XVIII. Entre la vie et la mort

L'excursion était enfin terminée. Je notais dans le journal de bord du conseil les derniers détails avant de refermer le carnet. Mes mains massaient légèrement mes tempes pour me soulager de l'affreux mal de crâne qui m'avait accompagné depuis que je m'étais réveillée.

Je regardai la pendule accrochée au mur qui affichait sept heure et demi, il fallait que j'aille en cours, il fallait que je fasse quelque chose d'important. Non, ce n'était pas parler à Jonathan ni à Lucas, il fallait que j'évite ces deux-là le plus possible. Mon esprit était peut-être ailleurs, mais j'avais remarqué la tension entre eux.

Je ne voulais plus repenser au baiser échangé avec Lucas ni à l'interaction effrayante avec Jonathan. Comment mettre des mots sur ce que j'avais ressenti ? Je l'avais vu mort vivant juste en face de moi et cette voix affreuse... Est-ce que faire ce pacte se résumait à avoir des hallucinations ?

J'avais essayé de m'effacer son visage de ma tête, mais à chaque fois que je fermais les yeux, il apparaissait. Toujours en train de me hanter.

Et pourtant, j'avais ressenti un tel réconfort en étant dans ses bras. Il n'avait rien dit, ne m'avait même pas repoussée après la façon dont je l'avais traité. Cela prouvait à quel point Jonathan était quelqu'un de bon, mais que la vie a été injuste envers lui.

Je rangeais mon sac en même temps que j'ordonnais mes pensées. Une chose à la fois, il fallait que je fasse quelque chose. Après que Leila m'ai expliqué la raison de notre séparation avec Lucas, je m'en suis voulu d'avoir traité Chloé aussi mal. Enfin, la Kalie d'avant s'en voulait. Elle n'était que sa sœur, je ne comprenais même pas pourquoi j'avais réfléchi ainsi.

Enfin... Pourquoi l'autre Kalie avait réfléchi comme ça.

Et ça m'avait aussi ouvert les yeux sur Lucas. Il n'était pas aussi innocent qu'il n'en avait l'air. Je l'avais parié. Mais pourtant, je ne ressentais pas de rage intense. Peut-être que ça arrivera avec le temps ? Si j'arrive à me rappeler des prénoms, j'arriverais peut-être à me souvenirs de mes émotions.

Je sortis enfin de chez moi et quinze minutes plus tard, je me retrouvai devant le portail du lycée. La tête dans les nuages, je réfléchissais encore et encore jusqu'à ce que j'atteigne le bureau du conseil. Tiens, maintenant je faisais le chemin sans m'en rendre compte. Ce bureau m'était inconnu avant.

Sydney et moi n'étions pas vraiment les plus sociables. On aimait être juste entre nous. Et dire que j'avais tout faux sur elle, j'en rigole encore. Elle était plutôt discrète, je la voyais souvent avec Victoria, mais si elle savait seulement tout ce que je connaissais à son sujet.

Mais la Sydney d'avant n'a jamais existé et ça me fait encore tout drôle de dire ça. Parfois j'avais juste l'impression que j'allais me réveiller et que tout cela allait être un rêve.

- T'es toujours aussi matinale, toi, lança Oliver en rentrant dans la salle.

- Bonjour à toi aussi, bien dormi ?

- Tu plaisantes ? Je me suis couché à dix-neuf heures exprès pour rattraper la nuit atroce à l'hôtel, se plaignit-il en s'asseyant juste en face de moi.

Il souffla dans ses mains pour les réchauffer et se recoiffa rapidement avant de sortir tout un tas de documents de son sac.

- C'est quoi tout ça ? dis-je en faisant les gros yeux.

- Ça, commença-t-il en baillant, c'est tout un tas de documents pour préparer la randonnée qu'on a dans quelques semaines. J'avais emprunté le dossier pour voir si tout était en règle.

Je fronçai les sourcils avant qu'il ne reprenne la parole :

- C'était avant ton accident, tu as déjà tout réglé pour la randonnée vu que ça prenait plus de temps que l'excursion, mais il y a quand même deux trois trucs à régler, les membres volontaires peuvent s'en charger.

- Super, approuvai-je.

Il me dévisagea rapidement avant de sourire légèrement.

- T'as pas l'air heureuse d'avoir moins de travail. Avec le tir à l'arc, ton travail au Diner, le conseil ainsi que les cours, je t'aurais cru plus enthousiaste.

- Oui, c'est juste que... j'aime bien reprendre du service, m'occuper.

- Ou oublier tu veux dire ?

Je fronçai les sourcils, le questionnant.

- Kalie, je te connais pas mal, quand tu te surmènes c'est que tu as un truc qui te tracasse.

Très perspicace. Non mais sérieusement, est-ce qu'il y avait quelqu'un qui ne réussissait pas à me lire comme dans un livre ouvert ? C'était si évident que je faisais tout ça pour oublier Jonathan ? Du moment qu'il ne savait pas qui je voulais oublier, ça m'allait.

- Tu serais un très bon psychologue, Oliver.

Il sourit légèrement avant de reprendre son sérieux.

- C'est pas parce que tu ne te souviens pas de tout ce qu'on a vécu ensemble, qu'on est pas amis. C'est fait pour ça non ?

- Etre mon psychologue ? ris-je.

