XLII. Rien que la vérité

Même après avoir pris des calmants et respirer comme il le fallait, je ne pouvais m'empêcher de trembler à l'idée de revoir Jonathan. Après ma petite bagarre avec mon double, non seulement je m'étais remise en question sur pas mal de choses, mais pour la première fois, je me rendais compte de mon erreur. 

Ce qu'avait fait ma mère n'était en rien ma responsabilité, mais quand je voyais Jonathan, la culpabilité remontait, sa haine envers moi me faisait peur. Le divorce de mes parents aurait eu lieu et ma vie serait devenu un chaos. 

Alors quand l'opportunité c'était présentée à moi, je ne pouvais que la saisir. 

Et pourtant, je me trouvais assise au Diner, Ashley me regardant du coin de l'œil en me souriant chaleureusement, tandis que je culpabilisais sur ce que j'avais fait. Oui, je partais d'une bonne intention, mais cette vie semblait tellement plus agréable à vivre. Je me sentais aimée et populaire, ce qui faisait du bien à notre égo. Je me mentirais à moi-même si je n'assumais pas que quitter cette vie semblait beaucoup plus difficile. Mes parents demeuraient heureux, j'allais être grande sœur, tout le monde m'adorait, me respectait, et mes amis...  

Leila, Chloé et Oliver.

Leur nom passait encore et encore dans ma tête. Tous les moments passés avec eux... je regrettai de ne pas avoir eu l'occasion de parler avec Chloé, ou de rigoler avec Leila et de profiter du sarcasme éternel d'Oliver... peut-être même qu'avant la rentrée, je ne serais plus de ce monde. 

Et ça me comprimait le cœur.

Outre la popularité et les fêtes bien arrosées, ne plus les voir, c'était ça qui me faisait le plus de mal. Mais pour Jonathan et le peu de fierté qu'il me restait, rien ne pouvait m'arrêter. Puis, ma promesse tenait toujours pour la vraie Kalie. 

Elle méritait de retrouver sa place. 

Perdue une énième fois dans mes pensées, un raclement de gorge me fit sursauter, mais ma surprise ne dura que quelques secondes en m'apercevant que Jonathan se tenait là. Ses cheveux ébouriffés, ses cernes de trois kilomètres, son teint pâle... il devait être tout aussi paumé que moi dans toute cette histoire, si ce n'est plus. 

A cause de moi. 

Sans plus attendre, il s'assit, le regard vide avant qu'Ashley vienne prendre sa commande. D'un geste de main, il signala qu'il ne voulait rien, quant à moi, je reprenais un troisième café. Ashley me lança un regard dubitatif avant de s'en aller. 

— Comment ça va ? T'as l'air...

— Kalie ? Je n'ai pas accepté ton invitation pour parler de choses futiles. Passons aux choses sérieuses. 

Aie. Son ton froid et glacial me firent plus de mal que prévu, mais je déglutis avant de reprendre mes esprits. Ce n'était pas le moment de faire du sentimentalisme. Après une bonne dizaine de secondes, je lui racontai tout. 

Depuis le début. 

Mon ancienne vie qui n'était autre qu'un univers parallèle, notre échange de corps, ce que l'autre Jonathan avait fait, en passant par sa tromperie. Son teint livide me fit de la peine mais je continuais en lui racontant la vérité sur sa mère et la mienne, sur ce que son père avait fait. 

Incrédule, il leva les yeux au ciel plusieurs fois, mais se rendit compte de la véracité de mes propos quand je lui disais un truc sur sa famille ou sur lui que je n'étais pas censé savoir. En passant par ses syndromes bizarres jusqu'à la soirée du gala, je finis mon monologue avant de siroter mon café, ma gorge soudainement sèche. 

Jonathan soupira d'incrédulité avant de me regarder, le regard rempli d'émotions indescriptibles. Il ne demeurait plus aussi froid, comme si d'un côté il comprenait mes choix, mais d'un autre, j'apercevais cette nuance d'hostilité, comme mon double. 

— Alors... ça explique beaucoup de choses. Bordel, des fantômes ? Un échange de corps ? Je me souviens de tout ça sans l'avoir...

— Vécu ? C'est parce que...

— Je sais, me coupa-t-il, à son tour, parce que le Jonathan de ta réalité est celui qui a tous les souvenirs, et il est en moi à cause de l'échange de corps. 

Il marqua une pause comme pour prendre conscience de ce qu'il venait de dire. Il rit jaune, avant de reporter son attention sur moi. 

— Comment est-ce que tu as pu faire ça ? 

Si je m'attendais à cette question ? Peut-être un peu. Mais le ton sur lequel il me la posait finit de m'achever sur place. Pourquoi j'avais fait ça ? Pour lui ou pour moi ? 

— Je... je suis désolée, je ne sais pas quoi dire Jonathan, si je pouvais j'effacerai tout... Non. C'est ce que je vais faire. L'autre Kalie va essayer de trouver un moyen. Je retournerais dans mon univers et tu ne te souviendras de rien. 

Pendant une seconde, je vis du regret dans ses yeux, comme s'il ne voulait rien oublier. Mais Jonathan n'éprouvait rien pour la Kalie de ce monde. Il reprit ses esprits avant de demander, une voix sèche : 

— Je ne me souviendrais pas de l'adultère de Victoria ? 

J'eus un pincement au cœur à l'entente du ton employé. Cette fois-ci, il était clairement dégoûté. 

— Peut-être que tout se déroulera au camp Harlow, sauf que cette fois-ci...

— Tu ne viendras pas me sauver...

J'inspirais fortement, passant une main nerveuse dans mes cheveux.

— Peut-être que si. N'oublie pas qu'il n'y aura pas de fantômes ou de choses surnaturels maintenant. Peut-être que vous n'irez pas au camp Harlow, tout simplement. 

Il expira fortement, se triturant les doigts, le regard perdu dans le vide. Un silence s'installa entre nous. Nous ne savions plus quoi dire. Est-ce qu'il y avait quelque chose à expliquer encore ? De mon côté, je me noyais dans mon café, honteuse, stressée, déprimée, tandis que Jonathan essayait encore d'assimiler toutes les informations. 

Alors que sa main demeurait étendue sur la table, j'essayais d'approcher la mienne, de ressentir un contact comme la nuit du gala, histoire de le réconforter dans toute cette histoire, mais ce qu'il fit me brisa encore plus le cœur qui semblait déjà pas mal émietté. 

D'un geste sec, il enleva sa main, regardant par la fenêtre, fermant doucement les yeux comme pour ne pas succomber à la tentation de me toucher également. Sa mâchoire serré, ses poings fermés, il arrangea d'un coup de main ses cheveux avant de m'adresser un regard. 

Pas besoin de dire quoique ce soit, j'avais très bien compris le message. Moi qui ne voulait pas qu'il me déteste, c'était raté. 

J'ai tout fichu en l'air.



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