XXXII. Au bord du gouffre
Assise autour du feu de camp, personne n'arrivait à se concentrer. Les élèves étaient tous stresser et essayaient de se rassurer l'un l'autre. Quant à moi, j'allais imploser de l'intérieur. Je me fichais du pacte, de Sydney, de Victoria, de ma vie, tout ce que je voulais c'est le retrouver.
Jonathan avait disparu depuis maintenant une bonne heure et personnes ne savaient où est-ce qu'il se trouvait. Selon Justin, il était parti chercher Victoria puis il n'est jamais revenu. Cette dernière était également introuvable et tandis que les profs se disaient que tout ceci était un cauchemar, je m'étais assise sur un tronc d'arbre en train de réfléchir à ce que je pouvais faire.
Je ne voulais pas lui donner cette vie, je ne voulais plus lui faire du mal. Le retrouver était ma priorité maintenant. Savoir qu'il était sain et sauf... et si quelque chose de terrible lui était arrivée par ma faute ? Leiw l'aurait pris je ne sais pas où, dans son monde ? Et si la personne qui m'avait agressé s'en était prise à lui ? Ce fantôme venu de nulle part.
— Kalie ?
Leila posa une main sur mon épaule et me tendit une couverture.
— Tu es gelée, ça va faire une heure que t'es là-
— Je vais bien Leila, répondis-je la froideur dans ma voix ne s'étant pas cachée.
— Kalie, commença-t-elle, en s'asseyant près de moi me tenant une main. Je suis sûre qu'il va bien. On va le retrouver.
Je déglutis péniblement, ravalai mes larmes et serrai de toutes mes forces la couverture qu'elle venait de me donner.
— J'espère bien Leila, sinon je ne sais pas ce que je ferais sans... je veux dire...
Je me tus, ne sachant pas comment finir ma phrase.
— Il compte vraiment à tes yeux pas vrai ?
J'hochai la tête doucement. Elle ne dit rien, se contentant de me réconforter du mieux qu'elle pouvait. Il fallait faire quelque chose, n'importe quoi pour l'aider. La nuit commençait à tomber, la forêt était glissante, tout pouvait arriver.
— Ne t'imagines pas de scénarios Kalie, tu vas te torturer pour rien.
Alors que Leila faisait de son mieux pour me rassurer, Victoria débarqua enfin, puis se rendit compte du brouhaha et de la foule en face d'elle. Son petit sourire laissa place à de l'incompréhension puis de l'inquiétude.
— Vic ! Te voilà ! Jo est avec toi ?!
— Quoi... ?
— Jonathan ! Il est parti te chercher juste avant la visite du camp, est-ce que vous étiez ensemble ?
Dans l'ombre, alors que tout le monde avait le regard fixé sur Vic, je perçu Lucas, se frayant un chemin discrètement entre les élèves, sans paraître suspect. Ma conscience me criait de pas le faire, de me taire, trop c'est trop.
— Oui, dit nous Victoria, où est-ce que tu étais ? questionnai-je en connaissant déjà la réponse.
Me tenant debout droit devant elle, la dépassant de quelques centimètre, je la défiais du regard et ayant tous les yeux posés sur elle, Victoria semblait plus vulnérable que jamais. Mais ce n'était pas assez, il fallait que j'enfonce le couteau dans la plaie.
— Rien ne sert de te cacher Lucas, je t'ai vu.
Tout le monde tournait son regard vers le coupable.
— Toi et Miss perfection étiez ensemble pas vrai ?! m'énervai-je.
La foule se mit à émettre des hoquets de surprise, les dévisageant à tour de rôle. Chloé foudroyait du regard son frère et Sydney se sentait mal. Elle avait compris l'erreur qu'elle avait faite dans le bungalow. Elle avait trahi sa propre amie sans même s'en rendre compte.
— Quoi ?! Qu'est-ce que tu racontes, t'es folle... je... non !
— T'es pathétique...
Je fis un pas un avant.
— Et stupide...
Puis un autre pas en avant
— Et manipulatrice, Victoria... Tu te sers des sentiments des gens pour les manipuler à ta guise. Et toi !
