-On va être en retard.

-C'est ta faute.

-Commencez pas, Bonnie & Clyde.

Pierre se retourne vers Théa, qui est assise à l'arrière de la voiture. Après la traditionnelle partie de pierre-feuille-ciseaux remportée par Esteban, son coéquipier n'a pas eu d'autre choix que de s'asseoir sur le siège passager. Il songe sérieusement à proposer une nouvelle façon de régler ce différend, car il en a marre de perdre.

-On est d'accord, Théa, que c'est de sa faute ?

-Elle prendra jamais ma défense, t'as gagné, soupire Esteban.

-C'est votre faute à tous les deux. Estie, parce qu'il a passé douze ans sous la douche, et Pierre parce que tu as attendu le dernier moment pour aller faire pipi.

Ce dernier pouffe de rire.

-Genre, tu n'étais pas avec lui sous la douche.

-Si tu réponds, Esteban, je demande le divorce.

-Ça veut juste dire oui, ça, remarque Pierre en ouvrant la fenêtre. L'air extérieur lui fouette le visage, et il ferme les yeux pour en profiter.

-Thé, tu rentres comment à l'hôtel, ce soir ?

Pierre la voit hausser les épaules dans le rétroviseur.

-Je sais pas encore.

-Toto te paie toujours une chambre d'hôtel, où il a compris que c'était de l'argent jeté par les fenêtres parce que tu dors avec Este depuis plusieurs années ?

-Il me redemande chaque semaine. Il sait que j'ai prévu de divorcer, sourit-elle, et Pierre rit. Il jette un regard à Esteban, qui a un petit sourire aux lèvres aussi. Si les premières fois, Pierre se demandait si les remarques de Théa lui faisait de la peine, il a rapidement compris que cela faisait simplement partie de la dynamique du couple.

Quand ils arrivent sur le circuit, Théa les abandonne pour rejoindre le motorhome Mercedes tandis que les deux hommes restent à discuter quelques minutes avec Lance à l'entrée. Quand ils reprennent leur chemin vers le motorhome Alpine, Esteban demande à Pierre :

-T'écoutes les chansons d'Alma-Lïa, toi ?

-Bah, quelqu'un a déjà répondu non à cette question ? Bien sûr que j'écoute les chansons d'Alma-Lïa, Esteban.

Ce dernier rit.

-J'ai des places pour un de ces concerts à Paris.

Pierre arrête complètement de marcher : il est trop choqué pour continuer.

-Mais comment ça ?! Tout est sold out depuis des mois, elle passe le week-end prochain !

Esteban hausse les épaules.

-J'ai quand même des places. Ça t'intéresse de venir, ou pas ?

Pierre lève les bras au ciel d'un air dramatique.

-Évidemment !

Esteban secoue la tête d'un air dépassé.

-Je t'en réserve une, alors. Par contre, je te préviens, pas un mot devant Théa. Elle est archie fan, et je veux lui faire la surprise.

Pierre s'arrête à nouveau. Cette fois-ci, son coéquipier ne s'en rend même pas compte et commence à échanger avec son ingénieur qui boit un café devant la porte. Pierre reste à quelques mètres, les bras ballants, se demandant si lui aussi, un jour, il se donnera du mal pour trouver des places de concert à la personne qu'il aime.

Il en a très envie, pourtant, ces derniers mois, personne n'a vraiment su maintenir son attention assez longtemps pour qu'il envisage d'en arriver là. Peut-être que sa dernière rupture était encore trop fraîche, peut-être qu'il avait besoin de temps pour lui-même. Il n'avait jamais su décider s'il croyait au destin, ça dépendait des jours. Quand il pensait à sa carrière, la réponse était oui même s'il ne négligeait pas la part du travail dans l'ascension. Quand il pensait à Anthoine, c'était un grand non.

Quand après la journée de travail, il aperçut Théa par la fenêtre, en train d'attendre devant le motorhome toute seule, il sourit avant de sortir la voir.

-Tu peux me rappeler depuis combien de temps tu fréquentes Esteban ?

Elle secoue la tête.

-C'est pas une raison pour entrer dans une écurie où je ne travaille pas.

-Personne ne va te jeter des tomates. C'est encore votre truc de pas vouloir s'afficher ensemble ? T'as peur qu'il t'appelle "ma vie" devant tout le monde ?

Théa éclate de rire.

-Arrête de te moquer de lui. C'est déjà mon job à plein temps.

Pierre rit.

-Je vais te le chercher. Bouge pas.

Théa le remercie, et le pilote retourne à l'intérieur. Esteban est un peu plus loin, en train de réunir ses affaires.

-Ta vie t'attend dehors.

Esteban lève les yeux au ciel, un sourire aux lèvres.

-Tu veux pas me lâcher ? Je n'attends qu'une chose, c'est que tu te trouves quelqu'un pour que je puisse faire pareil.

Pierre hoche la tête.

-L'attente se fait longue, magne-toi, je sais pas.

-Merci pour ton soutien sans faille, Esteban.

Ils se dirigent vers la sortie, et ce dernier s'arrête et regarde Pierre.

-Je t'envoie les infos pour le concert d'Alma-Lïa ce soir ou demain... dès que Théa a le dos tourné, quoi.

-Merci.

En sortant, le premier réflexe d'Esteban est d'aller serrer sa femme dans ses bras et de lui demander comment s'est passé sa journée. Pierre traîne un peu des pieds pour pouvoir les observer de loin. Il voit le visage de Théa s'illuminer quand Esteban s'avance vers elle, et quand celui-ci se tourne pour demander à Pierre ce qu'il attend pour "se ramener", il reconnaît son sourire de l'amour.

Il ne l'admettrait à personne, pas même sa mère, mais il est très jaloux de son coéquipier pour ça.

Et lui aussi, il en vient presque à espérer trouver quelqu'un pour qu'Esteban puisse lui rendre la pareille des moqueries.

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petit chapitre pour vous mettre le contexte :) j'ai oublié de le préciser mais comme pour encre, aucun chapitre n'est écrit à l'avance (pour encre j'avais des scènes clefs et là je n'ai rien du tout) donc updates surprises à chaque fois !