XIX. Esprit vengeur
Les sirènes d'ambulances et de police envahissait la cours de l'école toute entière. Tous les élèves étaient sortis pour voir ce qu'il se passait dehors. Assise à l'arrière de l'ambulance, l'infirmier sur place me pensait mes blessures en enroulant mon bras dans un bandage. Il m'arracha une grimace de douleur quand il serra le tout.
Ma mère et mon père était en train de discuter avec le principal, ils ne comprenaient pas comment la personne a pu s'échapper et où était l'infirmière. Pour la première fois, je les voyais vraiment en colère. Quand j'avais eu mon accident, ils étaient inquiets, mais là c'était un autre niveau. Ma mère devait sans doute être plus stressée par la grossesse et ses hormones étaient décuplées.
Je la voyais lever les yeux au ciel alors qu'elle s'avançait vers moi. Elle replaçait une mèche derrière mon oreille et me regardait les yeux aux bords des larmes.
- Maman, je vais bien, la rassurai-je en lui caressant le bras.
Elle plaça sa main sur la mienne et souffla un bon coup.
- Tu crois que je suis rassurée ? Tu viens tout juste de te rétablir de ton accident et maintenant... qui pourrait faire quelque chose comme ça ? s'indigna-t-elle en replaçant ses cheveux en arrière.
- Aucune idée, mais ils trouveront le coupable. Je veux que tu arrêtes de stresser, c'est pas bien pour le bébé.
En réalité, j'étais pétrifiée, mais ma mère avait beaucoup trop de choses à gérer pour le moment. L'adrénaline était passée et je commençai à avoir peur. Très peur. On voulait me tuer ? Encore un autre problème à rajouter à la liste. Le vase commençait à déborder là.
Des visions, hallucinations, des souvenirs qui n'étaient pas les miens me revenaient, des maux de tête et quelqu'un qui voulait me tuer. J'en avais forcément oublié en cours de route.
- Kalie, je ne suis pas en sucre...
- Tu risques de l'être si tu te préoccupes trop. Et puis papa, dis-je en l'indiquant du menton, il se dispute avec le proviseur pour rien. C'est la faute de personne, juste celle de ce détraqué.
- Tu te souviens de quelque chose ? Un détail particulier ?
- Oui, j'ai tout dit à la police, je voulais dormir à l'infirmerie pour recharger mes batteries. L'infirmière s'absente deux secondes et je sens quelqu'un m'étouffer avec un coussin et ensuite, tu la connais, dis-je en montrant mon bras et en remettant la poche de glace sur ma joue.
- Je l'attraperai et je le tuerais s'il le faut, menaça ma mère.
Je souris avant de baisser la tête.
- Pardon maman.
- Hum ? Comment ça ?
- Tu avais raison pour Chloé. Enfin, je sais pourquoi tu tenais tant à ce qu'elle passe du temps avec moi. Leila m'a expliqué pour Lucas.
Elle leva les yeux au ciel avant d'inspirer longuement.
- Je ne voulais pas te brusquer, mais j'espérais que vous pouviez régler vos différends. C'est sa mère qui m'avait appelé et avant ton accident, tu t'étais un peu confiée à moi.
- Je me suis excusée comme il le fallait. Chloé ne méritait rien de tout ça.
Elle me caressa la tête en me regardant fièrement.
- C'est ma fille, ça, sourit-elle.
Chloé, Leila et Oliver débarquèrent à bout de souffle, visiblement inquiet.
- OK, je vous laisse tous les quatre, dit ma mère en s'éloignant pour rejoindre mon père.
Leila s'appuie sur l'épaule d'Oliver et mit sa main sur son genou. Il fallait vraiment qu'elle court plus souvent elle.
- Ces policiers nous ont posé des tas de questions à ton sujet, j'ai cru qu'ils n'allaient jamais finir, râla-t-elle.
- Les gars, je vais bien, avant que vous ne paniquez.
- Bien ? commença Chloé. Kalie, quelqu'un a essayé de te tuer !
- Chloé à raison, c'est pas à prendre à la légère, Kalie, fit Oliver.
Il s'approcha de moi et posa sa main sur mon épaule :
- Kalie, tu te souviens de ce que je t'ai dit ? Quand tu ne te sens pas forte, tu peux te reposer sur nous.
Je triturai mes mains et baissais les yeux. Il fallait que je sois forte. Il ne fallait pas fléchir, abandonner ou avoir peur. Je ne voulais pas me reposer sur quelqu'un d'autre, les laisser prendre une part de responsabilité. Mais plus les jours passaient et plus mon cœur était lourd. Sans le vouloir une larme coula le long de ma joue avant de s'écraser ma main.
Je sentis plusieurs bras m'enlacer et à ce moment-là, dans ce cercle où je me sentais en sécurité, je pleurais encore et encore. C'était peut-être une punition pour le pacte, une punition pour avoir parler à Jonathan, une punition pour mes erreurs passées. Ça pouvait être tout et n'importe quoi, mais pendant quelques minutes, je me laissais allée.
