XV. Le grand départ

Ma tasse entre les mains, je sirotais le café un peu froid en cochant des cases et cela depuis maintenant dix bonnes minutes. Il était sept heures du matin, le car était déjà là et il ne manquait plus que les élèves qui n'allaient pas tarder. L'excursion allait enfin commencer et j'avais besoin de ça pour me changer les idées.

En reposant le stylo sur la table, je fixai le vide me remémorant les souvenirs de la veille. Heureusement que je n'avais pas bu une gorgée de trop, j'aurais eu encore une amnésie et ce n'était vraiment pas le moment. Après ma grossière erreur, Oliver m'avait déposé chez moi beaucoup plus tôt que prévu et était ensuite reparti à la fête. 

Et depuis, j'évitais les messages, j'avais trop peur de leurs réactions. Ils flippaient dès que je mentionnais Lucas, comme s'il s'était passé quelque chose avec la Kalie d'avant. Le truc c'était que même si Lucas avait fait quelque chose d'horrible, ça ne m'affectera pas autant car je n'ai jamais eu de vraie relation avec lui. 

Je secouai la tête chassant mes pensées inutiles et me concentrais à nouveau sur la montagne de papiers à signer. J'étais venue extrêmement tôt pour les derniers préparatifs... et aussi parce que je voulais me changer les idées. Je portai ma main à ma bouche avant de bailler excessivement fort. Le manque de sommeil commençait à se faire ressentir... un tout petit peu.

 Je parcourais les feuilles une par une et les séparais en deux petit tas. Un tas regroupait la liste d'élèves, leurs coordonnées et toutes les infos nécessaires, un autre tas était juste des consignes qu'il fallait distribuer à tout le monde dans le car, et on avait imprimé des emploi du temps supplémentaires pour les têtes en l'air. 

Alors que je finalisais la paperasse, mon téléphone vibra ce qui me fit sursauter. Il faisait super calme dans la salle du conseil, et nuit noir dehors. C'était pas très rassurant. Je saisis le petit appareil et regardai le message affiché à l'écran. Mon cœur se mit à battre rapidement quand je vis le prénom de l'envoyeur. 

Lucas. 

Moi qui essayait d'oublier ce moment gênant, son message n'arrangeait absolument rien. Je fourrai mon téléphone dans la poche de ma veste, ignorant le message. J'y répondrais pus tard. Comment est-ce que j'avais pu l'embrasser ? Et puis ça m'était revenu. Voir Victoria collée à Jonathan, l'embrasser langoureusement devant tout le monde... ça m'avait rendu jalouse. Très jalouse et un peu allumeuse aussi. 

Le pire était qu'il ne m'avait pas repoussé. 

Qu'est-ce que j'ai fait... ?

Je me chuchotai cette phrase intérieurement. Maintenant que la paperasse était finie, mon cerveau se mit en mode automatique pour penser à Jonathan. Je regardai les alentours et m'étonnai de voir le monde qui avait changé. Dans les films, quand les personnages se rendent compte que la magie existe, ils en faisaient tout un plat. Mais quand j'ai fait le marché avec Leiw, ça m'avait paru tellement naturel, comme si j'oubliais petit à petit de tout ce qu'il s'était passé. Plus j'y pense et plus le jour où j'avais échangé de corps avec Jonathan devenait lointain. 

Jonathan Byler. 

Un nom que je n'oublierais jamais. 

Malheureusement. 

Je regardai l'heure de ma montre et décidai de sortir de la salle voyant qu'il était trente-cinq passé. Normalement, la classe devait déjà attendre devant le portail. En sortant dehors, j'entourais mon cou et mon visage de mon écharpe noir et ajustais mes gants. Je détestais l'hiver. Qui avait inventé cette saison ? 

Alors que j'avançais vers les élèves, je pus voir quelques visages familiers, notamment Carla, avec une gueule de bois. Faire sa fête avant l'excursion était pas une bonne idée. J'avançai vers elle, la main à son ventre et l'autre sur sa tête. 

