le cafard
- Donc, là, tu sautes et tu vas dans l'autre sens , mais fais attention aux pièges, c'est vicieux comme jeu...
Ça doit faire trois fois qu'Azel essaie d'expliquer à son <<petit copain>> le principe de son jeu, sauf qu'il n'en a rien à faire, il la regarde, elle.
Et ça m'horripile.
Si je pouvais, je lui jetterai le verre que j'essuie à la figure ; sauf que je ne peux pas, parce que sinon je vais me faire renvoyer du café où je travaille, sous prétexte que "gnagnagna on assassine pas les clients vous êtes folle qu'est-ce qu'il vous à fait ?" (Ça m'est déjà arrivé, mais ce connard l'avait mérité)
Je regarde l'heure. 18h57. Bientôt fini. Le prétendant d'Azel a dû sentir mon regard sur lui; il part précipitamment en prétextant un quelconque rendez-vous. Bon débarras.
18h59. Enfin. Je termine d'essuyer mon verre et file me changer ; les heures sup, c'est pas pour ce soir. Azel m'attend, comme d'habitude. 19h. Alléluia ! Je ferme la porte du café après avoir vérifié que rien ne cloche. Azel m'attend ; sa peau est aussi noire que mes cheveux sont blancs, et ses yeux aussi sombres que les miens sont rouges. On se connait depuis que l'on est toutes petites, et on a toujours grandi ensemble; pourtant, nos goûts sont aussi opposés que nos physiques, ce que personne ne comprend.
Un soupir m'échappe. Vivement les vacances... J'en peux plus de la routine école-boulot-dodo, j'ai même plus le temps de faire des streams... Remarque, Azel était plus active que moi, ce n'est donc pas une grande perte.
- ...Milika ? Emilika ? Je te parle !
- Je réfléchissais, Azel, ce qui n'est pas forcément à ta portée... Tu disais quoi ?
- Il est à quelle heure, le bus ?
Je m'arrête brusquement. Merde. Le bus. On est en retard. Encore.
- Cours ! Je crie à Azel.
On arrive presque à temps à l'arrêt, juste avant le bus. Je fusille du regard tout ceux qui nous dévisagent; ces trouillous tournent rapidement la tête. Évidemment. Ils peuvent mater tout ce qui bougent, mais sont pas fichus d'affronter leur regard. Un soupir m'échappe encore. Tellement fatiguée...
Quand on monte dans le bus, le chauffeur me lance un " mademoiselle, les animaux ne sont pas autorisés à s'asseoir sur les sièges, gardez votre singe sur vos genoux, il n'a pas besoin de ticket". Je déteste ce bus, je déteste ce chauffeur et je déteste les passagers qui se contentent de ricaner nerveusement. Foutue pour foutue...
- Dites, est-ce que les singes sont autorisés à conduire ?
- Pardon ?
- Je vous demande si mon "singe" comme vous dites -il s'appelle Azel, soit dit en passant - serait abilité à conduire votre bus. De toute évidence, vous avez obtenu votre permis dans un kinder surprise, je me sentirais donc plus en sécurité avec un chauffeur un peu moins con.
- Je- vous vous moquez de moi ?
Ça y est, il a peur. Il a aussi bien repéré que moi le grand type tout en muscle qui monte dans le bus. Métis. Pas forcément apte à lui casser la gueule mais peut servir de moyen de pression. J'aurais pu le défigurer facilement, cet abruti a casquette, mais ça m'aurait encore valu des ennuis, alors mieux vaut laisser les autres s'en occuper.
Je lui sors mon plus beau sourire mi sadique mi dangereux et lui demande ;
- Donc, on peut monter ?
J'ai bien détaché chaque syllabe pour lui faire comprendre que ce n'est pas une question.
- Je- allez -y
Je me dirige vers l'arrière du bus, la tête haute et lâchant des "qu'est ce que tu regardes, toi ?" Au moindre abruti qui tourne la tête vers nous. Je fais rapidement un doigt d'honneur au chauffeur. Quel con. Il ne nous a même pas fait payer. Azel n'a pas réagi, elle est dans son monde, comme d'habitude.
Lorsque j'arrive enfin (enfin !) chez moi, j'ai déjà raccompagné Azel à son appart et peut donc librement me jeter sur mon lit comme la princesse que je suis, c'est-à-dire complètement au pif. Les devoirs, factures, loyers et autres conneries attendront demain. Enfin un peu de calme...
•••
-Emi! Attends moi !
Pourquoi Emi ne veut jamais m'attendre ? Elle va beaucoup trop vite ! Pourquoi tous nos camarades sont aussi grands? Elle se positionne à l'angle du couloir : elle veut que je m'en sorte seule, pour qu'elle n'ai plus à se débrouiller pour moi. Tu parles... Ça la fait juste marrer de me voir paniquer au milieu d'étudiants qui font 3 fois ma taille... Je me fraie difficilement un passage jusqu'à elle, tandis qu'elle fume tranquillement une cigarette... Attendez, quoi ?
- TU FUMES ??
-C'est une sucette, idiote...
- Mouais. On a quoi comme cours ?
- Arts pla.
- Génial ! On a un concours de dessin, c'est ça ? Je vais t'exploser !
- C'est ça. C'est beau de rêver.
