Liberté
Dans la cellule la plus reculée de la prison du château de Rhyotin, une voix retentit.
« - Où suis-je ? demanda-t-elle.
- Nulle part. » lui répondit-on.
Il s'agissait d'une seconde voix qui venait de la même cellule. Et toutes deux dialoguaient comme si elles étaient seules.
« - Que s'est-il passé ?
- Rien. Absolument rien.
- Que fais-je ici ?
- Toujours rien.
- Pourquoi je suis ici ?
- Aucune idée.
- Mais, qui suis-je ?
- ... »
Un silence pesant se fit au plus grand soulagement du gardien de prisons. Très court silence, car le dialogue repris :
« - Un hors-la-loi ?
- Oui.
- Un voleur ?
- Oui.
- Un tueur ?
- Oui.
- Pour une bonne cause ?
- Non. »
Le geôlier soupira et se retint de frapper l'occupant de la cellule, car lui le savais bien. Il n'y a qu'un seul occupant dans cette salle humide et fermée, et il est fou.
« - Mais je suis un... un, repris l'habitant de la prison.
- Un bagnard.
- Un bagnard ?
- Oui.
- Mais je parle à qui, là ? À moi-même ?
- Oui.
- Mais je suis fou ?
- Oui.
- Et schizophrène ?
- Oui. »
Le garde de prisons retint un fou rire. Quelle perspicacité !
« -J'ai tué des gens ? continua le fou d'un ton calme mais glacial.
- Oui.
- Beaucoup ?
- Oui.
- Pourquoi ?
- Comme ça.
- Je suis un psychopathe, en fait.
- Oui. »
Le geôlier devina un sourire sur le visage du malade.
« - Ah ! Ok... Euh... c'est quoi un bagnard ?
- Un hardar dans le monde d'Earthya.
- Mais qu'est-ce que je fout à Earthya ?
- Aucune idée.
- Est-ce que c'est mon monde d'origine ?
- Non.
- Mais qu'est-ce que je fais là alors ?
- Qu'est-ce que j'en sais ?
- Ben je sais pas tu as l'air de tout savoir... D'après mes analyses je suis bien dans une prison. Mais je ne sais toujours pas pourquoi... Ah ! Si je sais ! Je suis un psychopathe, un tueur en série.
- Bravo !
- Oh ! Ça me revient. Je suis d'origine de Zertya !
- C'est exact. »
Mais qu'est-ce que Zerthya ? se demanda le garde plutôt intéressé car il n'était jamais sorti du chateau.
« - Mais, à Zertya, on a pas des pouvoirs ou un truc du genre ? repris le meurtrier. »
Le geolier déchanta tout de suite.
« - Ben si...
- Cool ! Nous, on a quoi ?
- Héhé ! Je sais pas...
- Genre ! T'es pas crédible, mec !
- Ok, mais je te le dis que si tu me laisse prendre le contrôle du corps qu'on a malheureusement en commun.
- Dans tes rêves ! De toute façon, je m'en souviens maintenant !
- Ah ! Ouais ?
- Ouais. C'est... de la grosse merde !
- Je confirme.
- Au moins, on a le même humour ! » répondit malicieusement le fou.
Le gardien qui commençait à perdre patience devant le monologue du malade, lâcha un soupir en lançant un regard assassin à l'intérieur de la cellule qu'il gardait.
- Ferme-la ! » cria-t-il. « Y'en a qui aime le silence.
- C'est qui ? » demanda le prisonnier.
- Le hardarien ou le geôlier de ta prison. » se répondit-il.
- Il va mourir.
- Oui. »
- Je suis un gardien hors pair et je n'ai pas peur d'un pauvre fou. » s'esclaffa le geôlier.
- Mais comme tu le vois, je compte pas rester ici pour l'éternité... » répliqua le tueur avec patience comme s'il n'était autre que le précepteur du malheureux gardien.
