XXIII. La photo

Voir Jonathan dans l'était où il était m'avait fait plus de mal qu'autre chose. C'était insupportable de le voir comme ça, en train d'agoniser. Pourquoi est-ce qu'il avait eu cette crise ? On aurait dit une des miennes. Et puis, il s'était souvenu de la Kalie d'avant, enfin de sa vie d'avant. Comment était-ce possible qu'il se rappel quelque chose dont il n'était pas censé se rappeler. 

Les photos... il n'y avait que Jonathan, celui que j'avais réellement connu qui pouvait s'en rappeler. Il me fallait des réponses, je ne pouvais pas risquer que sa mémoire revienne. Peut-être que j'avais trop joué avec le feu. Peut-être que tous ces moments où je lui avais parlé avaient des conséquences. J'avais ignoré les avertissements et maintenant il en payait le prix. C'était tellement injuste.

Encore perdue dans mes pensées, un frappement à la porte me sortie de ma bataille interne. J'avais oublié que j'étais encore chez Chloé, mes parents revenaient ce soir et j'en étais bien contente d'ailleurs. La colocation avec Lucas ne m'enchantait pas vraiment. Leila avait raison, comment est-ce que j'avais pu coucher avec lui après tous les secrets qu'il cachait ? 

Dans tous les cas, ma première fois n'a jamais été avec Lucas, mais avec un autre garçon. La plus grosse erreur de ma vie. Les relations ne m'avaient jamais semblé quelque chose de sérieux après ça. Je ne le faisais pas avec n'importe qui, mais il n'y avait plus cette symbolique concernant la première fois. 

— Entrez. 

— Salut, dit Lucas en passant sa tête. Je peux entrer ? 

— Vas-y, dis-je en me levant et faisant ma valise. 

Je ne pouvais m'empêcher d'être excitée à l'idée de partir d'ici. Lucas lui semblait triste. 

— Alors tu t'en vas, c'était chouette cette petite coloc'.

Je gloussai légèrement, ne croyant pas un mot de qu'il disait. Ce qui l'intéressait c'était autre chose. 

— Au moins, ça a été chouette pour l'un d'entre nous. 

— Ne commence pas Kalie, t'étais plutôt heureuse la nuit dernière, lâcha-t-il. Tu devrais aussi avoir des responsabilités. 

D'un côté, il n'avait pas tort. Je jetais toujours la faute sur les autres, mais c'est vrai que j'avais initié ce qu'il s'était passé avec Lucas, j'aurais pu lui dire de partir, mais quand quelqu'un avait essayé de vous tuer, d'autant plus quelqu'un d'invisible, réfléchir intelligemment était difficile. 

— Tu as raison, dis-je en lui faisant face. C'était une erreur, tout comme ce qu'il s'est passé à l'anniversaire. J'étais faible pendant ce moment et je n'ai pas réfléchi. Oublions tout ça. 

Il s'approcha dangereusement de moi, passant son regard de mes yeux à mes lèvres. 

— Lucas... soupirai-je. Ne recommence pas. 

— Sinon quoi ? 

Pendant un court instant, je ne savais pas quoi dire. Au fond de moi, Lucas n'était qu'un pansement, que du réconfort, je savais que je me servais de lui pour oublier Jonathan, combler le vide que ce dernier avait laissé. Plus le temps passait et plus je n'arrivais pas à croire que c'était moi qui faisait tout ça. Je voulais une vie plus simple. 

— Je...

— Lucas ? 

La voix de Chloé m'avais interrompu. Je m'écartai de Lucas directement, mais son expression voulait tout dire. Elle avait tout vu. Est-ce qu'il y avait autre chose qui pouvait me tomber dessus ? Juste un peu de répit, c'était tout ce que je demandais. 

Chloé, qui se tenait sur le pas de la porte, avait fait demi-tour, n'en croyant pas ses yeux. 

— Chloé, attends ! 

Je la rattrapais dans le couloir, laissant Lucas dans la chambre. 

— Chloé, je peux...

— Tout m'expliquer ? s'emporta-t-elle.

Je n'avais jamais vu Chloé énervée, et même là, elle était plus déçue qu'en colère. 

— A la minute où tu as découvert que Lucas t'avais trompé, tu m'as harcelé, tu m'as traité comme une moins que rien parce que j'étais sa sœur. J'ai laissé passé parce que je payais pour les actions de mon frère, j'ai ravalé ma fierté malgré tes moqueries, fit-elle, la gorge nouée et les larmes aux bords des yeux. Et puis dès que j'ai le dos tourné, tu te jettes dans ses bras ? 

Pour la première fois, j'avais honte, honte de ce que j'avais fait. Chloé ne méritait pas ça. Mais ce n'était pas moi qui l'avait harcelé. Jamais je n'aurais fait ça... Mais ça, elle ne pouvait pas le comprendre.

— Je ne sais pas si je pourrais supporter une autre de tes crises, Kalie. Si jamais il te fait du mal à nouveau, je ne me laisserai pas faire. T'as compris ? 

Elle tourna les talons et me laissais en plan dans le couloir et quand je me retournai pour retourner dans ma chambre, Lucas se tenait là, mort de honte également. 

Cette journée ne pouvait pas être pire.

***

La sonnerie annonçait la fin des cours, mais pas la fin de la journée. Leila et Oliver voulait me parler d'un truc urgent dans la salle du conseil. Je n'en savais pas plus, Leila m'avait juste envoyé un message disant "urgent conseil". Après ce qu'il s'était passé ce matin avec Chloé, il y avait un peu de tension. Même beaucoup. 

On s'était pas revu, mais elle allait être là-bas également. En parlant de personne que je ne voulais pas recroiser, Jonathan était là. Même si ma tête me disait de le laisser, mon cœur, lui, n'était pas assez obéissant. 

