XXXV. Persévérance
OLIVER
Seul le bruit des oiseaux et de la fine pluie interrompaient le silence qui régnait au sein du groupe. Chloé nous devançait moi et Leila, déterminée à trouver cette tour de garde. Sa théorie ne tenait qu'à un cheveux, il n'y avait aucune garantie que Jo et Kalie se trouvaient sur cette caméra de surveillance, mais si le drone avait capturé ne serait-ce qu'un moment, on aurait déjà une piste.
Cette hypothèse nous motivait à avancer même dans le froid et la pluie. Pour Kalie, nous étions prêts à tout. La nuit commençait à tomber, il fallait vite atteindre la tour avant la tombée de la nuit si on voulait ne pas se faire manger par un ours. Notre disparition avait également du être signalée à l'heure qu'il est.
Leila, totalement silencieuse, mais avec un regard déterminée, se tenait à côté de moi, en pleine réflexion. Elle fixait le sol, jetait des coups d'œil rapide par-ci par-là de temps en fois, avant de rediriger son regard sur la terre humide. Après environ une dizaine de minutes, Chloé s'arrêta net, soulevant la carte dans les airs comme pour mieux la voir.
— Regardez !
En levant les yeux vers la direction qu'elle indiquait, on se rendit compte que la tour n'était plus très loin. Seul le sommet était visible, mais Chloé avait raison, en prenant ce chemin beaucoup plus sûr, on avait atterri à l'arrière de la tour et on avait évité la zone potentiellement dangereuse.
— On se rapproche, mais on va devoir s'arrêter quelques instants.
— Quoi ? Pourquoi ? Le soleil va se coucher, il faudrait mieux y aller dès maintenant.
— Non. On se fera repérer. Il faut qu'on accède à la tour en toute discrétion et la nuit nous aidera à passer inaperçu.
Leila soupira, peu convaincu.
— Chloé, tu ne sais même pas comment fonctionne cette tour, ces mécanismes etc. Peut-être qu'il n'y a aucun moyen d'y accéder sans frapper à la porte. Et je pense que si on leur explique la situation, ils comprendront.
— Rentre si tu veux Leila, mais moi je reste. Encore une fois, ils ne nous prendront pas au sérieux. Et puis, je doute qu'ils vont croire trois adolescents un peu paumés au beau milieu de nulle part dans une zone interdite.
Me tenant au milieu de cette querelle, je ne savais pas où me mettre. D'un côté je comprenais Leila. Nous nous mettions en danger sans savoir les conséquences de nos actes, et puis Chloé ne faisait pas assez confiance aux autorités pour retrouver Kalie et Jo ce qui d'habitude ne lui ressemblait pas. Mais d'un autre côté, la détermination de Chloé était admirative. Je pensais deviner pourquoi elle se démenait autant pour les retrouver.
— C'est pas ta faute, Chloé.
En disant ces simples mots, l'atmosphère s'apaisa un peu plus. Elles avaient arrêtés de se disputer pour me regarder avec de gros yeux.
— Je sais que tu crois que c'est de ta faute, parce que Jonathan a disparu à cause de ce que Lucas à fait et en tant que grande sœur, tu te sens coupable. Mais ce n'est pas ta faute Chloé. Les actions de ton frère ne sont pas ta responsabilité, il doit lui-même réparer ces erreurs.
Ses yeux brillaient, sûrement les larmes qui voulaient tomber, mais elle se retint en levant les yeux au ciel avant de fixer le sol.
— J'ai longtemps vécu dans l'ombre de mon frère ou même de Kalie. Même quand je faisais partie du conseil des élèves, jamais j'avais l'impression de faire partie du groupe et vous le savez autant que moi. Quand j'ai vu ce que Lucas avait fait, je pouvais pas m'empêcher d'avoir honte de moi-même. Si jamais je continue de vivre dans son ombre, je serais connue comme la sœur du coureur de jupons. Et puis Kalie, qui m'a fait vivre un enfer à réussi à changer pour le mieux et s'est même excuser. Donc non, Oliver, je ne le fais pas pour Lucas, mais pour moi. Je veux retrouver Kalie, je veux qu'elle sache qu'elle puisse compter sur moi et que je ne suis pas juste la sœur d'un garçon qui lui a fait du mal.
