Concours de @5fillesunroman - Phase 2
J'ai utilisé tous les mots demandés, et tous les bonus ;) - 1529 mots
Je clippe mon badge sur ma poitrine et m'observe dans le miroir. J'essaye de sourire, d'avoir un peu moins l'air d'une chercheuse blasée. J'époussette ma blouse et je replace correctement les plis de la chemise que je porte en dessous. Mes cheveux bruns sont impeccablement plaqués et réunis derrière ma tête en un chignon serré qui me donne l'air sévère.
Je m'éloigne de mon miroir avec un soupir et observe le petit habitacle dans lequel je vis. Mon lit, dans le coin gauche de la pièce, est tiré à quatre épingles et la couette est tellement tendue au-dessus du matelas qu'elle crierait presque de douleur. Dans le coin droit face à moi, il y a une petite cabine de toilette, dont les mauvaises odeurs sont habilement effacées par un procédé de nanotechnologie. Car oui, avant cette invention, les scientifiques astrovivants devaient constamment supporter les relents d'urines et de selles.
Bref, continuons la visite de ma cabine. Sur le mur droit est fixé un petit lavabo surmonté d'un miroir, devant lequel je me tiens. Sur le gauche, des jardinières contenant des plantations de spathiphyllum, une espèce de fleur réputée pour purifier l'air et en éliminer les toxines.
Enfin, derrière moi se trouve la grande baie vitrée. Je crois que c'est mon endroit préféré. Comme la station de recherche tourne sur elle-même, le matin on peut y apercevoir Saturne, Jupiter, les petites telluriques (dont notre Terre fait partie) et le soleil. Quant au soir, il nous offre le spectacle des deux géantes de glace, Neptune et Uranus, ainsi que Pluton, et la ceinture de Kuiper qui marque la fin de notre système solaire. Quelques fois, je passe des heures sans m'en rendre compte dans la contemplation de ce beau morceau d'univers qu'est notre système planétaire.
Debout devant la baie vitrée, je ne remarque que trop tard que le vaisseau de visiteurs s'est déjà amarré à la station.
« Mince ! m'écrie-je. Je vais être en retard pour le circuit guidé ! »
J'enfile rapidement une paire de baskets (pas très classe pour une scientifique, mais je n'ai clairement plus le temps de m'en préoccuper) et je déverrouille la porte à l'aide de mon empreinte digitale. Je m'élance en courant dans le couloir, bousculant à moitié le robot ménager qui passait par là.
« Bonne journée, Mademoiselle Regen, me lance-t-il de sa voix mécanique.
— A toi aussi, Sweepy ! Et désolée de t'avoir bousculé !
— Aucun problème. »
Je poursuis mon sprint, mais dans ma course folle, le calepin qui se trouvait dans la poche de ma blouse tombe sur le sol mécanique dans un bruit mat. Je me penche pour le ramasser, et au moment de me relever, je percute une de mes collègues, la scientifique Aria Solaris. Cette dernière, chercheuse en astrobiologie, est réputée pour être toujours dans la lune, sans mauvais jeu de mots, et ne fait jamais attention à là où elle marche.
« Oh, bonjour Stella ! fait-elle en remontant ses lunettes à monture argentée sur son nez. Excuse-moi, je ne t'avais pas vue.
— En effet, grommelle-je en finissant de me relever. Bon, si tu veux bien m'excuser, j'ai une visite guidée à faire, et je suis déjà en retard. Bonne journée ! »
Je repars de plus belle, mais dans mon dos je sens qu'elle me fixe en train de courir. Je ne m'inquiète pas, elle doit sûrement être repartie dans ses pensées.
Enfin, j'arrive au hall de débarquement. Mais, en voyant le groupe de visiteurs d'aujourd'hui, je regrette amèrement de m'être portée volontaire. Devant moi se trouve une bande d'ados boutonneux blasés, au t-shirt puant la transpiration après un voyage de cinq heures dans l'hyperespace et sirotant bruyamment des briques de jus d'orange. En partant vers son laboratoire, le chercheur qui les a accueillis me chuchote un bon courage avec un petit rictus narquois. Je fulmine.
« Bien le bonjour, chers visiteurs ! » dis-je dans un anglais parfait.
Comme ce ne sont que des lycéens, je suppose qu'ils ne parlent pas l'universal, la langue commune à tous les scientifiques astrovivants. Je me félicite d'avoir si bien suivi les cours de xénolinguistique.
