Chapitre 1
Leandre L. Leroy regardait par la vitre du véhicule la ville qui défilait. Les lumières des décorations de Noël magnifiaient la vie. Il était fatigué, cette nuit de Saint-Sylvestre lui semblait s'éterniser, comme si le temps devenait chaotique. Il avait un mauvais pressentiment depuis qu'il avait pris son service. Quelque chose allait arriver ? Son intuition de policier le trompait rarement. Il aurait pu pensé que les événements de cette folle nuit auraient stopper cette sensation, mais c'était tout le contraire. C'est pour bientôt. Il le savait.
Toute la soirée, avec son partenaire, ils n'avaient pas arrêté d'intervenir à droite et à gauche pendant leur patrouille. C'était le résultat de la combinaison : ambiance de fête et abus d'alcool ; le cocktail explosif pour faire de cette soirée, l'une des plus longues de l'année comme un bouquet final extravagant. Preuve : une heure plutôt, leur véhicule de fonction avait fini dans le décor percuté par un fou qui avait enclenché une course poursuite pour éviter un simple contrôle d'alcoolémie. Lee ne comprenait toujours pas qu'un cinglé puisse mettre la vie des autres en danger pour le plaisir fugace que donnaient quelques verres ingurgités dans un bar quelconque. Il repensait au résultat de cette mésaventure, une voiture hors de service, une de plus dans leur flotte de véhicules de plus en plus vieillissants, mais cela ce n'était que de la tôle, du plastique. Le plus grave restait l'état de Sebastian. Son coéquipier avait été conduit par les ambulanciers à l'hôpital car il présentait des signes d'un traumatisme crânien sévère, de nombreuses contusions et se plaignait de douleur aux côtes. L'abruti à peine blessé, mais fortement enivré avait été emmené par la deuxième ambulance. Le jeune flic avait eu de la chance, il n'avait rien à part quelques bleues dû à la ceinture de sécurité et à l'airbag. Cependant, le véhicule accidenté ne voulant plus démarrer, il était en train d'être ramené au commissariat par une autre patrouille.
Lee trouvait étrange d'être installé à l'arrière et non devant comme ses covoitureurs. Le trajet lui semblait long, surtout au début à cause du silence pesant qu'y régnait. Puis, cette angoisse lancinante le narguait, attention danger lui murmurait-elle. Malgré la discussion légère qu'il entretenait maintenant avec Hall et Flores, ce sentiment ne le quittait pas. Il finit par dire qu'il n'avait qu'une hâte : rentrer chez lui.
— Je te comprends ! Putain, cette nuit était trop longue, lâcha Federico, vivement la douce chaleur de mon lit !
— Et moi je rêve de me blottir contre le corps de Mychelle. Il n'y a qu'elle pour effacer les dernières traces des affres du travail, répondit Thomas.
— Pas pour moi, je devrais attendre encore un peu Marianna, elle est de garde aux Urgences.
Lee eu un accès de jalousie pour le bonheur de ces collègues. C'était rare, les policiers heureux en couple. Leurs uniformes attiraient peut-être cependant la réalité de leur quotidien, l'angoisse d'être le conjoint d'un flic, d'une personne au travail risqué prenait le pas sur le fantasme dans beaucoup de cas ou finissait par user précocement toute relation.
Il avait du mal à admettre qu'il était devenu l'exemple même du flic célibataire qui passait de coup d'un soir à un autre. Ce n'est pas ainsi qu'il arriverait à trouver une personne avec qui construire un foyer. Et d'avoir comme ses collègues, un endroit chaleureux où il n'aurait qu'une hâte : y rentrer après son service.
— Moi, j'ai Zip pour me tenir chaud dans le lit.
— Tu ne peux pas comparer ta grosse boule de poil, aussi gentil soit-il, à nos petites femmes dit Hall. Ton chien n'a qu'un avantage, te coûter moins cher en nourriture et vêtements que nos dames et encore...
