XXXIII. Portés disparus

POINT DE VUE OLIVER

— Tiens. 

Je posais une tasse de café sur la table en bois en plein milieu du camp qui grouillait de policiers et d'ambulances. Il était neuf heures du matin et aucune nouvelle de Kalie et Jonathan. Les professeurs avaient déployés le maximum de personne qu'ils pouvaient, mais toujours aucune piste. 

— Tu crois qu'ils vont bien ? me demanda Leila, le regard vide et cerné.

— Mon intuition me dit que oui... 

— Un flic a dit tout à l'heure qu'ils avaient pu tomber d'une falaise... 

Sa gorge se noua, elle retenait du mieux possible ses larmes. 

— C'est impossible de survivre à ça. 

— Leila arrête, tu te tortures pour rien. Ce sont des durs à cuire tous les deux... Surtout Kalie. Elle semble être plus sur ses gardes avec tout ce qui se passe autour d'elle. 

J'avais beau essayé de la rassurer, moi-même je n'étais pas très confiant sur la façon dont se déroulait les évènements. Après tout on était juste des ados paumés, ici pour avoir un peu de bon temps entre amis, mais depuis quelques temps, profiter de quoique ce soit devenait de plus en plus difficile. Entre Kalie et ses accidents, les tensions dans le groupe, les cachoteries et secrets, notre groupe ne ressemblait plus à rien et en regardant bien le camp, tous les élèves même Lucas et Victoria, ressemblaient à des zombies sortis d'un film d'horreur. 

Les mots de Kalie résonnèrent dans ma tête. Plus je regardai Leila fixer cette table, plus je me disais qu'il fallait que je me lance. 

— Kalie m'a dit un truc le jour ou tu m'as surprise avec... tu sais qui. 

Pour garder mon courage, je fixai un point au loin, ne la regardant pas dans les yeux, mais du coin de l'œil, je pus sentir que ses yeux étaient posés sur moi. 

— Elle m'a dit que je devais t'avouer mes sentiments, parce que sinon je le regretterai toute ma vie. Donc, voilà. Je le fais, Leila, finis-je en la regardant à mon tour. 

Ses joues étaient légèrement rouge, par le froid ou par ce que je venais de dire, aucune idée. Un petit sourire, très mince, s'afficha sur ses lèvres et elle baissa la tête un peu plus détendue sans rien répondre. De toute façon, ce n'était pas ce que j'attendais de sa part. 

Je sais très bien ce qu'elle ressent.

— Désolée d'avoir réagit comme une furie... chuchota-t-elle. C'est que...

— Je sais, Leila, je sais, souris-je. 

Pendant quelques minutes, personne ne parlait. Mes pensées dérivaient sur Kalie et Jonathan, où est-ce qu'ils pouvaient être, ce qui leur était arrivé en m'imaginant le pire des scénarios. Mes mains tremblèrent légèrement, une boule augmentait dans mon ventre et l'air ne passait plus aussi bien que d'habitude. 

Si jamais je perdais Kalie, s'il lui était arrivé quelque chose, jamais je ne pourrais me le pardonner. Elle n'avait pas se souvenir de moi, je me souvenais d'elle et de tous nos moments. Quand je me trouvais dans une période noire, elle m'avait aidé à surmonter mes démons. Elle m'avait montré la beauté intérieure qui était en moi, celle que je n'avais jamais pu voir. 

— Psst ! psst ! 

Leila et moi regardions en direction du bruit et ce n'était que Chloé qui nous interpellait par la fenêtre de son bungalow. Sans attendre une seconde, nous pénétrions dans la chambre avant de voir tout un tas de feuilles sur une table en bois. 

— Qu'est-ce que tu fais, Chloé ? 

— J'ai passé au moins une heure à tout retracer, mais j'ai enfin trouvé un plan détaillé du camp avec tous les pièges et passages difficiles et quand je vous dis que y en a des tonnes, c'est vraiment incroyable, qui a eu l'idée de...

— Chloé ? Abrège. 

— Oui, désolée. Selon mes calculs, Jonathan est parti vers la partie Nord de la forêt, à l'opposée de nous et Kalie l'a suivi en prenant la même route. 

— Donc, pourquoi est-ce qu'ils sont toujours pas revenus ? Kalie a la carte, elle a tout son matériel sur elle. J'aurais du la suivre...

— Tu n'aurais rien pu faire, ou alors toi aussi tu aurais disparu. Ma théorie est qu'ils étaient sur le point de revenir, mais qu'ils sont rentrés dans une zone dangereuse, là où il ne fallait absolument pas mettre les pieds, surtout la nuit. Celle-ci. 

Elle pointa du doigt un grand cercle de forêt qui ne se démarquait pas des autres. 

— C'est juste la forêt, remarqua Leila.

— Non, cette zone est spécialement dangereuse à cause des ours, grizzli etc. 

— Mais qui a eu l'idée ingénieuse de venir ici ? s'emporta Leila. L'école ne s'en est pas rendue compte quand on leur a montré le projet ? Ils sont censés acceptés ou rejetés les propositions du conseil et s'assurer qu'on a choisi un bon endroit. 

— Le problème c'est que cette zone est interdite de base. Il y a des tours de gardes postées partout un peu autour de cette zone et elles ont des caméras, des personnes qui surveillent et qui patrouillent dans la zone. 

— Des caméras dans la forêt ? Pour des ours ? s'interrogea Leila. 