« Je suis le docteur Stella Regen, et je serai votre guide pour la journée. Nous allons visiter ensemble la Station Prometheus, où je travaille en tant qu'astéroïdologue. Néanmoins, je mène également des recherches sur les débris spatiaux. Si un jour, nous découvrons un nouvel astéroïde, il m'en incombera la tâche de l'étudier. Cependant, ce sera l'équipe d'astronautes confirmés qui m'en extraira des débris pour que je puisse mener des expériences dessus. »
J'ai l'impression d'avoir affaire à une bande de poissons rouges retraités. Ils me fixent tous, bouche bée, comme s'ils n'avaient rien compris à ce que je venais d'expliquer. Mince ! Pourtant, je m'étais efforcée d'utiliser des mots simples. Enfin, à ma façon.
« Bien. Pour commencer le tour, nous allons passer par la salle d'exobiologie, aussi appelée astrobiologie, où ma collègue madame Aria Solaris travaille en ce moment. Ainsi, vous aurez tout loisir de lui poser les questions que vous voulez. »
Je pars donc en marchant vers le laboratoire d'Aria. Plusieurs procédés sont nécessaires pour y entrer, comme un scan rétinien et un autre de l'empreinte digitale. C'est normal, elle étudie toutes sortes de créatures mutantes et potentiellement dangereuses.
Je pénètre dans le labo, suivie de ma troupe de larves de quinze ans. Il y fait une chaleur étouffante. Aria est tout au fond, penchée sur son bureau, ses écouteurs enfoncés dans les oreilles, en train de couvrir un cahier de pattes de mouche. Je slalome entre les immenses tubes de solution vitale pour aller l'avertir de ma présence. Je lui tapote doucement l'épaule et elle sursaute, traçant un gros trait de feutre sur tout ce qu'elle vient d'écrire. Elle me lance un regard noir derrière ses lunettes, avant d'apercevoir tous les adolescents.
« Ah, tu fais la visite guidée ?
— Oui, je soupire. Il faudrait que tu expliques ta profession à ces chenilles trépanées, continue-je tout bas. Ils n'ont pas l'air réactifs, je te souhaite bon courage. »
Aria replace ses lunettes et glisse une mèche blonde derrière son oreille. Ce qui n'est pas très utile étant donné qu'une dizaine d'autres se font la malle de son chignon. Elle se lève silencieusement de son bureau avant de s'approcher des adolescents.
« Bonjour, fait-elle. Je me présente, même si je pense que Stella l'a déjà fait pour moi, je suis le Docteur Aria Solaris. J'étudie l'exobiologie, la science des organismes vivants non-terriens. Venez avec moi, nous allons visiter le laboratoire un peu plus en détail. Vous voyez, ces énormes tubes, un peu partout dans la pièce ? Ils sont remplis de liquide biochimique, aussi appelé solution vitale. C'est une sorte de soupe composée de nombreuses vitamines, enzymes, minéraux, gazs et quelques antimicrobiens. Elle permet de maintenir en vie les espèces qu'on y plonge. Oui, on dirait qu'ils sont vides, vus comme ça. Mais ils contiennent chacun une espèce de bactérie découverte dans telle ou telle exploration. »
Elle poursuit un peu son chemin, et s'arrête devant une vitre sur un des murs. Derrière, il y a un aquarium, lui aussi plein de liquide biochimique. Cependant, contrairement aux autres, on pouvait voir ses occupants, qui prenaient la forme de minuscules mais rapides têtards.
« Ceux-ci sont très intéressants à étudier. Nous les avons obtenus sous forme d'organisme microscopique lors d'une rencontre de vente entre la Station Sirius et la nôtre. Mis dans cette aquarium, ils ont rapidement subi une mutation et ont rapidement évolué vers le stade d'amphibien primaire. Depuis, nous les maintenons sous cette forme.
— J'ai une question, lance un des lycéens. Est-ce que vous pensez un jour faire muter une de ces espèces... d'amphibiens pour remplacer une des espèces disparues sur Terre ? Ce serait une idée géniale, non ?
— Je te l'accorde, jeune homme, répond Aria. Mais ce n'est malheureusement pas possible de choisir l'espèce vers laquelle le microorganisme va muter. La génétique, c'est comme un jeu de hasard.
— De plus, je continue, vivement intéressée par le sujet, il serait impossible de réintroduire correctement ces espèces sans faire subir de grandes modifications au sol terrestre. Il faudrait faire de nombreuses expériences coûteuses pour déterminer leur milieu de vie principal, puis sûrement terraformer une zone dans une forêt ou autre. Et je ne vous parle même pas du tarif de ce genre d'opération... »
En faisant cet exposé, je suis intérieurement dépitée. Moi aussi, il y a quelque temps, je pensais cela possible. Mais j'ai vite remis les pieds sur Terre (ou plutôt sur le sol de la station) et j'ai cherché d'autres moyens.
En devenant scientifique, nous pouvons changer les choses. Mais pour cela, il faut s'en donner les moyens, et y aller à fond.
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