J'inspirais profondément, ne sachant pas quoi répondre. Pour une fois, Chloé s'était réveillée et on aurait dit qu'elle allait changer pour le mieux. Qu'est-ce que je racontais ? Elle avait déjà changé.
— Vous pouvez aller demander de l'aide si vous voulez, je doute que quelqu'un nous écoutera. Regardez dans quel pétrin ils nous ont mis. Si les profs n'avaient pas accepté cette destination, rien de tout ça ne se serait passé. Cette zone était dangereuse et pourtant, ils n'avaient pas pensé à nous donner une carte complète du camp. Je suis peut-être parano, mais je compte moi-même accéder à cette tour, avec votre aide ou non.
Leila et moi nous regardions longuement avant de soupirer. On s'assit sur un tronc d'arbre et Chloé sourit légèrement, satisfaite.
— On reste, mais il y a un problème à résoudre. Comment tu veux accéder à cette tour si tu ne comptes pas utiliser la porte d'entrée ?
Elle sourit encore une fois en ouvrant son sac à dos.
— On prendra la voie des airs.
— La voie des airs ? questionnai-je. C'est-à-dire...
Elle sortit une corde d'escalade assez longue avec un embout en métal au bout pour pouvoir s'accrocher à une paroi.
— Mais où est-ce que tu as dégoté ça ? demandai-je.
— Il se peut que je l'ai pris au feu de camp juste avant de partir juste au cas où.
— Tu l'as volé ?! m'exclamai-je.
— Empruntée ! Et puis c'est qu'une corde. Les caméras de contrôle sont tout en haut de la tour, qui n'est pas si géante que ça. Avec la bonne prise de main, je pourrais accrocher la corde sur les barres de métal extérieur de la tour et hop, le tour est joué.
— Et s'il y a quelqu'un qui contrôle les caméras ? Tu as pensé à ça ? pointa Leila.
— On improvisera.
Toujours pas convaincu, Leila lança un regard dubitatif à Chloé. La tension s'épaississait, mais je décidais de calmer le jeu d'ici la nuit. Si jamais on retrouvait Kalie grâce au plan incompréhensible de Chloé, on lui devra une fière chandelle et mon instinct me dit qu'on approchait du but.
***
— Encore raté.
— Ce n'est que mon deuxième essaie, Oliver, chuchota Chloé.
Nous étions postés à l'arrière de la tour et comme l'avait dit Chloé, elle n'était pas très grande, mais elle ne savait clairement pas viser. La corde ne voulait pas s'accrocher aux barres de métal. Pour le moment, il n'y avait pas de gardes à l'horizon. C'était tout de même bizarre, une tour au milieu des bois. Peut-être pour les campeurs en danger ?
— Donnez-moi ça, s'enquit Leila.
Elle fit tournoyer la corde avant de la jeter dans les airs et celle-ci s'enroula parfaitement aux barres en émettant de petits tintements.
— Jolie ! s'exclama Chloé.
La corde pendouillait maintenant le long du mur et Chloé se lançait la première pour l'escalader. Elle paniquait un peu, ses mains tremblèrent. Elle avait beau le nier, elle était totalement hors de sa zone de confort. Quand cette aventure sera terminée, elle sera très heureuse de retrouver son cocon, mais pour Kalie, elle tenait bon.
Leila tenait un peu mieux le coup que tout à l'heure. Elle demeurait très silencieuse, mais avait abandonné l'idée de raisonner Chloé pour voir les secours. Et puis, elles ne s'étaient pas chamailler depuis qu'on avait quitté notre campement improvisé, ce qui était bon signe.
— C'est bon ! chuchota-t-elle. Y a personne, venez !
Elle pénétra dans la petite tour de contrôle, s'échappant de notre champ de vision. Sans plus attendre, Leila grimpa, avec un peu plus d'agilité que Chloé et vint ensuite mon tour. Chloé s'était déjà assise sur un fauteuil et visionnait les différentes caméras pour trouver la bonne. Ils avaient disparus il y a une journée et demi environ, elle n'aura pas à remonter très loin.