— Quoiqu'il ne doit pas râler quand tu rentres un peu trop tard. Il doit juste remuer la queue et te faire la fête. Je devrais peut-être échanger mes gosses contre un chien, ironisa Rico.
Ils se mirent à rire de bon cœur à cette idée, car tous savaient que Flores ne vivait que pour sa famille tout comme Hall. Ils évacuaient simplement la pression comme ils pouvaient. Voyant où ils arrivaient, Leandre tourna la tête pour regarder, observer le vieux pont abandonné, en contre bas de celui qu'ils allaient passer. Il l'aimait bien ce truc à moitié en ruine surtout en ce moment de l'année, le service de la ville l'avait encore mieux mis en valeur par un jeu d'éclairage. Un adolescent faisait comme lui, accoudé à la balustrade de la construction moderne et métallique qui avait mis fin à la carrière du pont séculaire. Le jeune avait posé un immense sac au dos à ses pieds, et fixait les tumultes de l'eau de la rivière. Son instinct l'interpella, Leandre n'aimait pas l'attitude du jeune... Non, vraiment pas !
— Tall, ralentis ! Je ne le sens pas le gosse là-bas ! dit-il.
Merde, le môme venait de grimper par dessus le parapet.
— Il va sauter ! s'écria Flores tandis que son collègue freinait brusquement.
Leandre sortit précipitamment de la voiture, mettant pied-à-terre avec l'idée de l'empoigner avant qu'il ne tombe. À une seconde près, il aurait réussi si le gamin n'avait pas été plus preste que lui pour se jeter à l'eau. Il enjamba la balustrade à son tour et plongea aussitôt.
ΞΞΞΞ
Les eaux agitées tourbillonnaient créant une écume blanche qui se colorait sous l'effet des jeux de lumière de Noël qui décoraient le vieux pont. Sur les bords, quelques gros rochers accrochaient l'écume par endroits, cependant ils n'arrivaient pas à détourner le liquide sombre de son chemin. Il observait fixement le spectacle qu'offrait la nature. C'était effrayant et attirant à la fois, toutes ces nuances : le noir, le blanc, les reflets colorés comme un arc-en-ciel éclaté, embellissait la rivière L'endroit était encore plus fascinant de nuit que de jour. Oui, c'était idéal comme lieu pour...
Il repoussa un instant cette pensée et laissa les autres venir à lui. Une pour ce qu'il se subirait plus, une autre pour tout ce qu'il quittait sans peine et c'était bien assez. Pas un seul regret pour tout ce qu'il ne connaîtrait jamais. Il ne voyait aucune lueur d'espoir qui mettrait fin aux affres qu'il vivaient actuellement. Il avait choisi de ne plus lutter face aux brimades, à la violence devenue quotidienne, la haine des autres l'avait submergé. Il abandonnait, pas par facilité, simplement car rien ne le retenait là, à part la souffrance et c'était une ancre peu fiable dans ce monde. Ils avaient tous gagné et lui avait perdu le peu qui le fixait encore là.
Il était enfin délivré de tous cela. Enfin libre, il sauta.
ΞΞΞΞ
Thomas Hall observait discrètement son collègue assis à l'arrière. Lee semblait fatigué et nerveux. Il ne comprenait pas pourquoi les ambulanciers avaient refusé de le prendre en charge. Leandre ne présentait pas de blessures signifiantes, mais quand même, cela aurait pu être plus sérieux. Un accident de voiture, ce n'était pas rien. Il n'avait pas eu son mot à dire et avait accepté volontiers avec Federico de le ramener au commissariat. Le trajet s'écoulait tranquillement, au départ seul les messages transmis par la radio rompaient le silence du véhicule. Tous étaient épuisés par cette nuit qui s'éternisait. Ils parlaient de tout et de rien pour faire passer le temps. Lui n'avait qu'une envie : rejoindre son lit et se blottir contre le corps chaud de sa femme, de sentir sa tendresse chasser les dernières traces des affres de son travail. Un nouveau coup d'œil dans le rétroviseur et son cerveau se mit en route.