C'était la dernière fois que j'ai vu Azel. Elle m'avait dit un truc du style "j'ai besoin de temps, je te raconte plus tard" et elle n'a plus répondu. À rien. Ça doit faire une bonne semaine qu'on s'est pas parlé; elle peut avoir besoin de temps, moi j'ai besoin d'explications. J'arrive à toute allure dans son quartier ; malgré la fatigue quotidienne qui pèse sur mes épaules, je suis plutôt rapide. Arrivée devant chez elle, je reprends mon souffle un instant et toque a la porte. Le copain d'Azel m'ouvre; je lui demande où elle est. Il ne sais pas. Quand elle va rentrer ? Aucune idée. Je ravale ma rage et les critiques qui grondent dans ma gorge. Patience. Je la reverrai. J'en suis sûre.
Ça fait deux semaines. Je n'attends plus rien. On n'a jamais été séparées aussi longtemps. Maintenant, tout le monde m'évite dans les couloirs, apparemment, une "albinos seule avec une tête de bouledogue" ça ferait peur. Quelle petites natures. J'ai pas besoin d'eux. Il n'y a qu'une seule personne qui m'ait jamais aidé, et elle est partie. Son petit ami ne sait jamais où. Qu'est ce qui se passe ? Je rentre chez moi, la semaine est terminée, enfin, je vais pouvoir me reposer... Je me suis à peine jetée sur mon lit qu'on sonne à la porte; avec un soupir, je vais nonchalamment chercher l'intrus qui ose me déranger dans mon précieux week-end. Je regarde par le judas et ouvre la porte, interloquée.
- Azel ?
L'envie de l'ignorer, de la repousser et l'éviter pendant deux semaines me prends, puis disparaît aussitôt quand je remarque son état ; elle est sale, dépenaillée et essoufflée comme si elle venait de traverser Nice au pas de course. Interloquée, je lui ouvre la porte ; elle se jette dans mes bras, pleurant à chaudes larmes et murmurant qu'elle est désolée, encore et encore, qu'elle est tombée dans la boue, mais surtout qu'elle a peur. Très peur. Je me détache d'elle à contre cœur, ferme la porte d'un coup de pied et fais rentrer Azel. Elle tremble comme une feuille. Qu'est-ce qui a bien pu lui arriver ?
Je l'invite à s'asseoir sur le canapé; refus catégorique. Elle est pourtant aussi flemmarde que moi. Un truc à boire ? Nouveau signe négatif. Mais qu'est ce qu'elle a ? Je n'ai pas le temps de lui demander; la sonnette retentit à nouveau; cette fois, c'est le parasite d'Azel, celui avec qui elle est en couple, je crois.
- Qu'est-ce que tu veux ?
Ma voix a pile la bonne intonation, mi réservée mi agressive, pour lui faire comprendre qu'il n'est pas le bienvenu.
- Calme-toi. Je suis juste venu voir Azel.
Connard. Il s'est bien foutu de moi pendant deux semaines. Je peux presque entendre les dents de mon amie claquer de la pièce d'à côté.
- Elle est pas là.
- Quoi ?
- Elle. N'est pas. Là.
- Tu te fous de ma gueule ?
- ....Tu sais où elle est ?
Touché. Il est pas bein malin çuilà. Il finit par lâcher l'affaire (je lui ai plutôt claqué la porte au nez mais bref) et se casser (gros tas) de chez moi, où Azel a disparu. Ou s'est cachée. Bingo. Pourquoi sous la table de La cuisine ?
Elle ne répond pas, on dirait que sa langue est collée à son palais. Elle ne veut pas manger, boire, s'asseoir, dormir... Tant pis, je ferai une nuit blanche. Je l'envoie sous la douche avec des vêtements de rechange (qui sont forcément trop grands pour elle mais elle a qu'à pas être une naine) et lui sers un café. Je crois... Je crois que j'ai compris ce qui s'est passé. Pourquoi je l'ai pas vu, pourquoi son boyfriend savait où la trouver, pourquoi elle est dans cet état là. Et ça ne me plaît pas. Pas du tout.
•••
Ça, c'était il y a une semaine. Le lendemain, Azel m'avait tout raconté; du moment où elle est partie de chez elle au moment où elle a trébuché sur un bout de verre en se pétant le genou avant d'arriver chez moi, où j'ai dormi sur le canapé pendant qu'elle prenait ma chambre. J'avais vu juste; l'espèce de cafard qui l'a séduite avait vu en elle un objet, un animal de compagnie bien obéissant qu'il fallait frapper si elle ne faisait pas comme il fallait. Ce jour-là, il était allé trop loin. Ce jour-là, ma meilleure amie est morte, et a ressuscité pour continuer à vivre, pour courir, courir vers le seul refuge qu'elle connaissait. Mais je crois... Je crois que je suis fière d'elle. Moi qui la pensais incapable de se défendre, dès le lendemain, elle a porté plainte. Elle a confronté son monstre (qui s'est pris une sacrée gifle) et garde la tête haute, alors que la nuit je l'entends trembler et claquer des dents. Mais tout ça, ça n'a au final servi à rien. Sa plainte n'a pas aboutie, elle a assisté à des interrogatoires plus scandaleux et humiliants les uns que les autres, et il n'a rien eu. Rien du tout. On a dû déménager, en vitesse, elle la leadeuse et moi la suiveuse, alors que ça a toujours été l'inverse, carrément dans un autre pays, où on a bien morflé pour se trouver du boulot. Tout ça, en une petite semaine. Une toute petite semaine durant laquelle j'ai trouvé mon modèle, quelqu'un qui tremble mais ne ploie pas.
Donc, voici mon rendu pour le concours de jhpgtrskt1112 sur le thème du viol. J'ai pris pour exemple une jeune femme, mais ça aurait pu être une petite fille, un jeune homme, une vieille femme...
C'est la première fois que je fais un truc sur le sujet, j'espère que c'est pas trop mal...
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