Chapitre 4

-        « Le désirez-vous votre Altesse ? ». La voix bienveillante du Capitaine Kuchiki ramena immédiatement Mai et Renji les pieds sur terre. Que voulait-il dire ? Byakuya demandait-il vraiment si la princesse et le Vice-Capitaine s'aimaient ? Leur coup de foudre était-il si évident aux yeux de tous ? Mai et Renji se scrutèrent un instant, jusqu'à ce que le Capitaine se tourne vers le buffet. « Profiter de nos nombreuses boissons rafraîchissantes et sucrées ? ». Mai et Renji ne retinrent pas plus longtemps leur souffle. Les regards des Hommes de la Division n'avaient été captivés que par l'arrivée de plusieurs serveurs, qui tenaient fermement des plateaux présentant des bols et des pichets.

-        « Oui, je veux bien me désaltérer. Je vous remercie pour cette délicate intention. », répondit Mai en arrêtant son choix sur son cocktail favori : celui composé de sucre de canne, de limonade, de menthe et de citron. La Compagnie attendit que sa Majesté trempe ses lèvres dans le breuvage, pour qu'elle valide sa couleur et son goût. « Délicieux et désaltérant. », confirma-t-elle en levant son verre. « Permettez-moi de porter un toast à votre Division, aussi accueillante que chaleureuse. ».

Byakuya et Renji s'empressèrent de récupérer leur boisson, pour retourner naturellement la faveur à la princesse. Mai plaisait aussi bien au Capitaine et à son Lieutenant, mais pour une raison différente. Kuchiki admirait l'élégance et le charme de son Altesse, alors que Renji était émerveillé de la beauté et du charisme de sa Majesté. En vérité, Mai était une jeune femme sincère et gracieuse, et ces premières qualités permettaient aux personnes qui la croisaient d'affirmer que la princesse était douce et généreuse.

Cependant, le poids du protocole était contraignant et les bienséances imposaient que Mai ne devait jamais engager la conversation avec quiconque. Chacun de ses interlocuteurs devait ainsi être assez courageux et confiant pour l'interroger, et lui proposer la prochaine activité.

Renji pensait justement à ces conventions, qu'il détestait. Il préférait observer son Capitaine, qui maîtrisait le cérémonial royal. Bien qu'il ne ressentait pas de la jalousie, il contemplait Byakuya et son naturel admirable à respecter toutes ces formalités. Le regard du Vice-Capitaine se perdit malgré lui dans le vide, et des souvenirs lui remontèrent en mémoire. Il aurait aimé dans cette situation être avec Rukia. Parce qu'elle était la seule à pouvoir gentiment se moquer et à rire du sérieux de son frère. En fin de mot de l'histoire, elle et Renji s'abritaient toujours dans leur endroit préféré qu'était un restaurant de nouilles.

-        « Renji se fera un honneur et un plaisir de vous accompagner jusqu'à vos appartements, qui se trouvent dans sa résidence. Il vous fera découvrir vos parties privées que sont votre chambre et votre salle d'eau, ainsi que la salle commune divisée entre le coin cuisine et le salon. Cette cohabitation vous convient-elle ? ». Kuchiki gardait de coutume un œil sur son Lieutenant, surtout depuis sa rupture avec Rukia. Parce que Renji avait besoin plus que jamais d'une compagnie calme et rassurante.

À l'entente de son prénom, le Vice-Capitaine releva son regard qui croisa celui de son Altesse. Ses yeux exprimaient une certaine malice, car elle était heureuse de vivre cette nouvelle expérience de liberté.

-        « Je vous confirme les dires de mon Capitaine, votre Majesté. », assura-t-il, en ressentant paradoxalement cette peur de ne pas réussir à accueillir convenablement la princesse chez lui. L'unique femme qui était rentrée dans son intimité était Rukia, et il redoutait que Mai s'en doute. Il ne souhaitait pas qu'elle se sente étrangère dans les parties privatives, auparavant occupées par une personne inférieure à son rang.

Or, fidèle à son caractère sensationnel, Mai réagit avec un ton enjoué, tout en prêtant une attention toute particulière à cette place magnifique, qui était le cœur de tous les points cardinaux de la Division :

-        « Je vous suis. ». Néanmoins, avant de tourner les talons avec une telle légèreté, son Altesse sourit aux femmes et aux hommes de la Compagnie et les salua d'un geste sympathique de la main.

« Je vous suis » ? Pourtant, Renji était prêt à parier que les Lieutenants devaient toujours marcher quatre pas après elle, et deux pas pour les Capitaines. Il préféra donc attendre par prudence (par simple formalité comme le répétait inlassablement Byakuya) que les portes du hall principal s'ouvrent pour profiter d'une promiscuité plus sécurisante.