Ils discutaient de leurs envies futures nées de cette soirée trop longue. Ils essayaient tant bien que mal d'éloigner leurs pensées de l'état de santé de Sebastien et de leurs autres soucis. Ils venaient tous de rire à une bêtise de son coéquipier quand il réfléchit à autre chose. Personne n'attendait son jeune collègue à par son golden retriever. Il espérait qu'il n'habitait pas trop loin, car il semblait épuisé. Il réfléchit un court instant, quelle que soit la distance, ce n'était pas raisonnable qu'il rentre seul au regard de son état or il savait que celui-ci se rendait à pied ou en courant par tous les temps au commissariat. C'était décidé quoi que dise Lee, Rico ou lui-même ferait un détour en rentrant chez eux pour le raccompagner chez lui. Mychelle attendrait et lui pardonnerait volontiers quand il lui expliquerait la raison de son retard.
Tall allait pour prendre la parole quand le jeune flic l'interpella, lui ordonnant de ralentir. Flores jeta un coup d'œil dans la même direction que Lee : un adolescent s'apprêtait à sauter dans la rivière. À peine le véhicule arrêté, une porte s'ouvrit derrière lui, Leandre essaya vainement d'arrêter la tentative de suicide.
Une injure sortit de sa bouche quand il vit son collègue se jeter à l'eau à son tour en un plongeon parfait. Rico était déjà à la radio communiquant les informations au centrale, c'était à lui de jouer. Il descendit aussi, s'extirpant du véhicule difficilement à cause de ses deux mètres qui lui valait, depuis longtemps, le surnom de Tall. Les sauvetages n'étaient plus de son âge. Un tour par le coffre, il retira une des lampe-torches, des cordes et se dirigea vers le côté pour rejoindre la berge. Il balaya la rivière pour apercevoir leur collègue ou le malheureux. Lee serait dur à trouver vu la couleur sombre de leur uniforme.
— Rico, la couleur de la veste du môme ! hurla-t-il.
— Rouge, non... Orange ! lui répondit tout en courant pour rejoindre l'autre rive. Les secours arrivent !
Les faisceaux de leurs torches se croisaient sur l'eau de temps en temps. Ils scrutaient la rivière avançant rapidement, cherchant une tâche de couleur dans la nuit et les tumultes de l'eau. Putain, plus il cheminait sur le bord de la rivière, plus il s'énervait. Pourquoi un gamin voulait-il en finir avec la vie ? C'était si précieux et fragile, ce souffle. Pourquoi son collègue avait-il voulu jouer les sauveteurs ? Pourquoi ne les repérait-ils pas ? Il se faisait vraiment trop vieux pour ça. Il avait plus de cinquante-neuf ans, c'était peut-être le bon moment pour penser à la retraite. Il n'aurait plus qu'à s'occuper de sa petite femme et de leurs protégés.
— Tall, là bas ! s'écria Federico !
Il suivit le rayon jaune qui éclairait son côté de la rivière de plus bas de sa position actuelle. Il vit enfin le point que lui montrait Rico. Au milieu de la rivière un arbre mort à moitié immergé était bloqué contre quelques rochers qui dépassaient de l'eau, Leandre s'y accrochait tant bien que mal, bataillant contre les eaux turbulentes pour maintenir à flot un corps qu'il espérait encore vivant. Le blouson orange du gamin semblait gonflés par l'air et l'eau. On aurait dit un énorme ballon de baudruche qui était balloté aux grès des caprices de de la rivière. Son collègue semblait avoir bien du mal à retenir le gosse.
— Accroche-toi Lee, j'arrive !