— Tu en es où ? demanda Leila.
— J'ai remonté jusqu'à ce matin pour le moment, aucun signe d'eux.
Tandis qu'elle remontait plus loin, je gardais un œil sur la porte. Aucun signe de gardes à l'horizon, pourtant nous pouvions entendre des murmures de voix. Chloé avait raison, ils étaient vraiment en bas. Est-ce qu'elle avait des capacités de déduction hors du commun, ou est-ce qu'elle était devin ? Tout ça semblait un peu trop étrange à mon goût. Comme si, elle savait exactement où aller et comment faire.
Après cinq bonnes minutes, Leila haleta, surprise de ce qu'elle avait vu sur l'écran.
— Vous avez trouvez quelque chose ?
— Regarde par toi-même.
L'écran montrait les alentours, les arbres, les points d'eau et se baladait en hauteur, surplombant la forêt de quelques mètres. Il faisait nuit, mais grâce à la vision de nuit, tout paraissait vert et lumineux. Jusqu'au moment ou deux silhouettes se dressèrent au loin avant de se rapprocher. Un homme et une femme.
Kalie et Jo.
Le drone se tenait loin, mais assez prêts pour les voir paniqués à l'entente d'un bruit. Un rugissement plutôt. D'un coup, ils se mirent à courir dans la direction opposé. Le drone les suivit un moment puis perdit leur trace. Et d'un coin de la caméra, on pouvait voir une espèce de bête qui les pourchassait.
Chloé avait raison depuis le début. Ils avaient bien pris le chemin qui menait au point d'eau le plus proche, en d'autre terme celui en dessous de la falaise. Ce qui voulait dire que Kalie et Jo avait surement sauté de là.
— Comment est-ce que tu... Chloé, tu n'as pas pu déduire tout ça, comment tu as...
Leila ne trouvait même pas les mots. On la regardait, surpris de voir qu'elle avait eu raison depuis le début. Il y avait beaucoup trop de coïncidence. La carte, puis la corde et le point d'eau ainsi que le retracement de leur parcours qui correspondait parfaitement.
Alors que nous la fixions du regard, Chloé fixa quelque chose derrière moi. En me retournant, elle regardait un miroir fixé au mur, cependant il était brisé. D'accord, c'était l'élément flippant en trop.
— Qu'est-ce que...
— OK, j'ai la chaire de poule maintenant, fit Leila. Il y a un détail qu'on oublie, les gars, l'alerte aurait été donné, les caméras sont visionnées d'habitude... Alors comment ça se fait que personne n'est ici, ou que personne ne s'est rendu compte de ce qui s'est passé ? C'est une tour de garde, sans gardes.
Chloé se leva et se dirigea vers le miroir. Elle le regardait fixement, ne répondant pas.
— T'as raison, Leila, c'est beaucoup trop calme, dit-elle en ouvrant la porte.
— Mais qu'est-ce que tu fais ?! chuchotai-je sévèrement.
Elle descendit l'escalier en colimaçon sans répondre et ni une ni deux, on la suivait. Elle s'arrêta net et nous aussi quand on vit la scène qui se dressait sous nos yeux.
— Bordel...
Les trois gardes étaient tous avachis sur leur chaise, les yeux fermés. Les murmures qu'on entendait étaient dans les télé, ce n'était que des personnages. Chloé s'avança et sentit le pouls de chacun avant de se retourner et de conclure qu'ils étaient tous en vie.
— Mais alors... ils dorment ?! s'emporta Leila, alors que deux étudiants sont en danger ?
— Je pense pas qu'ils dorment volontairement, ils ont été assommés.
— Le miroir... fis-je.
— OK, si je récapitule, quelqu'un aurait fait exprès d'assommés ses gardes pendant que Jonathan et Kalie se faisaient courser par une bête ? Mais pourquoi ?
— Pour pas qu'ils alertent les autorités.
Un frisson parcouru mon échine. Leila ouvrit gros ses yeux et Chloé fixait le sol.
— Quelqu'un ne voulait pas qu'on les aide.
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