Je fis face à Lucas maintenant.
— Tu n'es pas mieux, tu devrais avoir honte de la protéger alors que c'est avec elle que tu m'as trompée !
Cette fois-ci tout le monde étaient surpris, certains émirent des jurons mais il restèrent tous à savourer le spectacle.
— Tu avais un garçon comme Jonathan, chuchotai-je, et tu as tout gâché !
— Qu'est... qui est-ce qui t'as dit... Sydney ? interrogea Victoria les sourcils froncés, les larmes aux yeux.
— Sydney n'a rien à voir avec ça, rétorquai-je en tournant la tête pour la regarder. A vrai dire Victoria...
Je me penchais juste assez pour qu'elle puisse bien entendre
— J'ai retrouvé la mémoire.
Je ne savais pas quel regard j'avais ni quelle était l'expression de mon visage, mais Victoria semblait horrifiée et recula d'un ou deux pas avant de paniquer complètement. Elle avait non seulement perdu le respect de Jonathan, mais de tout ceux qui l'avait apprécié.
— Elle a retrouvé la mémoire ? chuchotèrent quelques élèves.
Bien sûr c'était un mensonge, mais assez convaincants pour foutre la trouille à eux deux. Lucas était complètement pétrifié sur place et à ma grande surprise, Chloé se plaça juste devant lui... avant de le gifler.
— Oh bordel !
— Chloé vient de frapper Lucas ?
— C'est son grand-frère non ?
— Non, s'exclama-t-elle. Lucas est en réalité mon petit frère. Et il mérite une leçon. A cause de vos petites histoires de gamins, vous avez causé la disparition d'un élève.
— Quoi... ? pleura Victoria.
— Oui, confirma Chloé. Jonathan t'as suivi et vous a probablement vu tous les deux et maintenant on ne sait plus ou il est. Si jamais il lui arrive quelque chose, ce sera de votre faute.
Je respirai un bon coup et tournai le dos à Victoria. Juste à côté du tronc d'arbre où je m'étais postée, il y avait mon sac à dos, rempli de matériel de survie. Au point où j'en étais, il fallait bien que je réagisse. En deux enjambées, j'atteignais mon sac, le balançai sur mon dos et me dirigeai vers les bois.
— Kalie ! Kalie où est-ce que tu vas ?! cria Oliver. On doit encore attendre les professeurs !
Trop tard. Je devais le retrouver, je vais le retrouver. Peu importe s'il fallait parcourir la forêt entière, je le retrouverai sain et sauf. Tiens bon, Jo, j'arrive.
***
L'ai se faisait de plus en plus frais, et je ne voyais presque rien dans le noir, seule la lumière de la lune et celle de ma lampe torche m'éclaircissait. Tout d'un coup, digne d'un scénario de film d'horreur, cette dernière se mit à vaciller.
— Non, tu vas pas me lâcher, grognai-je entre mes dents en la tapotant frénétiquement.
Elle se remit à fonctionner normalement, mais il fallait que j'active le pas.
— Bon sang, Jonathan, où est-ce que t'es passé ?
Un craquement venu de nulle part attira mon attention. Un bruit simple, mais qui filait la chaire de poule au beau milieu des bois. Mes yeux balayèrent les environs sans rien apercevoir de suspect. Mais le reste de la recherche ne se passa pas dans les meilleures conditions. La pluie avait repris, je me retournais toutes les trois secondes, j'avais l'impression de voir des ombres me suivre.
Moi qui me sentait confiante, j'avais perdu toute notion de courage. Mon corps se mit à frissonner et mes jambes se fatiguaient de plus en plus, peinant à me garder debout. La pluie brouillait ma vue rendant plus difficile mes déplacements.
Je peux te poser une question ?
La voix de Jonathan résonnait dans ma tête. C'était pour lui que j'avais fait tout ça, je ne pouvais pas laisser la peur m'atteindre maintenant. Tant bien que mal je continuais mon chemin, toujours apeurée, mais cette fois-ci sa voix me réconfortait.