Mai, Renji, Kuchiki et les gardes du corps se retrouvèrent devant une galerie des arts extraordinaire, où sa Majesté s'approcha spontanément du premier tableau, jusqu'à ce qu'elle se retourne vers les quatre hommes :

-        « Gardes, je vous accorde ma permission de vous reposer durant le reste de cette journée bien éreintante pour chacun d'entre nous. En outre, pendant mon séjour à la Soul Society, vous pouvez assurer ma sécurité de loin, car j'accorde désormais mon entière confiance au Capitaine Kuchiki et au Lieutenant Abarai pour cette responsabilité. Enfin, vous pouvez compter sur moi pour leur partager chacun de mes besoins. Je vous souhaite une excellente journée, à demain. », annonça-t-elle d'une voix sérieuse et ferme, qui plaisait à Renji. La princesse ressemblait au Capitaine Unohana, parce que ses hommes ne contestèrent pas son attitude (sévère) et quittèrent les lieux sans négociations. « Quant à vous Byakuya et Renji, vous pouvez marcher près de moi. En effet, je serai ravie de me tenir à vos côtés. Et entre vous et moi, je vous mentirais si je vous disais que je ne suis pas fière que vous soyez avec moi. », conclut-elle avec un soulagement si naturel que son Altesse tira fermement sur ses extensions. Ce geste révéla ainsi des cheveux coupés jusqu'aux épaules. « Pardonnez-moi pour cette surprise, mais j'ai décidé d'être la femme que je suis au quotidien : sans fards ni paillettes. Cette retenue me répugne. Et mon prénom est Mai, pas « Votre Altesse », « Votre Majesté » ou encore « Princesse ». Parce que le protocole l'exige en public, j'informerai mes gardes que toutes les âmes de la Soul Society peuvent m'appeler « Votre Grâce » ou « Madame ». ».

Kuchiki et Renji se dévisagèrent une seconde, pour se confirmer que la scène qui s'était déroulée devant leurs yeux était bien réelle. Mai était dotée d'un tempérament incroyable, d'une personnalité singulière et touchante.

-        « Vous pouvez nous accorder toute votre confiance pour que nous respections votre volonté, Mai. Permettez-moi à présent de me retirer, afin que vous puissiez profiter de toutes les qualités humaines de mon Lieutenant. ». Le Capitaine sembla hésiter sur le prénom de sa Majesté, jusqu'à ce que la princesse affiche son plus beau sourire du coin des lèvres.

Mai se tourna vers Renji, qui feint de rester impassible face à la grâce de son Altesse, alors qu'il se sentait inexplicablement apaisé près d'elle. Une sensation presque indescriptible émanait de sa Grâce... La liberté.

-        « Je vous propose de vous accompagner dans vos appartements, pour que vous puissiez les découvrir et vous sentir comme chez vous. Dès que vous vous sentirez reposée, je vous guiderai à travers la Soul Society pour saluer tous les Capitaines dans leur Division. », expliqua Renji d'une voix posée qui le surprit. Sa nature était plutôt réservée avec les personnes qu'il ne connaissait (encore) pas, même si celle-ci se révélait comme puissante et attachante avec ses proches. Sa Grâce acquiesça d'un signe de tête.

Il marchait à côté d'elle. De son Altesse Sérénissime, de sa Majesté la princesse Mai. Renji savait que son visage était impassible (et dénué de toute émotion, par définition) mais en réalité, il tentait de dissimuler tous les sentiments et les ressentis qui se déversaient en lui.

Le Vice-Capitaine savait que son rythme cardiaque était inhabituel, et cette réaction n'était pas la seule de son corps. Renji ne parvenait plus à réfléchir correctement (en priorisant ses réflexions), il sentait des vagues de chaleur inexplicables, son bandeau était trempé de sueur, ses mains étaient moites, et surtout : de quelle façon des papillons étaient-ils nés dans son estomac ? Enfin, il mourrait d'envie de la regarder.

Or, le Lieutenant s'en savait incapable. Pour quelles raisons ? Renji perdrait le contrôle. Ce frein, cette interdiction de s'arrêter devant Mai, afin de lire tous ses secrets qu'elle cachait intentionnellement dans son regard expressif, ses lèvres pulpeuses... Il devait toujours réaliser le premier pas, notamment dans la conversation.

-        « Vous aimez l'art ? », essaya-t-il d'engager le dialogue, fébrilement. Sauf que Renji se maudit pour cette question. Naturellement que Mai devait adorer cette culture, elle était princesse...

-        « Oui ! Je pourrais passer des heures à me perdre dans un musée pour contempler les peintures et les sculptures. Si vous le souhaitez, je vous montrerai mes petites ébauches de dessin. Sachez que vous pourrez être sincère, car je sais que ce talent est loin d'être le mien... À la différence de l'écriture. », déclara-t-elle avec humilité.

