?

- Je sais qu'on a jamais entendu parler de Tuerie où tous les candidats s'enfuient avant que la Tuerie ne commence vraiment. Mais on a régulièrement vu des anomalies dans les Tueries, pourquoi pas la nôtre ? On doit prendre notre destin entre nos mains, on ne va pas se laisser faire comme ça quand même ! Je propose qu'on trouve une sortie, et qu'on s'enfuit d'ici.

J'ai pris une seconde à réagir :

- Mais... on est pas au milieu du désert australien ?

- Même au milieu du désert on trouve des présences humaines, sans compter sur le fait que l'humain est un maître de l'adaptation, on trouvera de quoi survivre partout. On peut le faire, j'y crois. Je m'y connaît un max en survie en milieu hostile et puis l'endurance c'est quasiment mon ultime.

J'avais oublié son ultime, juste que c'était un truc de sportif.

(après recherche, il est ultime "iron man" donc c'est une sorte de triathlon ultra hardcore)

Mais son enthousiasme était contagieux, et mis du baume sur mes craintes. Il ajouta :

- Et puis quitte à mourir, autant le faire en étant libre et en coupant l'herbe sous le pied aux Monokonnards.

Moins rassurant tout de suite. Mais malgré tout, ce type chaleureux et solaire me donnait envie d'y croire.

- D'accord... alors qu'est-ce que tu voulais de moi ?

- Que tu rejoignes mon groupe ! Je recrute les gens. Tu m'as donné l'impression d'une personne qui serait.. motivée par mon idée !

Et pourquoi après tout ? Quel était le pire qu'on risquait si on échouait ? Rien de plus que si on restait les bras croisés. J'ai souris :

- Okay ! J'en suis. Qui d'autre à déjà rejoint ?

- Toi et moi !

- Et ?

- Je compte sur toi pour recruter plus de gens ! Merci de ta confiance Kiara, à tout à l'heure.

Il me claqua la main sur l'épaule avec un grand sourire et referma la porte.

Oui bon, soudain j'avais quelques doutes supplémentaires sur le succès de cette opération. Mais bon n'oublions pas que j'en étais au premier jour, avec très peu de connaissance sur les Tueries, et désespérément besoin d'être rassurée.

Après ça, il fallut se diriger vers la fameuse bibliothèque pour le fameux rendez-vous.

Sur le chemin, je me suis raccrochée à Cameron que j'avais eu la chance de vite croiser, comme à une bouée de sécurité, et je l'ai vu rire avec ses yeux brun-rouge comme de l'argile. Je savais qu'il était sur le point de me lancer encore une remarque stupide, mais je l'ai fait taire en me penchant doucement pour poser une main délicate sur son tibia, sans un mot, comme on pose la main sur la tête d'un petit animal, comme un rappel de mon excès de violence d'un peu plus tôt.

Il se contenta d'un sourire content de lui et amusé par mon geste malgré la menace implicite, et j'ai marché à ses côtés jusqu'au lieu de rencontre.

La façade de la bibliothèque en question était une architecture moderne, très portée sur le verre et l'acier, qui laissait voir les deux étages internes et surtout le manque de vie pour un tel lieu.

Monokuma était déjà là. Elle était assise à un bureau, une pile de cahier devant elle, en train d'écrire dans l'un d'entre eux. Quand tout le monde fut là, elle releva la tête, et expliqua sans aucune cérémonie et d'un air détaché.

- Tous les jours de 20h à 21h30, vous viendrez ici tenir votre journal sous ma surveillance. Vous avez le droit de communiquer mais seulement à voix basse. Tout le monde doit écrire dans son journal, ne serait-ce qu'un peu. Aucune autre activité n'est permise. Je récupère vos journaux à la fin.

Elle se leva avec la pile de cahiers, et s'approcha de nous. De moi. DE MOI.

J'ai presque failli partir en courant quand elle s'arrêta à quelques pas, baissa son regard, et soudain posa un cahier dans mes mains. Elle continua, donnant un cahier à chacun.

- Tout ceci n'est pas un stupide jeu. Vos décisions sont importantes. Vos pensées sont importantes. Vos émotions sont importantes. N'hésitez pas à noter tout ce qui se passe dans les détails, n'hésitez pas à confier tous vos doutes et troubles, et n'hésitez encore moins à noter vos envies, vos rêves et vos espoirs.

