XXXIV. Le baiser

JONATHAN

Je voulais sincèrement donner un sens à ma vie avant de mourir. Explorer, voyager, tomber amoureux, créer de nouvelles amitiés. Est-ce qu'aujourd'hui était le moment où tout cela s'arrêtai ? Où j'allais mourir jeune, laissant ma famille et mes projets derrière moi ? 

Est-ce que mon heure était enfin venue ? Me trouvais-je encore dans mon corps ? Où est-ce que la personne qui pensait en ce moment était mon esprit monté au Paradis, s'il existait vraiment. 

La peur m'envahissait. Tout était noir, vide et silencieux et pour combler ce manque, mes pensées déambulaient partout dans ma tête. Enfin, si j'étais encore en vie. J'arrivais à entendre cette petite voix, celle qui pensait en ce moment, mais sans savoir si je pouvais ouvrir les yeux. Je ne voulais pas essayer et me rendre compte que j'étais réellement mort. 

Finalement, l'âme mourrait-elle vraiment ou était-ce simplement un mythe ? Est-ce qu'on s'élevait haut dans la ciel ou s'enfonçait bas dans la terre selon nos actions ? Pour le moment, aucune de ces questions n'avaient de réponses. La crainte d'ouvrir les yeux, ou de bouger me paralysait car si je me rendais compte que je ne bougeais aucun de mes membres, je paniquerais. 

C'était possible de paniquer quand on n'existait en chaire et en os ? 

Petit à petit, je passais de la crainte à la colère puis à la tristesse. La colère représentait tout ce qui s'était passé avec Victoria et Lucas. Le pire c'était que je n'y avais vu que du feu, je m'étais fait avoir en beauté. Quant à Kalie, elle occupait cette partie de moi qui était complètement indéchiffrable. Me sentais-je triste à cause d'elle ? Ou perdu ? 

Même ce qu'elle me faisait ressentir était indescriptible. 

J'étais passé par toutes les émotions avec elle : colère, hostilité, confusion, tristesse, la liste s'étendait encore. Mais à la fin, elle sera toujours ce point d'interrogation dans ma tête, ce mystère non résolu. Une fille qui me semblait tellement familière et étrangère à la fois. 

Kalie...

Le camping, notre chute... oui j'arrivais à tout recontextualiser. Je devais savoir si elle allait bien. Kalie, je t'en prie, réponds-moi.

— Kalie... 

Mes yeux s'étaient ouverts tous seuls. Cela voulait dire que je n'étais pas mort. Mes sens mirent du temps à revenir, mais je recouvrais déjà la vue. Une lumière orangée, chaude et chaleureuse était la première chose que je perçu. Après plusieurs clignements, ma vision se précisait de plus en plus jusqu'à apercevoir des arbres à ne pas en finir et surtout le coucher de soleil qui, malgré tout, restait magnifique. 

Le toucher revint rapidement et une douleur lancinantes dans le bas de mon dos, dans mes jambes entière ainsi que mon buste. Tout mon corps me faisait mal, comme si j'étais sur le point de me casser en deux. Me rendant compte que j'étais allongé sur le ventre, visage pointant vers la gauche, j'effectuai deux trois mouvements pour faire un constat. 

Même si la douleur était toujours là, je réussis à me soulever lentement mais sûrement. Pas de fractures, mais quelque chose attira mon attention. Mon bras droit était baigné dans du sang et le coupable était l'énorme coupure qu'un rocher bien aiguisé a du faire. Au début, ce n'était que des picotements, mais plus je repris conscience, plus la douleur augmentait. 

Ma priorité demeurait de retrouver Kalie, mais en regardant les environs, je me demandais bien où est-ce qu'on avait atterri. Nous avions sauté de la falaise puis perdu connaissance avant d'être emporté par le courant. Et ce dernier nous avais lâché sur le bord d'une espèce de lac qui s'étendait sur des centaine de kilomètres. En levant le regard, j'aperçu la falaise et encore plus d'arbres à perte de vue. 

L'immensité de la forêt était autant impressionnante qu'effrayante. Après la phase admirative, je commençai ma marche, il fallait que je retrouve Kalie saine et sauve. Si jamais quelque chose lui arrivait, ce serait de ma faute et jamais je ne pourrais me le pardonner. Elle avait eu assez de courage pour venir me chercher, jamais je ne pourrais la remercier. 

En espérant qu'elle n'avait pas atterri très loin, je poursuivis mes recherche en usant de mes cordes vocales et peu de temps après, une tâche au loin à la forme d'un corps se dessinait à l'horizon. Usant de toute l'énergie restante dans mon corps, je courus et me stoppai net quand je l'aperçu enfin. 