Il repéra un arbre solide et accrocha la corde et fit de même autour de sa taille. Puis commença à s'immerger dans la rivière tumultueuse. Il lâcha un gros mot quand il sentit la sensation de l'eau glaciale lui pincer les jambes. Les courants étaient irréguliers et gênaient sa progression. Il sentait la sueur des ses efforts qui coulait dans son dos, c'était un contraste saisissant avec le froid qu'il ressentait dans la moitié à de son corps qui était immergé. Il luttait pour chaque pas contre la nature pour rejoindre Lee. Il fut soulagé quand enfin il fut à portée de bras et put attraper son collègue. Tall montra à Leandre la seconde corde qu'il portait autour de son bras. Il allait pouvoir attacher son collègue et le gamin à lui et retourner sur la rive. Il fut heureux quand il entendit au loin les sirènes des pompiers.
ΞΞΞΞ
Le froid et l'humidité qui s'infiltraient tout autour de lui, l'accueillaient à bras ouverts le plongeant irrémédiablement vers la voie qu'il avait choisie. Il se sentait léger et étrangement bien, bercé par l'onde La nature était peut-être plus tolérante que l'humanité, il n'était plus rejeté, il avait l'impression de faire partir d'un ensemble pour une fois.
L'eau froide l'engourdissait cependant il était bien, presque apaisé sentiment qu'il avait perdu depuis longtemps. Pour le moment le courant l'amenait doucement jusqu'à son but. Il connaissait le chemin et le rythme que prenait le cours d'eau par cœur pour l'avoir parcouru régulièrement en canoë-kayak l'été dernier. Paisible presque tranquille comme maintenant, puis la puissance se ferait sentir après une courbe ample, le courant s'accélérait implacablement, toujours plus fort jusqu'aux rapides qui fourmillaient d'écumes et de rochers pour se finir de manière spectaculaire au niveau de la cascade où les flots se fracassaient quinze mètres plus bas sur un affleurement de granit en rugissant dans l'air.
Il était bien, car la rivière semblait le nettoyer, le lavant lentement, ôtant aussi sûrement que du savon et une douche chaude, les dernières traces des malheurs qu'il avait subits depuis trop longtemps. Il serait beau et presque vierge pour le grand saut final et qui ce monde. Il souriait.
Un bras l'agrippa et le força à remonter vers la surface. Il ne voulait pas, il avait choisi. Il se mit à se débattre contre cette prise ferme.
NON ! hurla-t-il avant de sombrer dans le noir.
ΞΞΞΞ
Federico Flores n'était pas du genre patient, pas quand la vie des ses collègues était mis en jeu pour rien. Ça remuait trop de mauvais souvenir en lui. Il s'était fermé un instant et il savait que s'il ne réagissait pas rapidement pour stopper le silence lourd qui régnait dans leur véhicule de patrouille Tall allait s'inquiétait. Il n'était pas du genre taiseux, plutôt du style bavard rigolo, toujours prêt à faire sourire ou rire. Rico lança la conversation, tout en lisant le message que son fils aîné lui avait envoyé, ce genre de SMS l'inquiétait.
PF — Pap' aidez-moi, un pote veut faire une connerie !
Federico s'était toujours fait du souci pour Paul. Pour lui et sa venue, il avait décidé d'échapper à la carrière de futur voyou à laquelle ses origines le prédestinaient. A dix-neuf ans, il avait pris le droit chemin et était rentré dans l'école de police devenant ainsi l'opposé des ses cousins, pas un membre de gang invité quasi-permanent de certaines prisons locales. A vingt ans, il avait appris à être un bon père présent tout le contraire du sien. Jusqu'à y a deux ans, il était fier de la famille que Marianna lui avait donné. Ses gamins : Paul, Anna, Martin et Laura, étaient ses plus belles réussites.