- Garder les souvenirs l'un de l'autre. Tu n'as plus tes souvenirs de moi ou du groupe mais je les aies et Leila les a et Chloé aussi. Si un jour tu te sens perdue, tu n'as qu'à demander et on ouvrira notre coffret à souvenirs. C'est à ça que servent les amis. Te rappeler les moments que toi-même tu oublies.

Jamais personne ne m'avait fait montrer les choses de cette manière. Les souvenirs que j'avais avec Sydney étaient-ils donc que dans ma mémoire ? J'étais son coffre-fort de souvenirs et elle ne le saura jamais.

Je souris à Oliver, découvrant une nouvelle facette de lui. A ce moment précis, je me demandais s'il existait dans ma réalité. Je regrettai vraiment ne pas l'avoir connu plus tôt. La porte de la salle s'ouvrit laissant place à Leila et à Chloé.

- Je vous jure, venir une heure plus tôt pour vous, c'est un signe d'amour, grelotta Leila.

- J'approuve ! renchérit Chloé.

On sourit, Oliver et moi, avant de leur expliquer les projets de la semaine et des semaines à venir. Plusieurs personnes voulaient publier leur article, leur photos et participer à tout un tas de chose, mais la priorité resterait la randonnée, cette fois-ci, tous les lycéens sont invités à s'y rendre.

- Bon, on peut se mettre au travail ! fit Leila.

- Attendez, avant que vous partiez chacun de votre côté, j'aimerais dire quelque chose.

Ils s'arrêtèrent tous, me fixant avec de gros yeux. Sauf Leila avait les sourcils froncés. Je me retournai vers Chloé et la regardai droit dans les yeux.

- Je suis désolée.

Elle ouvrit encore plus les yeux et haussa les sourcils avant de regarder Leila et Oliver à tour de rôle.

- Euh, Kalie, pourquoi tu...

- Leila m'a expliqué tout ce qu'il s'est passé avec Lucas. Et comment je t'avais traité par la suite. J'en suis désolée. Tu ne méritais pas cet acharnement et un petit tout dans un lit d'hôpital, ça change pas mal de chose.

Elle ne savait pas quoi dire, mais son regard était doux et chaleureux, je pouvais même voir qu'elle esquissait un petit sourire.

- Mais pas que ça. Après mon accident, tu m'as aidé sans aucune hésitation. Tu m'as guidé mieux que personne, alors merci et désolée... pour la troisième fois, ris-je.

Elle rit à son tour et Oliver et Leila s'échangèrent un regard fière. La tension qu'il y avait s'était enfin évaporée et Chloé était aux bords des larmes. Je n'avais pas le moindre souvenirs de ce que Kalie 2.0 avait fait, mais c'était moi maintenant. Autre vie ou pas, je devais la rendre meilleure que la précédente, parce que j'en avais eu la chance.

Alors qu'on avait commencé à discuter de tout et de rien, ma tête commençait à tourner, encore et encore. Ma vision devint trouble, je secouai ma tête pour mieux voir.

- OK, ça suffit, Kalie, tu vas dormir à l'infirmerie, t'es épuisée. T'as profité de ton dimanche ? commença Oliver.

- Oui... Vous inquiétez pas, ça va-

- Pas de "mais". Je dirais à la prof de maths que tu es à l'infirmerie, elle t'adore, elle y verra pas d'inconvénients... Veinarde, continua Leila.

- On est trois, Kalie. Tu vas à l'infirmerie, termina Chloé.

Ils croisèrent tous leurs bras en face de moi et me regardait un sourcil levé.

- OK vous avez gagné.

Nulle envie de me battre avec ces têtes de mules. Je me dirigeai donc vers l'infirmerie en baillant tout le long du trajet. J'étais exténuée, mais je n'allais pas m'en plaindre, j'avais voulu cette vie et je continuerai de me le répéter à chaque fois que je me sentirais faible. Aucune hallucinations pourront me faire dévier de ma trajectoire :

Commencer une vie sans Jonathan.

Et malgré quelque piège du destin ou d'une force supérieure, je me comportais plutôt bien. Enfin à ça près.

Enfin arrivée, l'infirmière était contente de me voir, elle aussi avait son opinion sur mon emploi du temps. Je n'avais même pas commencé à travailler au Diner pourtant. Elle me désigna un lit et fermait les rideaux. A peine quelque seconde sur le lit et je me sentais déjà partir dans le monde des rêves.

C'était avant de sentir quelque chose sur mon visage.

Quelque chose qui m'étouffait.

Prenant conscience de la situation, j'essayais de me débattre de toutes mes forces. Sans réfléchir, à la recherche de n'importe quoi, je pris la lampe sur la table de chevet et frappai la personne qui tentait de m'agresser avec. Rien à faire la lampe tomba par terre dans un fracas.

L'air se faisait de plus en plus dur à trouver, j'utilisai les dernières forces dans mes jambes pour me sortir du lit et après plusieurs tentatives, je sentais la pression sur mon visage s'atténuer. Je me débarrassai du coussin me levai et regagnai peu à peu ma vision, mais un poing dans ma figure me fit perdre l'équilibre. Je retombai directement sur les débris de la lampe ce qui m'arracha un cri de douleur. Alors que le verre perçait ma chaire, je voyais au loin une ombre s'en aller.

Quelqu'un avait essayé de me tuer.

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