Mes jambes ne me tinrent plus, je tombais littéralement au sol sur mes genoux. La voyant comme ça allongé sans bouger, une culpabilité sans précédent s'empara de moi. Sans attendre, je posais mes doigts sur son cou et c'était avec soulagement que je sentis son pouls. Son visage était tout écorché, ses jambes présentaient de multiples bleus. 

— Kalie, Kalie, répétai-je en la secouant un peu. 

Aucune réponse. Nous étions perdus au milieu de nulle part sans rien du tout et la nuit commençait à tomber. 

— Kalie, je te prie... 

Ma voix se brisait, mais je n'allais pas abandonner. D'un mouvement doux, je la soulevai, en passant une main sous ses genoux et l'autre sous sa nuque, et la pris dans mes bras. Adrénaline ou pas, mon corps se sentait revigoré.

— C'est mon tour de te protéger. 

***

Cela devait faire plus d'une heure que je marchais le long d'une rivière à la recherche d'un peu de civilisation en vain. Jamais quelqu'un ne mettra la pieds ici avant un bon bout de temps. Si seulement j'avais toujours le sac à dos de Kalie, j'aurais pu prendre cette fichue carte, mais il a du tomber lors de la chute. 

Kalie était toujours inconsciente dans mes bras, mais elle respirait encore. Peu importe la fatigue, il fallait trouver de l'aide avant de baisser les bras. Littéralement. En faisant abstraction de la douleur dans tout mon corps, j'essayais de me repérer grâce à la lumière de la lune qui avait pointé le bout de son nez, mais sans lampe torche, il allait bientôt faire trop sombre pour voir quoique ce soit. 

Après la fatigue, place à la peur. Rien que l'idée de voir apparaître un ours ou autre me filai la chair de poule. Maintenant était un bon moment pour accélérer la cadence tout en restant sur mes gardes. Mes pensées s'entrechoquèrent dans mon cerveau mais je n'y fis pas attention, pas maintenant. 

Après encore une bonne trentaine de minutes, je déposais Kalie sur un espère de rocher et m'arrêtai pendant quelques minutes. Elle dormait profondément, ou cauchemardait, je n'en savais trop rien, mais son visage n'était pas serein, elle semblait préoccupée même quand elle dormait. 

— Est-ce que j'arriverai à te déchiffrer un jour ? soupirai-je. 

Dix minutes s'étaient écoulées avant de reprendre la marche. Kalie ne s'était toujours pas réveillée, son état commençait sérieusement à m'inquiéter et personne ne semblait nous venir en aide. Bordel, j'en peux plus. 

Cette fois-ci, Kalie était sur mon dos et j'essayai tant bien que mal de garder le rythme mais plus les kilomètres se rallongeait plus je perdis des forces. Jusqu'à mon point de non-retour. Après vingt minutes je m'écroulai littéralement sur le sol, rattrapant Kalie de justesse avant de la lâcher délicatement, n'ayant plus aucune force. 

Allongé à ses côtés, je chuchotai :

— Désolé... 

Mes yeux se fermèrent lentement, m'abandonnant au sommeil. 

***

De l'eau ? 

C'était bien de l'eau que je sentais sur mes lèvres puis dans mon corps ? 

En ouvrant les yeux petit à petit, une lumière m'aveugla complètement me forçant à les refermer de sitôt. 

— ... réveillé ! 

Une voix ? Non... plusieurs voix. Qu'est-ce que ça voulait dire ? Où est-ce que j'étais déjà ? Que s'était-il passé ? 

Puis d'un flash tout me revint. La chute, Kalie, moi à bout de force et mon évanouissement. Je me levais d'un bond mais la douleur dans mon corps s'était amplifiée. Elle ne ressemblait plus à un petit picotement, mais plutôt comme une grosse entaille. 

J'ouvris de nouveau les yeux et cette fois-ci je perçus mieux les alentours. Moi qui m'attendait à voir des arbres et le ciel, je fus surpris quand je remarquais un toit. Après la vue, je trouvais mon odorat et l'odeur de la pluie et du parquet fraîchement nettoyé chatouillait mes narines. 

Où est-ce que j'avais bien atterri ? 

— Jonathan ! 

Mon cœur se gonfla à l'entente de ce timbre de voix si particulier. Kalie se trouvait juste en face de moi, les yeux plein d'espoir et de soulagement avant de sourire chaleureusement. Pour une fois, je ne sentais plus une once d'hostilité de sa part. 

— Tu vas bien ? demanda-t-elle, sa voix remplie d'inquiétude. 

J'hochai la tête doucement avant de regarder chaque parcelle de son corps à la recherche de blessures.

— Ne t'en fais pas, on m'a traité mes blessures. 