L'entrée dans l'âge de rébellion qu'était l'adolescence, l'avait éloigné de son fils aîné. Surtout quand celui-ci avait refusé d'aller à l'université, préférant apprendre la mécanique dans le garage que tenait leur voisin. Finalement, il s'était fait une raison surtout quand il avait réalisé que son môme n'avait réussi ses années de lycée qu'avec l'aide du soutien scolaire que lui donnait régulièrement un jeune camarade.
Rico avait eu du mal à approuver mais il avait fini par le faire quand il avait réalisé la fragilité des adolescents. Ses dernières réticences avaient été pulvérisées à la vue du corps d'une gamine pendu sur un arbre séculaire dans un parc, pauvre victime du harcèlement scolaire.
Malgré cela, leurs egos d'hommes latinos mal placés les avaient gardé éloigné l'un de l'autre. Cet appel au secours de son fils, lui redonnait espoir et lui faisait peur à la fois.
FF — Arrive au Centrale dans 15 min.
Nouveau SMS de son fils avec une pièce jointe : une capture d'écran d'un compte Facebook. La photo et message laconique disant « Adieu, c'est plus simple comme ça ». Ce n'était pas bon. Il tapa rapidement une réponse. Le père s'effaçait face au policier.
FF — Besoin de plus d'infos. Raison, Localisation ?
Rico avait l'impression de se diviser en deux. Son côté farceur qui détournait Leandre de ses inquiétudes alors que lui-même y était plongé.
La suite était confuse, un môme sur le pont prêt à sauter qu'il avait reconnu immédiatement. Ce manteau déjà trop grand à l'époque où il venait aider son fils, était unique par sa couleur, le motif dans le dos un envol d'oiseau qui se transformait en un corbeau noir. Pas Jonathan Young, il pria un instant. La voiture s'arrêta, le plongeon de Nath suivi de Lee. Rico s'était mis en mode automatique. Il ne pouvait pas, ne voulait pas relever encore un corps, encore moins un qui ne serait pas anonyme. Les cauchemars, qui lui avaient gâché ses nuits pendant longtemps la dernière fois, venaient seulement de s'arrêter. Tel un robot, il fit son métier : appel au commissariat, récupération du sac à dos, et compléter la tentative de sauvetage de ses collège en se dirigeant vers la berge opposée à celle de Tall.
Crescendo l'angoisse montait au fur et à mesure qu'il ne trouvait, non pas l'ami de son fils. Si jamais, il ne saurait trouver les mots pour lui dire. Il fixa l'eau encore et encore accélérant le pas, les premières minutes étaient essentielles. Il commença à être soulagé quand il le repéra enfin la touche orangé dans les eaux sombres, un peu plus quand Hall les tirait tous les deux de la rivière vers la rive. Il avait l'impression de pouvoir de nouveau respirer.
Rico se mit à courir pour rejoindre ses collègues et arriva peut de temps après les secours. Les ambulanciers s'affairaient déjà sur Jonathan... Bon ou mauvais signe, il ne savait pas. Thomas et Leandre avaient été pris en charge aussi, ils étaient assis à l'arrière d'un véhicule aux portes ouvertes, portant des survêtements gris et enroulés dans des couvertures de survis. Tall consolait Lee qui pleurait sur son gobelet fumant qu'il serrait fort entre ses mains. Il m'approcha doucement en frissonnant, il réalisa qu'il avait oublié son blouson dans la voiture quand il s'était précipité dans ce sauvetage. Plus il m'avançait, plus il comprenait les larmes de son collègue. Le môme avait lutté contre lui, il désirait vraiment en finir. Il l'avait donc assommé, le temps qu'il reprenne le contrôle de sa nage, le courant les avait dirigé vers des rochers, pour les sauver tous les deux, Lee avait placé le corps de Nath devant lui pour limiter l'effet de l'impact. Il pensait qu'il l'avait échoué sa mission qu'il n'avait fait aggraver les choses.
— Il est en vie... c'est le plus important, lui affirmai Thomas.
ΞΞΞΞ
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