- Ça va aller, chuchota Leila.
- On est là, poursuivit Chloé.
- On est tous là, Kalie, termina Oliver.
Dans ce monde où je n'avais que des malheurs, où j'étais noyée dans le négatif, je voyais enfin le positif sous mes yeux.
Je les voyais eux.
Après quelques minutes, une voix m'interpellait.
- Mademoiselle Cole ?
Leila, Oliver et Chloé s'écartèrent laissant place à un homme noir, un mètre quatre-vingt et crâne rasé.
- Oui ?
- Je suis l'officier Fisher et voici ma partenaire l'agent Pruce. Nous nous demandions si on pouvait vous poser quelques questions.
- J'ai déjà répondu à tout le monde.
- Ça ne prendra qu'une minute.
J'hochai la tête, en faisant un signe au groupe qu'ils pouvaient s'en aller. Leila me fit signe qu'on s'appellera.
- Mademoiselle Cole, est-ce que vous pouvez reprendre votre histoire du début ?
J'hochai la tête et me préparai à répondre avant de voir des yeux familiers au loin. Il était là. Pendant un moment, on se fixait l'un et l'autre sans dire quoique ce soit. Mais je pouvais lire de l'inquiétude dans son regard. A la minute où j'avais compris ce qu'il s'était passé, je n'avais qu'une envie c'était de le voir, de me jeter dans ses bras. Je voulais qu'il me rassure comme il l'avait fait à l'hôtel.
Et puis comme une pierre qui cassait une vitre parfaite, Victoria avait apparu derrière lui et lui prit la main. Il tourna le visage un instant et la prit dans ses bras. Je fermai les yeux, ignorant les pleurs de mon cœur qui s'était encore brisé.
- Mademoiselle Cole ?
- Oui, désolée.
Je leur expliquai toute l'histoire en évitant de regarder dans la direction opposée. Merci Victoria, je venais de retomber sur Terre.
***
- Hors de question, je ne pars pas sans toi Kalie.
- Maman, tu sais très bien que j'ai cours et aller avec papa te ferais du bien, vous ferais du bien.
- Kalie, tu as peut-être oublié que tu as été agressé dans ton propre lycée et tu veux que je te laisse à la maison pendant une semaine ? Ma belle-famille peut bien se passer de nous encore quelque temps.
- Papa, aide-moi.
Pendant une heure j'essayais d'encourager ma mère de partir pendant une semaine voir les parents de mon père, c'était censé être leurs vacances. Je n'allais pas laisser le destin briser leurs projets. Et autre chose m'inquiétai, la personne qui m'a attaqué pouvait très bien s'en prendre à mes parents et ma mère n'avait pas besoin de recevoir autant de stresse.
- Kalie, je suis d'accord avec ta mère, je ne suis pas serein à te laisser seule à la maison.
Mais d'un côté, ils avaient raison, qui pouvait laisser son enfant seul, peu importe son âge, quand quelqu'un avait tenté de le tuer ? J'avais un plan B, mais il allait être un peu risqué.
- Chloé peut m'héberger... Leila vit à cinq et Oliver vit dans un appartement tout petit, mais je peux rester chez Chloé.
Mon père ouvrit grand les yeux.
- Et vivre avec Lucas Ridgewood ? Hors de question.
- Papa, moi et Lucas c'est du passé. Vous passez vos vacances et moi je file directement chez Chloé après les cours et ma journée de travail. Sa mère pourra me déposer à l'école ou j'irais avec Chloé. Ce qui compte c'est ma sécurité, pas mon ex.
Ma mère sembla réfléchir, elle regardait mon père, perplexe. Au moins, il ne refusait pas. Le plus écarté je les tenais de moi, le mieux je pourrais régler tous les problèmes qu'ils se produisaient dans ma vie.
- Maman, c'est toi qui m'a dit que je devais me rapprocher de Chloé, ça serait l'occasion parfaite et au moindre soucis, on vous appel. On s'appellera tous les soirs s'il le faut. Vous n'allez pas en Europe non plus.
Elle se massa les tempes avant de regarder mon père qui était tout aussi perplexe. Elle leva finalement les yeux au ciel et dit à contre-cœur :
- Je vais voir avec la mère de Chloé, souffla-t-elle.
Je partis lui faire un câlin avant qu'elle ne rajoute :
- Tu rates un seul appel, on revient tout de suite, et arrête de mettre ton téléphone en silencieux.
J'hochai la tête frénétiquement et me préparai mentalement à passer une semaine chez Lucas. Je n'y allai pas pour lui dans tous les cas, mais pour soulager mes parents. Mais comme l'avait dit Oliver, il ne fallait pas que je fasse semblant. J'étais morte de trouille, mais ça c'était une autre histoire.
J'avais échangé mon corps avec quelqu'un et changer le cours de l'Univers en passant un pacte avec un fantôme, donc si quelqu'un voulait vraiment me tuer, qu'il essaye. Mais hors de question de toucher à ma famille.
Ma mère était partie passer son coup de fil quand mon père m'interpella.