Le condamné regarda attentivement le garde pour y chercher un ou plusieurs défauts dans sa cuirasse. Ses yeux tombèrent sur les armes du soldat. Il possédait une longue épée qu'il tenait à la main et un arc qu'il portait à l'épaule. Sur ses yeux clairs et brillants d'une farouche lueur, tombait un heaume en métal. Le guerrier n'avait que ses mains nues qui sortaient de l'armure en cuir.
De son côté, le gardien observait aussi le fou pour lui chercher des points forts car il s'en voudrait s'il sous-estimait le prisonnier.
Le schizophrène était de taille normal, mais maigre et frêle presque chétif. Il devait avoir la vingtaine. Un sourire, constamment sur ses lèvres, appuyait sur la malice que l'on pouvait lire dans ses yeux grix pétillant de vie. Il avait les cheveux ébouriffés presque négligés. Dans ses yeux on pouvait voir un éclat de noirceur, reflet de son âme, dans lequel le sadisme dansait, main dans la main, avec le soif de sang innocent.
Ils se toisèrent avec mépris et plus personne n'ouvrit la bouche jusqu'à la tombée du jour. Vous ne seriez pas surpris, si on vous disez que le prisonnier comptait profiter de la nuit pour décamper....
Pourtant, le jeune homme ne voulait pas prendre de risque car, il tenait avant tout, à sa survie. Aussi, lorsqu'il repensait aux armes du guerrier, il imaginait la douleur d'une flèche dans le cœur ou d'une lame dans le ventre. Lui, qui avait pris tant de vies, avait une peur bleu de la liberté.
Le meurtrier imaginait sans problème sa vie s'il sortait. Il serait poursuivi, ça n'est pas vraiment un problème, mais surtout, il devrait refaire sa récolte de cœurs qu'il avait mis tant de temps à ramasser et s'il prenait du retard, les habitants de son monde le mettraient en charpie. En effet, à Zerthya, on mangeait des cœurs humains...
Ben voyons ! Je suis un chasseur. Je suis trop important pour les autres habitants. Il ne pourrons pas me tuer. Nous sommes en manque de chasseurs... se disait-il pour se rassurer.
On avait peut-être gardé sa récolte après tout...
***
Quelle ne fus pas sa surprise lorsque le gardien vit les bareaux de la cellule écartés ! Il paniqua puis se rappela que le château était un véritable labyrinthe.
Comment un garçon aussi fragile peut réussir un tel exploit ! se demanda le geôlier.
Il tanta de saisir ses armes, mais remarqua que son arc était brisé. Si on écarte des barreaux en métal on brise un arc en bois, soupira le soldat.
Sa première théorie fut qu'on avait aidé le tueur à s'évader. Théorie vite contredit lorsqu'il vit l'évadé courir droit vers lui, seul, son panier répugnant à la main. Le prisonnier fit de suite demi-tour poursuivit pas le guerrier. Le gardien était rapide mais le fou l'était d'avantage.
Malheureusement pour le soldat, le jeune homme finit par trouver la sortie. Il se retourna alors.
« - Tu vois malheureux, tu aurais dû jeter ce précieux panier tout de suite après ma capture, ricana-t-il.
- Oh ! Tu peux rire ! Je finirai bien par te retrouver et à ce moment-là.... » le garde ne finit pas sa phrase pour laisser le fou imaginer toutes sortes de choses.
Le condamné haussa les épaules puis tenda la main. À l'extrémité de celle-ci, une lumière aveuglante surgit dans la nuit. Le soldat plissa puis écarquilla les yeux. La lumière semblait tourner en forme d'ovale assez grand pour y laisser passer un homme.
« - Mon précieux portail, soupira le malade. C'est finalement pas mal la liberté dans ce monde... Je ne me lasserai jamais de la tête du geôlier, ajouta-t-il plus bas, ses yeux pétillants de malice. »
Et sous les yeux ébahis du gardien, le prisonnier passa une jambe puis l'autre dans le portail avant d'y disparaître entièrement.
Pouvons-nous blâmer le soldat d'avoir sous-estimé son prisonnier ? Non je ne pense pas. Tout de même, le gardien devint guerrier errant, à la recherche se son honneur perdu.
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Fini.
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