Pierre passe la journée du lendemain avec sa famille mais n'a aucun plan pour le jour suivant. Le lundi, tout le monde travaille, il sait qu'il ne les reverra que rapidement le mardi, avant son avion qu'il prendra en fin de journée. Ça y est, les vacances sont finies, il est temps de retourner sur les circuits. Comme chaque année, Pierre n'est pas triste. Il a profité à fond du temps qu'il avait, et il a hâte de reprendre sa passion.

Alors il traîne chez lui toute la journée, commence à faire sa valise suivi d'un brin de ménage. Quand il entend son téléphone sonner, il s'attend à voir le nom d'à peu près n'importe lequel de ses contacts, et il est pris de court quand il voit que c'est un appel Instagram d'Alma-Lïa.

-Allô ?

-Pierre Gasly, il pleut des cordes.

Le pilote est surpris de la voix qu'il entend. Aucun ton moqueur, il n'entend pas son sourire à travers l'appareil. Tout ce qu'il entend, c'est de la confusion.

-Tu es dehors ? demande-il en s'approchant d'une fenêtre, à travers laquelle effectivement, il atteste de la pluie battante.

-Avant, oui.

-Avant, tu étais dehors ? Tu es au sec, maintenant ? Ça va ?

-Non, dit-elle, mais il est bien incapable de savoir à quelle question ça répond. Je... j'arrive ?

Pierre n'est pas complètement certain que c'est ni une question, ni une affirmation.

-D'accord, je t'attends.

Il raccroche et fait exactement ce qu'il a dit. Le brin de ménage est abandonné, il fait les cent pas devant la porte pendant une durée qu'il est bien incapable de déterminer. Finalement, elle sonne, et il ouvre immédiatement. Dès qu'elle entre, il comprend la voix complètement perdue et le discours décousu au téléphone. Elle se trouve devant lui, un pull noir avec la capuche sur la tête, trempée. Elle semble étonnée de le voir, comme si elle n'avait pas fait le trajet jusqu'ici dans ce but exact.

-T'es venue seule à pied ? s'inquiète-t-il immédiatement, et pour toute réponse, Alma-Lïa se faufile dans les bras du pilote, qui fait la moue. Faut que t'enlève ça, Alma-Lïa, t'es détrempée.

La chanteuse s'exécute et jette la veste derrière elle comme si elle n'avait plus aucun intérêt pour elle. Pierre a à peine le temps de remarquer que c'est un tee-shirt à lui qu'elle porte qu'elle se blottit à nouveau contre lui. Cette fois, il ne lutte pas et l'entoure de ses bras. Elle se met à sangloter, et Pierre ne pose aucune question. Ce n'est pas le moment. Et même si c'était le moment, elle ne répondrait probablement pas.

Ils restent longtemps debout, elle à pleurer, lui à la bercer pour qu'elle se calme.

-Je trouvais pas la tombe de ma mère.

Le cœur de Pierre se serre. La phrase a été chuchoté, pourtant, elle a rempli tout l'espace qu'il y avait dans la pièce. Pierre se retrouve à espérer ne jamais avoir fait de bêtise à ce sujet, comme mentionner une maman avec un peu trop d'insistance.

-Tu te rends compte de la fille ignoble que ça fait de moi ? reprend-elle un peu plus fort. J'ai cherché sa tombe pendant trente minutes.

-Ça fait pas de toi une fille ignoble. Ca fait de toi une fille déterminée. T'imagines pas le nombre de personnes qui n'auraient pas cherché trente minutes sous cette pluie battante, Alma-Lïa.

-Je lui devais bien ça après tout ce temps sans venir la voir...

-T'es en tournée mondiale. Ne sois pas si dure avec toi-même.

Elle ne répond rien et replonge son visage dans le cou de Pierre, qui, même s'il apprécierait de rester planté comme ça avec elle pendant des heures, se résoud à lui souffler :

-Viens, on va te chercher un pull.

Il ne le reverra pas, c'est ce qu'il se dit en la voyant l'enfiler, mais pour une fois, il s'en fiche un peu.

-J'ai pas de sèche-cheveux, réalise-t-il en voyant que les cheveux de la chanteuse n'ont pas été épargnés, et elle lui demande simplement une serviette de bain pour éponger l'eau avant d'enfiler la capuche et de se glisser dans le lit.

Pierre s'allonge à côté d'elle, ne sachant pas vraiment quoi faire. Il n'a aperçu la Alma-Lïa triste que brièvement jusqu'à maintenant et n'a donc pas eu le temps de faire sa connaissance. De découvrir comment l'aider. Il est un peu démuni.

-J'arrive, déclare-t-il d'un coup, et il se lève pour rejoindre la cuisine. Quand il revient, il se place au-dessus de la poubelle et commence à éplucher la clémentine qu'il a apportée en silence. La chanteuse met quelques secondes à se redresser pour voir ce qu'il fait.

-Tes placards sont vides mais tu as des clémentines, dit-elle, et Pierre n'arrive pas à saisir s'il s'agit d'une critique, une moquerie ou une simple remarque.

-J'ai des fruits. De la nourriture de sportifs.

Elle rit, et il hausse les sourcils, surpris.

-Tu m'as servi des nouilles instantanées.

-C'étaient les vacances.

-Et là, c'est plus les vacances ?

Il hausse les épaules.

-Non. Je retourne au charbon demain.

Elle hoche la tête et s'assoit, collant son dos à la tête de lit. Il s'installe à côté d'elle à nouveau avant de lui tendre le fruit épluché.

-Merci. Tu en veux ?

Il répond négativement et elle mange sa clémentine en silence. Quand elle quitte les lieux deux heures plus tard en assurant au pilote que ça va mieux et qu'elle va se nourrir pour le dîner, Pierre réalise que c'est la première fois qu'ils se voient sans coucher ensemble.

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petit chapitre parce que c'est l'anniversaire de notre Pierre national