Après une bonne dizaine de minutes, je vis quelque chose qui attira mon attention. Une grosse tâche noire s'étendait juste sous mes pieds, par terre. Il y avait des branches qui gênaient ma vue, mais avec un peu de persévérance, je réussis à avoir un meilleur angle.
Et je tombais de haut quand je me rendis compte que cette tâche noire n'était pas une tâche mais une personne. Ni une ni deux, je ne perdis pas une minute, mais dans ma hâte, je fis un rouler bouler sur le sol en m'écorchant sur plusieurs branche d'arbre. Ma jambe me lançai un petit peu mais à la seconde où je vis Jonathan allongé devant moi, inconscient, toute notion de douleur s'évaporait.
— Jonathan ! Jonathan réveille-toi !
Après m'être assurée qu'il respirait, j'essayais de le secouer dans tous les sens et je me rendis compte de ses blessures. Tout doucement, je posais ma main sur son visage, les larmes aux yeux. Malgré sa chute, il était sain et sauf.
Il était en vie.
Mais ses vêtements étaient trempés et lui aussi par la même occasion. Combien de temps est-ce qu'il était resté ici ? A en juger par sa blessure sur son front, il avait du perdre équilibre et se cogner contre une branche avant de tomber sur le sol. Ma main toujours sur son visage, je parcourus délicatement les traits de ce dernier tout en souriant légèrement. Soudain, ses yeux se mirent à bouger furtivement.
— Jonathan... ? Jo !
Il essaya de dire quelque chose mais sa voix devait être rouillée. De la chance ou pas, j'étais heureuse de l'avoir trouvé à temps. Après quelques secondes, il réussit à ouvrir les yeux avant de se rendre compte d'où est-ce qu'il était et par la même occasion, de me voir.
— Ka... lie ?
Pour une fois, je ne dis rien. Juste un soupir de soulagement s'échappait de moi avant de le prendre dans mes bras. Il n'avait pas le temps d'être surpris puisqu'il était encore dans les vapes, mais il serra également ses bras autour de ma taille. Je m'écartai enfin et pu lire de la tristesse et de la colère dans ses yeux. Il se souvenait de tout et Chloé avait raison, il savait pour Victoria et Lucas.
A ce moment, je ne savais dire si l'eau qui était sur son visage était la pluie ou ses propres larmes. Au final, il a été trompé au lieu de tromper. C'était presque ironique. Il réussit à se relever doucement, toujours au sol, portant une main à sa tête. Il balayait de ses yeux mon visage jusqu'à se rendre compte de quelque chose.
Il déposa sa paume froide sur ma joue, son pouce parcouru la légère écorchure sur mon menton. Ce simple contact me fit frissonner et je ne pus m'empêcher de fixer ses lèvres puis ses yeux, puis encore ses lèvres. Son regard passa de mon visage, à mes jambes, se rendant compte des nombreuses écorchures que j'avais. Pourtant tout cela m'était égal, seul lui m'importait.
— Ta jambe, tu...
— Aucune importance, chuchotai-je.
D'un geste rapide mais doux, il m'enlaça de toutes ses forces, nichant sa tête dans mon cou et pour la première fois, je ne me retins pas. Entourant sa taille de mes bras, je regardais vers le ciel, me demandant quand est-ce que cette souffrance s'arrêtera.
***
Après quelques minutes, Jonathan et moi étions en route vers le chemin du retour. Cette fois-ci, je n'avais pas oublié la carte du camp dans mon sac à dos, donc même si le trajet se faisait long et dans le plus grand des silences, au moins nous savions où est-ce que nous allions.
Jonathan, qui d'habitude se montrait plutôt bavard, ne dit pas un mot. Ce n'était pas seulement ça, mais son attitude. Il titubait puis marchait derrière moi, à la ramasse sans aucune expression sur son visage. Sa petite-amie venait de le tromper, se réjouir n'était pas vraiment la chose qui le démangeait.
Au bout d'un moment, je sentis qu'il ne me suivait plus, qu'il s'était complètement arrêté. En me retournant, son visage était encore plus inexpressif que je ne l'avais imaginé. Il semblait totalement meurtri de l'intérieur ne sachant plus quoi penser. Son regard était vitreux, perdu dans la vide puis il entrouvrit la bouche, mais aucun son n'en sorti.