Est-ce qu'il avait consulté un médecin ? Est-ce qu'il avait bien mangé ? La crise était du à quoi ? Est-ce qu'il se souvenait de moi ? Tandis que je me posais toutes ces questions, en sortant de la salle, je le vis accompagné de son groupe et de Victoria. Avec le temps, ce coup de couteau était plus facile à gérer. En passant à côté du groupe, je pouvais sentir un regard dans mon dos, je ne me retournai pas, mais je voulais pensé que c'était lui qui me fixait. 

Arrivée à la salle du conseil, j'ouvris la porte et m'attendais à voir Leila et Oliver en panique mais au contraire ils crièrent "Surprise" tout d'un coup. Mais qu'est-ce qu'il se passait ?

— C'était tellement facile de t'appâter ici ! rigola Oliver. 

— Mais qu'est-ce que- 

— Avec Oliver, on s'est dit qu'avec tout ce que tu as vécu, tu as besoin d'un break

En effet, la salle était décorée avec des ballons et un gâteau ainsi que des bonbons étaient éparpillés sur la grande table. Un sourire se dessina sur mes lèvres, c'était automatique. Pendant tout ce temps avec toute cette tension que je ressentais, tous ces événements qui s'enchaînaient sans fin, je n'avais jamais pris le temps de souffler, de respirer. Et même quand j'essayais, ça finissait mal. 

— Les gars, je... 

Je ne savais pas quoi dire, les larmes me montaient aux yeux. 

— Aw, pleure pas, tu vas me faire pleurer, commença Leila. 

— T'es pas aussi jolie quand tu pleures, rétorqua Oliver. 

Leila lui cria dessus et sans contrôle les larmes tombaient, mais des larmes de joies. En un instant, toutes les choses qui me préoccupaient avaient disparu et mon cœur se sentait un peu plus léger. 

Entre les rires d'Oliver et les cris de Leila, je me sentais un peu plus à ma place. 

— D'ailleurs Kalie, on avait pensé avec Oliver que ce serait cool d'aller à la fête foraine demain ! 

— Ah, t'as arrêté de crier ? 

— Je vais t'en coller une, siffla-t-elle entre ses dents. Alors Kalie ? Tu es partante ? Chloé a dit qu'elle voulait bien. 

— Je sais pas trop...

— Aller ! Comme au bon vieux temps. T'inquiète pas si quelqu'un essaie de te faire du mal, je l'arrêterai, fit Oliver avec plein d'assurance. 

— Oui, bien sûr, même une mouche est plus intimidante que toi, Oli. 

— Oui, c'est d'accord ! dis-je  que la troisième guerre mondiale éclate entre eux. 

Après tout qu'est-ce qu'il pouvait se passer à une fête foraine ? C'est l'occasion parfaite pour me changer les idées, mais à chaque fois que je disais ça, quelque chose d'autre me tombait dessus. 

Et j'avais un mauvais pressentiment. 

***

— Alors ça, c'est quand on était à côté de la grande tour, c'est magnifique tu ne trouves pas ? J'aimerais bien la mettre en photo de profil !

J'avais entendu ma mère depuis la porte d'entrée.

— Je suis arrivée ! criai-je avant que ma mère débarque dans l'entrée me faisant un énorme câlin. Mon père m'en fit un également et je sentais l'air me manquer entre leurs embrassades. 

— Papa, maman, je respire plus... 

— Kalie, tu sais à quel point tu nous as manqué, raconte-nous tout ! La police à du nouveau ? Je n'ai reçu aucun coup de fil, est-ce qu'ils ont trouvé qui avait fait ça ? Un suspect ? 

— Wow, chérie, calme-toi, rit mon père. 

Je souris maigrement, me dirigeant vers le salon avant de déposer mes sacs sur le canapé.

— Ils ont trouvé les caméras de surveillance mais on ne voit nulle part la personne qui m'a agressé. Ils pensent que j'avais inventé tout ça, ou même halluciné avec mon accident. 

— Bien sûr, la police ne fait jamais correctement son travail, je vais aller les voir, s'énerva ma mère. 

— Attends maman, dis-je précipitamment, vous venez de revenir, laissez-vous un peu de temps. Décompresse, tout va bien, je suis là maintenant. Racontez-moi votre voyage. Tu parlais d'une photo de profil tout à l'heure ? 

Elle plissa les yeux et fit une moue sachant très bien que j'essayais de détourner le sujet, mais elle se calma et décida de me montrer les photos qu'ils avaient prise. Mon père avait fait à dîner cette fois-ci pendant que ma mère et moi regardions les photos. Elles étaient toutes plus belles les unes que les autres, mais elles avaient l'air sales, y avait des espèces de tâche noire sur pas mal d'entre elle. 

Quelle qualité... j'espère qu'ils avaient pas payé une fortune pour des photos tâchées. 

— Elles sont magnifique, dis-je. Hormis les tâches noire, fis-je avant d'allumer la télé.

— Euh, je ne vois pas de tâches ? Y a des tâches ? fit ma mère en regardant les photos plus intensément. 

Je rigolai et lui montrai une tâche derrière eux sur une dizaine de photo. 

— Mais si, là, là et là aussi. 

Elle fronça les sourcils et sourit bizarrement. 

— Kalie, il n'y a rien sur ces photos. 

Je pris les photos dans mes mains et les montraient à mon père. 

— Euh, ta mère à raison Kalie, je ne vois rien...

Ils me regardaient tous les deux d'un air perplexe et alors que je faisais défilé une image après l'autre je me rendis compte d'un détail qui me glaça le sang. La tâche sur les photos se fit de plus en plus net. Ce truc noir n'était pas une tâche... mais une personne. 

Et j'étais la seule à pouvoir la voir. 

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top