— On ? 

— Oh, jeune homme, vous êtes réveillé. Bien, je vais devoir refaire vos pansements. 

Une vieille dame, soixantaine environ, avait débarqué dans la pièce, un panier d'osier sur la tête. Elle le reposa sur le sol et contenait des plantes en tout genre. Cette dame vivait sérieusement ici ? Dans la forêt ? 

— Excusez-moi, vous...

— Votre petite-amie vous a traîner jusqu'ici pour pouvoir vous soigner, vous étiez presque raide mort, normal étant donné votre infection et vos nombreuses blessures. Vous les jeunes, vous faites n'importe quoi pour l'aventure.

Sa voix était usée, abîmée mais ressemblait à toutes les voix de grands-mères qu'on pouvait entendre. Chaleureuse et enjouée. 

— Je ne suis pas sa... 

— Peu importe ! fit-elle. Je te laisse rejoindre mon mari ma jolie pendant que je le soigne. 

Kalie s'exécuta, les joues rouges, avant de me laisser seul avec... je ne connaissais même pas son prénom. 

— Je m'appelle Nora, petit et toi, j'ai cru comprendre que c'était Jonathan ? Tu permets que je t'appelles Jo ? ou tu préfères Nathan ? Ou Nate ?

— Euh, Jo, c'est très bien. 

Elle soupira en s'asseyant, commença à m'enlever mon bandage et appliqua quelque chose de froid et gluant sur mon dos, mes bras et mon torse. 

— Aaaah, les femmes. Toujours compliquées hein ? 

— Je ne vous le fait pas dire... soupirai-je. Mais vous êtes l'exception. 

— Bien joué, petit, bien joué. Cette fille en pince carrément pour toi, ça se voit à des kilomètres et toi aussi tu n'es pas indifférent à son charme, de ce que j'ai pu voir. 

Je baissai la tête vers mes mains. 

— On va dire que je suis perdu. 

— Y a rien de pire que ça petit. Mais tu veux mon avis ? Fonce, ne te préoccupe pas de ce que les gens pensent de toi. A ton avis pourquoi je vis ici ? 

— Vous vivez vraiment dans cette forêt ? Au milieu d'animaux plutôt dangereux ? 

Elle gloussa. 

— J'ai un fusil et plein d'autres joujou cacher, ne t'en fais pas et mon mari sait se défendre aussi. On a été fait pour vivre là, loin de tout. Et puis, les animaux, tant que tu vas pas sur leur territoire, ils te cherchent pas de poux. Ta petite-amie m'a dit ce qui vous était arrivé, j'y ai pas cru au début, pour être honnête. 

— Ce n'est pas ma... laisser tomber. Kalie a dit quoi exactement ? 

— Que vous êtes tombés de la falaise et que tu l'as retrouvé puis marcher, puis évanoui puis elle s'est réveillée puis elle a marché puis on va a trouvé... rien que ça. 

Alors Kalie s'était réveillée juste à temps. Dans le noir et seule, elle avait réussi à trouver de l'aide. Encore une fois, elle m'avait sauvé.  

— Tes blessures sont vraiment ouverte, t'as du marcher pas mal de temps. Allez, c'est fini, tu es comme neuf. Va prendre un peu l'air histoire de décompresser, faut que je change tes draps aussi. T'aventure pas trop loin. 

— Compris. 

Peu à peu, je repris des forces et Nora me donna à boire et à manger avant de sortir. Pour le moment, je devais retrouver Kalie, c'était la seule chose qui m'importait. La voir et lui parler surtout. Au loin, dans une petite cabane en bois j'aperçu du mouvement. Avant de m'y diriger, je pris le temps de remplir mes poumons d'air frais. Des arbres s'étendaient encore à perte de vue mais cette fois-ci, la forêt semblait plus lointaine. 

Arrivé à la hauteur de la cabane, je me stoppai net quand je vis Kalie parler au mari de Nora. Il avait l'air de l'écouter tellement attentivement que moi aussi j'étais curieux, mais si je les interrompais maintenant, je n'allais pas savoir ce qu'elle disait. En somme, j'écoutais aux portes. 

— Vous savez... quand vous aimez quelqu'un de toute votre âme et que vous sacrifier votre vie pour cette personne ? C'est ce que j'ai fait. Pour lui. 

Pour lui ?

De qui elle veut parler ?

— Je voulais qu'il soit heureux et ait la vie dont il mérite, mais peu importe ce que je veux, l'univers veut le torturer pour mon erreur. 

— Est-ce qu'il sait que tu l'aimes ? 

— Non. Je le repousse. Je ne peux pas, après tout ce que j'ai fait, revenir vers lui. 

Elle parlait de moi, là ?