— Carla ? 

Elle m'écoutait à peine, son visage arborait une expression de douleur. Je pris son bras et mis une mini bouteille dans sa main. 

— Bois ça, tu te sentiras mieux. 

Elle me regarda avec un petit sourire avant de boire d'une traite le liquide. J'avais toujours un remède contre la gueule dans mon sac. Soudain, je sentis mon sang ne faire qu'un tour dans mes veines, mon cœur battait rapidement, ma gorge était sèche. 

Jamais je n'avais de remède contre la gueule de bois dans mon sac. Mais la Kalie d'avant oui. Comment est-ce que j'avais adapté les mêmes mécanismes qu'elle ? Qu'est-ce qu'il m'arrivait ? Maintenant, je suffoquai dans mes vêtements. Mais ce cauchemar s'arrêta quand je sentis une main sur mon épaule. 

— Kalie ? 

Mon corps reprit une température normal, comme si rien de tout cela ne venait d'arriver. Je regardai mon interlocuteur, ce n'était autre que Leila.

— Leila, ça va ? 

— Super, mais je t'appelle depuis tout à l'heure, tu m'entendais pas ? 

Je secouai la tête légèrement.

— Attends, je vais t'aider, dit-elle en prenant le paquet de feuilles dans ses mains. 

Elle regarda l'heure sur sa montre avant de rassembler les élèves qui commençaient à s'agglutiner vers le portail. 

— OK tout le monde, le car arrive, merci de vous mettre l'un derrière l'autre, on va tous vous compter ! 

Le brouhaha s'amplifia et les élèves s'exécutèrent. Je me mis à l'écart, enlevai mon écharpe et respirai l'air profondément. Alors que Leila était occupée à compter le nombre de personne, je m'éloignai, ne voulant pas l'alerter. La cause n'était pas l'accident, mais le pacte. J'avais l'impression que les effets secondaires étaient beaucoup plus sérieux que je ne l'aurais voulu. 

En premier Ben, puis Chloé et Leila. Pourquoi des personnes que je ne connaissais pas me semblaient si familier ? Non. Arrête Kalie, tu as voulu cette vie, c'est cette vie que tu auras. Mais même si je refusais de me l'admettre, je savais très bien pourquoi je commençai à avoir peur. 

Si je récupérais les souvenirs de l'autre Kalie, je pourrais très bien en perdre. Mais il y avait une chose dans mes souvenirs que je ne voulais ne surtout pas perdre. Et il ne fallait pas un dessin pour savoir qui c'était. 

Et si j'oubliais Jonathan ? 

Je fermais les yeux un instant histoire de me recentrer moi et ma respiration. Ma main sur mon ventre, j'essayai de me concentrer sur autre chose, n'importe quoi d'autre, comme le petit-frère ou la petite-sœur que j'allais avoir, ou le fait que mes parents étaient heureux. J'ouvris de nouveau les yeux avant de me rediriger vers le bus. Leila avait fini de tous les compter, ils étaient tous présent. 

Oliver et Chloé avaient rejoins Leila à l'entrée du bus et le professeur principale, monsieur Ovel n'allait pas bientôt tarder. 

— Eh, Kalie ! On se demandait ou t'étais. 

— Je passais un appel important. 

— Bon, je sais pas vous, mais je suis pas partant. Il est pas trop tard pour dormir dans les bois, déclara Oliver. 

— Oh t'as peur d'un petit fantôme ? se moqua Leila en imitant les bruits et gestes d'un esprit. 

Si elle savait.

— Oliver à raison, commençai-je. Un esprit ne se nourrit pas de la peur, mais de l'âme de celui ou celle qu'il rencontre. Il analyse les désirs et les secrets les plus profonds, jusqu'à ce que la vérité éclate. C'est encore plus effrayant, vous ne trouvez pas ? 

Un long silence suivi mon petit monologue. Ils avaient tous les trois les yeux écarquillés, la bouche ouverte et Oliver avait définitivement quitté ce monde. Chloé, derrière ses lunettes était complètement perdue et Leila semblait horrifiée. 