— Pas des caméras, des drones. Et si un des drones survolait dans cette zone...

— Alors on pourrait voir Kalie et Jonathan sur l'une des caméras reliée au drone, conclus-je. 

— Il faut qu'on dise ça aux professeurs et à la police, paniqua Leila. Si jamais un ours les a mangé, alors il faut que...

— Respire, Leila, intervint Chloé. Si ma théorie est bonne, Kalie et Jonathan devraient toujours être en vie.

Je fronçai les sourcils, sceptique. Chloé avait l'air tellement sûre d'elle. 

— Comment tu sais ça ? 

— Ce n'est pas à cent pour cent sûr. Deux cas de figure : soit ils se sont fait manger... désolée, soit ils ont du se rendre compte de quelque chose, un bruit, ou l'ours les a effrayé et ils ont du courir je ne sais où et atterrir près d'un point d'eau. Le plus proche se trouve au nord de là où ils étaient. 

— Mais ce point d'eau est en-dessous d'une falaise. Ils auraient sauté ? 

— C'est une hypothèse et rien n'est sûr. 

— Comment est-ce que tu as déduis tout ça ? Comment est-ce que tu sais que Kalie n'a jamais trouvé Jonathan et qu'ils sont tous les deux séparés ? questionna Leila. 

Chloé semblait elle-même douter de son plan. Il n'y avait aucune garantie que Kalie ait trouvé Jonathan. Peut-être que Kalie a été attaqué par l'ours en recherchant Jonathan, ou peut-être qu'elle a trébuché en prenant un raccourci. Tout était possible.

— Si jamais on va voir les professeurs et on leur montre cette hypothèse, ils peuvent perdre leur temps et chercher dans la mauvaise direction et ce sera de notre faute. 

Leila marquait un point. Si jamais notre piste était fausse, on aurait perdu un temps précieux. Chloé regarda la carte avant d'observer par la fenêtre. 

— Il n'y a qu'un moyen de savoir si Jonathan et Kalie était bien dans cette zone. Un seul moyen de savoir si Kalie a trouvé Jonathan puis a rebroussé chemin. Il faut qu'on aille à cette tour. 

— Tu plaisantes ? Il y a déjà deux élèves qui manquent, Chloé ! s'exclama Leila complètement apeurée. 

— Je croyais que Kalie était ta meilleure amie. 

— Eh, Chloé, relax. On est tous à cran, mais Leila a raison, il faut montrer ton plan aux autorités, seuls eux sauront quoi faire. 

— Tu as dis toi-même que s'ils vont jusqu'à la tour, ils perdront du temps précieux. Autant leur faire gagner du temps. 

— Et l'ours ? T'y a pensé, ou tu veux mourir toi aussi ?! s'emporta Leila.

— Si on suit un autre chemin, on peut contourner cette zone sans problème et accéder à la tour. Et à partir de là... on improvisera. 

Ce serait mentir si je disais que Chloé ne m'impressionnait pas. Elle qui était toujours derrière ses lunettes, organisée, préparée, était prête à se jeter dans la gueule du loup, avec un plan plutôt bancal, pour sauver Kalie et Jonathan. Chloé savait même que Leila et Kalie semblaient plus proche, mais pourtant en ce moment-même les rôles s'étaient inversés. 

Sa détermination et sa persévérance ne ressemblaient en rien à la Chloé d'il y a quelques mois. Tandis que j'étais en pleine réflexion, Leila me regarda, les yeux gros. 

— Ne me dis pas que t'envisages sérieusement d'aller à cette tour ?!

— Je... hésitai-je, tandis que Chloé me regardait avec une détermination sans précédent. Je pense que je vais y aller, dis-je en fixant Chloé des yeux. 

Leila porta ses mains à sa tête avant de tirer ses cheveux vers l'arrière, signe de désespoir. Elle ne répondit rien, nous tournant le dos. Elle n'avait pas peur pour elle, mais plutôt de prendre des risques pas nécessaires. Le dilemme était présent, mais j'avais fait mon choix, il fallait qu'elle fasse le sien. 

— Je vous préviens, si on meurt avant de les avoir trouver, je vous tuerais. 

— Je prends ça comme un oui, conclu Chloé. 

Leila semblait toujours contre, mais ce qu'avait dit Chloé avait réveillé un truc en elle. Je pressentis même qu'elle se sentis coupable de ne pas avoir eu son idée, elle avait préférée paniquer et s'inquiéter sans trouver de solution. Exactement comme moi. 

Chloé nous avait épaté sur ce coup-là. 

— Encore un détail. Comment est-ce que tu veux passer avec tous les flics dans les parages ? 

— Oui... on va devoir avoir besoin d'une diversion. 

— Et comment ? 

— Je me porte volontaire. 

Aucune de nos lèvres avaient bougé. Cette phrase ne provenait d'aucun d'entre nous. C'est en tournant tous la tête vers l'entrée qu'on vit Sydney se tenir sur le pas de la porte, les bras croisés, mais le regard sévère. 

— Sydney ? Qu'est-ce que tu fais là ? 

— Tout d'abord, c'est ma chambre aussi, deuxièmement, je vous ai entendu depuis le début et troisièmement... Kalie m'a couvert tout à l'heure. D'ailleurs, merci pour le piège, très bien réfléchi. Mais elle ne m'a pas balancé. Et puis, si jamais je peux aider... 

Nous la fixions tous, les sourcils froncés. 

— Prêts à sauver vos amis ? demanda-t-elle. 

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