— Mais ce Jo, tu l'aimes sincèrement ? demande l'homme. 

— Je... 

Une pause. 

— Oui. 

Quoi... ?

— Mais ça, il ne doit pas le savoir.

***

L'eau coulait dans la rivière à une allure lente tandis que je m'amusais à y jeter des pierres. Pour la première fois, aucune vague à l'âme ne me perturbait. Bizarrement, je me sentais léger, comme si tout avait un sens pour la première fois de ma vie. Un sentiment d'euphorie, de joie me comblait. 

— Ah ! Te voilà. Je peux savoir tu étais où ? 

Et en voilà la raison. 

Kalie.

— Ce que tu as dis tout à l'heure... tu le pense vraiment ? 

Elle fronça les sourcils, ne comprenant pas où je voulais en revenir. Après avoir jeté ma dernière pierre, je me relevai et la fixai droit dans les yeux. Elle voulait du rentre-dedans ? J'allais lui en donner. 

— Ce que tu as dit dans la cabane. 

D'un coup, elle devint pâle, puis rouge. Est-ce qu'elle était partagée entre l'envie de s'enfuir ou de me frapper pour avoir écouter ? Peut-être un peu des deux. Mais je pouvais lire dans son regard, qu'elle se retrouvait face à un cul de sac maintenant. 

— Je ne sais pas de quoi tu parles. 

— T'es meilleure menteuse que ça.

Elle déglutit, détournait le regard et se triturait les doigts. Piégée la main dans le sac comme on disait. 

— Tu prétends me détester, tu me repousses et puis tu dis que tu...

— Tais-toi ! Ne dis pas un mot de plus ! s'emporta-t-elle. Tu... 

Je m'approchai d'un pas.

— Je quoi ? 

Puis comme à son habitude, elle tourna les talons et essaya de se défiler, sauf que je la rattrapais par son bras, l'obligeant à me donner des explications. On aurait dit qu'elle en savait beaucoup plus que moi. Qu'est-ce qu'elle entendait par "sacrifier" toute sa vie ? Même en me faisant face, elle ne me regardait pas dans les yeux. 

— Pourquoi tu fuis mon regard ? 

Ses lèvres se mirent à trembler et ses yeux brillaient comme si elle était sur le point de pleurer. Il me fallait des réponses, je ne voulais pas la voir dans cet état, mais elle me devait des explications. 

— Pourquoi tu me fais ça ? Pourquoi tu me mets à l'écart, me rejette puis agit différemment. 

Elle se tut, fuyant toujours mon regard. 

— Regarde moi, Kalie. 

Elle fermait les yeux. 

— Kalie ! 

Elle sursauta avant de me regarder avant un regard noir. Sauf que cette fois-ci, ça ne m'intimidait plus ce genre de tactique. Au contraire, ça ne faisait que confirmer ce que je pensais et un sourire s'afficha sur mes lèvres. 

Elle parut surprise un moment avant de me dire qu'est-ce que je fabriquais et sans crier gars, je la saisis par le visage. Ses joues étaient chaudes, et quelques larmes avaient déjà coulées. 

— Quelque chose que j'aurais du faire y a longtemps, chuchotai-je. 

Mes lèvres s'écrasèrent sur les siennes et d'un coup une décharge électrique envahit mon corps entier. J'avais littéralement l'impression de flotter, de goûter à un fruit défendu tellement je me sentais paisible et calme. Kalie qui avait essayé de rompre le baiser s'abandonna également à moi et m'autorisa en un seul regard à aller plus loin. Cette fois-ci, je glissais ma langue dans sa bouche qu'elle accepta non sans laisser ses larmes couler ce qui donna un goût salé à notre baiser. 

Mes mains passèrent derrière sa nuque pour attirer son visage encore plus près du mien. Je ne savais pas d'où venait cette envie de l'avoir contre moi, de connaître chaque parcelle de son corps, de m'abandonner à elle. Elle gémit dès que je l'attirai contre moi, puis m'agrippa le torse avant de répondre plus fougueusement à mon baiser, comme si elle n'arrivait plus à se retenir. Mes mains glissèrent jusqu'au milieu de ses reins, puis encore un peu plus bas. Nos langues s'entremêlaient, se chatouillaient et en redemandaient encore plus. 

Un frisson parcouru mon échine quand elle entoura mon cou de ses bras pour m'attirer contre elle. Elle me tira légèrement les cheveux avant de m'embrasser encore plus passionnément. Cette fois-ci, elle n'hésitait plus et s'offrait complètement à moi. Et pourtant au fond de moi, une voix me criait d'arrêter, mais bien sûr je ne l'écoutais pas.

Après tout, je l'aimais.

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