— Je m'en vais, rétorqua Oliver qui fit demi-tour. 

Leila l'attrapa par la capuche sans me quitter du regard avant de lui lancer : 

— Reste ici, cervelle de moineau. Kalie veut juste te faire peur. 

— Elle a réussi. Si je meurs, c'est de ta faute miss je-sais-pas-danser. 

Elle le regardait choquée avant de lui frapper l'épaule. 

— Je danse super bien ! Mais en parlant de fête, Carla regrette pas mal sa fête de la veille, et ses copains aussi. 

— Tu m'étonnes, rigola Oliver. Contrairement à d'autres, nous on a profité. Alors que Kalie a du rentrer, tu me dois l'argent pour l'essence. 

Leila lui donna un autre coup d'épaule. 

— T'es vraiment radin, c'est pas possible. Kalie, l'écoute pas, tu peux prendre mon argent, ma nourriture, mon âme si tu veux ! sourit-elle comme une enfant. 

Nous rions en cœur avant que le professeur arriva. Oliver et Leila ne semblait pas avoir quelque chose à dire sur Lucas, peut-être que personne ne nous avait vu ? Le baiser n'avait même pas durer quelques secondes, ça m'étonnerait qu'ils soient au courant. Maintenant que j'y pense, Lucas et Chloé étaient frère et sœur, mais je ne les avais jamais vu aussi distant. Je ne connaissais pas Chloé avant, mais Lucas parlait d'elle en bien. Là, ils avaient l'air de vrais étrangers. 

Dans tous les cas, Lucas ne faisait pas parti de notre classe, ce qui m'enlèvera un poids de mes épaules. Tout ce qui s'est passé à la fête, que ce soit avec Jonathan ou Lucas, je voulais oublier. En parlant de Jonathan, je ne l'avais même pas vu monter dans le car. J'utilisais toutes mes forces pour l'ignorer, mais à un moment donné je devrais bien lui faire face comme la Kalie d'avant. 

Est-ce que ce moment arrivera un jour ? 

En voyant Ovel s'approcher on montait tous dans le car avant de s'installer sur les sièges de devant. Oliver et Leila s'étaient assis ensemble tandis que Chloé s'installa près de la fenêtre. Monsieur Ovel me demanda de distribuer des feuilles supplémentaires pour les élèves avant de commencer son speech. 

Je distribuai les feuilles jusqu'à ce que le moment que je redoutai tant arriva enfin. Jonathan était assis à côté de Justin -ça faisait une éternité que je l'avais pas vu lui- en train de rigoler jusqu'à ce qu'il me vit. Son expression devint dure et quand je lui tendis la feuille, il ne me remercia même pas. Il regardait la feuille comme si c'était la Bible. 

C'était mieux comme ça. 

Le car rouvrit ses portes avant de démarrer et monsieur Ovel prit de nouveau la parole pour accueillir quelqu'un. 

— Ah, vous voila enfin. 

Je distribuai le reste des feuilles aux derniers élèves avant de me retourner et de faire face à l'horreur. 

Oh non. C'est pas possible. 

Lucas ? 

Alors que le bus avait démarré, il s'arrêta brusquement ce qui me fit perdre mon équilibre avant de tomber sur le côté. Tout c'était passé en quelques secondes, mais durant ces secondes, je m'étais retrouvée nez à nez avec Jonathan après avoir  malencontreusement atterrit sur lui. Je ne savais pas si c'était un réflexe, mais il m'avait rattrapé, son bras tenant le mien. 

Assise sur lui de façon extrêmement gênante, je n'arrivais pas à penser à autre chose qu'à son simple toucher qui me fit tressaillir, mais ce qui me perturbait encore plus c'était ses yeux. Il était aussi choqué de notre proximité que je l'étais et ce qui rendait ce moment encore plus gênant, c'était l'arrivée de Lucas. 

Cette excursion allait être géniale. 



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