C'était ce qu'il y avait de plus solennel dans tout ce qu'elle avait dit jusqu'ici. La seule chose dans laquelle elle avait insufflé une véritable émotion.

Elle retourna s'asseoir à son bureau, et changea de sujet, soudain plus neutre.

- Si vous vous demandez où sont les sanitaires et les douches, vous les trouverez au 1er étage, Boucle-Est. Profitez-en car l'accès y sera bientôt conditionnel, mais c'est une conversation qu'on aura pour plus tard. Si vous avez besoin de me trouver pour une raison ou une autre, je serais toujours quelque part parmi vous à vous observer, ma chambre se situe à côté des vôtres. Mais pour l'instant je veux que vous racontiez dans vos journaux autant de choses que possible sur vos premières impressions. Vous allez avoir une semaine où les meurtres sont interdits pour apprendre à vous connaître un peu, et écrire autant que possible dans vos journaux. Des questions ?

Un silence tomba sur nous. Ça faisait beaucoup d'informations à digérer d'un coup.

Mais Lucien demanda alors :

- Et s'il n'y a pas de meurtre ?

Monokuma ne releva pas la tête de son cahier, et un petit rictus étira ses lèvres et d'un ton sinistre elle rétorqua :

- Il y a toujours des assassins.

Elle nous parcourue soudain du regard :

- Au moins un tiers d'entre vous je dirais.

Un long frisson me traversa l'échine. Lesquels. Lesquels ?

Cette fois ce fut à Terpsichore de demander :

- Et quand on meurt, il arrive quoi à nos cahiers.

- Hm. Une question pertinente. Le premier à venir me le réclamer après procès peut l'avoir. Si personne ne le fait au bout de 12h, je le garde.

Un nouveau silence suivie et Eldey demanda avec hésitation :

- On a combien de temps d'enquête avant les procès ?

Elle nous regarda encore, cette fois bien de face, fixant ses yeux à glacer le sang sur Eldey, le transperçant avec son léger sourire qui ne bougeait aucun autre trait de son visage.

- Zéro.

J'ai eu l'impression qu'un coup de tonnerre nous avait frappés. J'ai senti la tension, à couper au couteau, les respirations suspendues.

Nita demanda dans un filet de voix :

- Zéro quoi ?

- Zéro heure, zéro minute et zéro seconde. Quand un cadavre est trouvé, le procès commence. Le temps de procès est limité à 1 heure. Les votes, anonymes. D'autres questions ?

- V-vous ne pouvez pas !

Keith s'exclama. Notre Cheffe d'orchestre répondit laconiquement :

- Si. je peux.

D'une voix blanche Amanita demanda :

- Où-où est... la salle de procès ?

- Là où se retrouvera le corps.

Certains d'entre nous se sont regardés, l'air horrifiés. Juger d'un meurtrier inconnu autour d'un cadavre encore chaud ?

- Et les exécutions ? Comment se passent-elles ?

Demanda Tao. Monokuma resta assez vague, claqua un coup sec de sa la langue, comme ennuyée ou bien agacée par la réponse, difficile à dire :

- Cela dépend du contexte, une mort douloureuse en général.

Comme personne ne trouva rien à répondre à cela, elle posa son stylo, croisa les mains sur ses genoux et nous regarda en penchant la tête :

- S'il n'y a pas d'autres questions, je vous prierais de commencer à écrire. Je suis certaine que vous avez beaucoup de choses à raconter.

Je fus la première à prendre un stylo sur une des tables, m'asseoir, ouvrir, et commencer.

Enfin essayer de commencer. Mais vous avez déjà eu ce petit discours. Les autres me suivirent en silence. Je crois qu'intérieurement, la plupart d'entre nous était rassurée à l'idée de pouvoir poser sur le papier le trop-plein d'émotions qu'on venait de se prendre, sans se préoccuper d'autre chose, comme survivre, ou se méfier des autres.

Le seul bruit restant fut celui des crayons et des stylos grattant le papier, et des soupirs de mes nouveaux compagnons d'infortune.

Et voilà, si vous vous posiez la question. C'est donc comme ça que tout a commencé. Et peut-être, que tout se finira.

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