Renji regarda les mains de Mai, et précisément ses doigts fins... Parfaite jusqu'aux bouts de ses ongles manucurés. Toutefois, le Vice-Capitaine remarqua des taches d'encres imperceptibles pour la plupart des hommes. Sa Grâce était une artiste dans l'âme, une femme libre. Indomptable.

Mai et Renji arrivèrent devant les grandes portes en bois. La princesse et le Lieutenant se fixèrent, et Renji tourna enfin la poignée ronde. Un espace intimiste et réconfortant s'ouvrit sur eux : cependant, Mai attendit l'approbation du Vice-Capitaine pour entrer dans son monde.

-        « Je serai heureux de découvrir vos dessins. Après vous, je vous en prie. Vous êtes chez vous. », indiqua-t-il en l'invitant d'un geste délicat de la main. Cet acte surprit Renji lui-même, lui qui était coutumier de la brutalité des combats, des duels et des champs de bataille.

Mai accordait toujours une attention particulière aux détails. Les baies vitrées claires comme de l'eau de roche, l'odeur et le coloris du parquet ciré, le blanc immaculé des murs, les touches de décoration et de couleurs, la beauté du bois dans le moindre recoin des meubles... Et le calme surtout. La tranquillité, le silence. L'introspection, la méditation. Les pas de la princesse étaient légers, Mai semblait voler lorsqu'elle marchait. Sa légèreté était insoutenable pour Renji, qui redoutait une remarque de sa Grâce.

-        « Tout n'est qu'ordre et beauté, luxe, calme et volupté. », sembla-t-elle citer en se tournant doucement vers Renji. « Je serai ravie de m'occuper de la lessive, du nettoyage du sol et de la vaisselle. Ne vous inquiétez pas, je suis habituée à réaliser ces tâches dans le palais. J'aime les choses simples de la vie. », dit-elle en s'approchant des fenêtres pour découvrir un jardin vert, fleuri et entretenu. « Une petite rivière ! Quelle chance merveilleuse... ».

La scène était irréaliste pour Renji. Mai était belle, époustouflante et troublante. Elle était une jeune femme consciente des devoirs de son rang et qui se comportait comme une personne sans prétention aucune. La modestie et le respect étaient les valeurs humaines qui définissaient concrètement la princesse, et ces qualités réconfortaient le Lieutenant, qui entrapercevait tout juste la bonté (d'âme) de Mai.

Elle était différente en tout point de Rukia. Mai affichait un air serein et confiant, à l'antipode de l'apparence désolée et sérieuse de Kuchiki. La princesse semblait délivrer une chaleur naturelle sans même en être consciente, alors que Rukia affichait une attitude froide et indifférente.

Cette sensation inexprimable mêlée d'apaisement, de bien-être et de consolation déclencha chez Renji une envie soudaine, pressante et inexplicable de fondre en larmes.

-        « Exploser en sanglot, tomber amoureux... Je ressens cette désagréable saveur âcre dans la bouche lorsque je me permets de réfléchir au sens des verbes qui expriment les sentiments. Pour quelles raisons serait-ce négatif de montrer ces émotions ? ». Était-elle une sorcière à pouvoir si justement deviner les intentions de Renji ? Le Vice-Capitaine s'interrogea sur ce mystère, jusqu'à ce que Mai lui apporte la solution : « L'instinct Renji. Ou l'intuition, nommez ce pressentiment comme vous le voulez. Néanmoins, sachez une chose : je lis en vous comme dans un livre ouvert, à la bonne page. Je ne peux pas vous promettre que vous l'oublierez, mais je peux vous révéler mon secret : l'amour est un ressentiment noble, au mépris de l'attachement affectif. Le contraire de l'amour n'est pas la haine, c'est l'indifférence. ». Quelle était l'origine de ces paroles ? Le cœur ou la raison ? Mai avait-elle appris ce discours universel, ou était-ce son expérience personnelle qui s'affirmait ? « Vous renaîtrez de vos cendres Renji. ». Lorsque Mai posa sa paume chaude contre l'épaule de Renji.

Ce geste, Renji l'avait attendu toute sa vie. Le soutien, le respect... L'amour. Celui qui ne peut se reconnaître qu'une seule fois dans son existence. Il posa sa main contre la sienne, enfin. Mai et Renji réfléchissaient à leurs destins exceptionnels ? Une étoile illuminait un chien errant. L'astre et sa brillance. L'animal et sa méfiance.

Et Renji se souvint soudainement d'un poème gribouillé sur une feuille errante : « La lueur des flammes éclaire mes crocs qui manquent néanmoins leur cible. Je ne vis que dans l'espoir que ma gorge ne soit point déchiquetée avant que je ne voie cette étoile. ». Il préféra fermer les yeux, pour libérer une belle larme de chagrin. Celle-ci coula le long de sa joue, mais n'atteignit pas sa nuque. Parce qu'il sentit toute la sagesse de Mai, juste par le bout de ses doigts. Le temps s'était figé. Un instant, pour l'éternité.

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