— Je suis misérable pas vrai ?
Il sourit faussement, un sourire teinté de peine et de tristesse. Ses yeux étaient plantés au sol, me regardant à peine, comme s'il se posait la question à lui-même. En l'espace d'un instant, le pacte, l'autre vie, la solitude, les problèmes, les visions, les photos étranges, tout cela n'avait plus aucune importance. Comme si à ce moment-là, je savais que je pouvais lui parler, rien ne m'arriverait à lui ou à moi, comme si je pouvais le protéger de tout les obstacles.
— Non, Jonathan. Tu n'es pas misérable, ni pathétique, ni fautif, commençai en m'approchant un peu plus de lui. Au contraire, tu es... tu es quelqu'un de généreux, attentif et drôle. Tu ne méritai pas ça, personne ne le mérite et sache que c'est une épreuve comme une autre. Une épreuve que tu peux surmonter.
Ravalant mes larmes, je faisais de mon mieux pour garder mon calme, mais le voir enfin me regarder me rendait heureuse. En quelques mots, j'avais pu soulager sa peine, son regard en témoignait. Il reprit des couleurs et inspira fortement avant de sourire pour de vrai.
— C'est la plus longue discussion qu'on a jamais eu, rigola-t-il.
— Ben voyons, fous-toi de moi, ris-je en levant les yeux au ciel.
S'il vous plaît, rendez-le heureux.
Tandis que nous continuons notre route, un craquement se fit entendre suivi d'un gros "boum". Mais qu'est-ce qu'il se passait ?
— T'as entendu ? s'inquiéta-t-il.
— Ouais... c'était quoi ce...
Avant même de pouvoir finir, un rugissement se fit entendre, un bruit à vous faire frissonner.
— Bordel de...
Au beau milieux des bois, nous étions encerclés de feuilles et d'arbres mais l'attention de Jonathan avait été attiré par un coin cachée qui semblait abriter quelque chose à l'aide de ses feuilles.
— Kalie...
Tout doucement, il commença à reculer tout en gardant un œil sur l'endroit en question qui tremblait de plus en plus et le bruit de rugissement recommençait de plus belle.
— Cours !
Ni une ni deux, nous courions à toute vitesse dans n'importe quelle direction sans savoir si quelque chose nous poursuivais vraiment. Les craquements derrière nous se faisaient de plus en plus réguliers et semblaient se rapprocher ainsi que les rugissements.
Non, voilà ma confirmation qu'un ours ou un grizzli était à nos trousses.
— T'arrête pas ! cria Jonathan à bout de souffle.
— Je fais ce que je peux !
Mais mon corps commençait déjà à lâcher, mes jambes étaient très faible après avoir marché une soirée entière pour retrouver monsieur. L'adrénaline montait en moi ce qui m'obligeait à puiser dans mes forces du mieux que je pouvais. D'un coup, Jonathan s'arrêta, m'empêchant de tomber en déployant ses bras.
— Wow, attention.
Un bruit m'interpella, pas celui de la créature, mais de l'eau. De l'eau se trouvait juste en dessous d'une putain de falaise et même si elle avait l'air assez profonde, survivre à cette chute serait un miracle.
— On va devoir sauter !
— T'es malade ?! On ne sait même pas où le courant va nous emmener ! C'est du suicide ! paniquai-je.
— T'as une meilleure solution ?
Le rugissement se rapprochait de plus en plus, mais quelle idée de faire du camping là où il y a des ours ?!
— Kalie, il va falloir qu'on se décide et vite !
— Je... je sais pas nager !
C'était vrai, l'eau me terrifiait et peu de personne le savait.
— On saute, tous les deux, je ne te laisserais pas. Tu me fais confiance ?
Il me tendit la main, attendant une réponse. Sans répondre, je la saisis puis tout se déroula en une fraction de seconde. Le dernier souvenir que j'avais c'était de sauté de très très haut et de subir un choc avant de sombrer dans le noir complet. Plus aucun sens ne fonctionnaient, je ne voyais, entendais et sentais plus rien.
Est-ce que c'était ma punition ?
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