- Kalie ? Tu es sûre que tout va bien, mise à part ce qu'il s'est passé aujourd'hui ?
- Oui, papa. Tout va bien, dis-je en m'asseyant près de lui. C'est juste que toi et maman avez pas besoin de tout ce stress et puis, je ne risquerais rien avec Chloé, sa maison est aussi sûre que la nôtre.
- Je sais, sourit-il, mais même si tu arrives à convaincre ta mère, tu ne m'auras pas si facilement. Kalie, tu ne sembles pas réagir... normalement à tout ça. Et puis, la façon dont tu as parlé à Jonathan l'autre jour...
- Papa, qu'est-ce que le voisin vient faire au milieu de cette conversation, demandai-je en fronçant les sourcils.
- Ce que je veux dire, reprit-il doucement, c'est que tu n'agis plus comme toi-même. Tu te surmènes à l'école juste après ton accident, tu passes des heures au conseil des élèves, tu fais du sport à la maison et au lycée, tu manges à peine et par-dessus tout ça, tu prends un job étudiant à côté. Je m'inquiète juste pour toi, fini-t-il la gorge serré.
- Papa...
- Ce n'est pas parce qu'on a un autre enfant qu'on te délaissera, Kalie. Tu resteras notre fille et ménager ta mère ne veut pas dire lui cacher des choses, ni à elle ni à moi. Tu pourras toujours compter sur nous.
Je baissais les yeux, me rappelant de la dernière conversation que j'avais eu avec mon père dans mon ancienne vie. Jamais il ne m'avait dit des mots pareils, jamais je ne l'avais vu aussi complice avec ma mère ou moi. Avant je ne l'avais qu'au téléphone, sans vraiment parler. Maintenant je savais pourquoi il coupait court aux discussions.
Ma mère débarqua dans le salon le téléphone en main, un sourire forcé sur le visage :
- La mère de Chloé a accepté, tu peux y aller ce soir, on te déposera et on ira à l'aéroport ensuite.
Je souris et lui fis un câlin avant de monter en haut et de faire ma valise. Une boule se formait dans mon ventre. J'allais revoir Chloé certes et me sentirais en sécurité, mais Lucas ne sera pas très loin et ça...
Ça rend le séjour plus compliqué.
***
- Si tu as besoin de quoique ce soit, tu n'hésites pas Kalie, d'accord ? répétai pour la troisième fois, Dorothée, la mère de Chloé.
- Merci madame...
- Pas de ça entre nous, appel-moi Dorothée ! sourit-elle avant de me laisser seule dans ma nouvelle chambre.
Je balayai la pièce du regard en me rendant compte qu'elle était beaucoup plus petite que la mienne. C'était une chambre d'amis, j'allais m'en contenter. Je déposais mes affaires sur le bureau et commençai à faire le tri. Maintenant que mes parents étaient loin, je pouvais... je pouvais faire quoi au juste ?
Je n'allais me transformer en agent du FBI et rechercher qui voulait ma mort. Et si la Kalie d'avant était beaucoup plus horrible que moi ? Et si Chloé n'était pas la seule à m'en vouloir ? Pourquoi elle ne gardait aucun journal cette Kalie 2.0 ? Recenser tous les événements de sa vie pour savoir qu'est-ce qu'elle fabriquait.
Comment est-ce que j'avais rencontré le groupe, comment est-ce que j'avais connu Lucas, est-ce que c'était pareil que dans mon ancienne vie ? Toutes ces petites questions montraient que jamais je ne me sentirais à ma place, il fallait prétendre.
J'entendis un bruit sur ma porte qui m'extirpa de mes pensées. En faisant volte-face, mon regard rencontra les yeux clairs de Lucas dans l'embrasure de la porte. Il me jaugeait de haut en bas avant de s'approcher vers moi.
- Le déménagement se passe bien ? dit-il en regardant les affaires que j'avais déposé sur le bureau.
- Plutôt bien, soupirai-je. Je reste qu'une semaine, ne t'habitue pas à ma présence, souris-je.
Il rit doucement.
- C'est dur ça...
On se regardait mutuellement pendant quelques secondes avant que je ne détourne le regard. J'inspirai profondément avant de m'asseoir sur le lit. Il tendit ses bras en arrière et posa ses mains sur le bureau puis me fit face et me regardait toujours avec inquiétude ? Pitié ? Je ne voulais pas l'analyser ou me battre avec lui ou lui dire ce que Leila m'avait dit. Pour l'instant je voulais juste me reposer.
- Kalie, est-ce que ça va ?
Je pouffai légèrement.
- Si quelqu'un me pose encore cette question, je pète un câble, dis-je en prenant ma tête entre mes mains.
- Kalie, si on te demande ça c'est qu'on s'inquiète pour toi. Je m'inquiète pour toi. Pour quelqu'un qui a failli se faire tuer, tu...
- Réagis pas normalement ? Prends la chose trop à la légère ? Je connais la musique, Lucas.
- Tu fais semblant.
Je levai les yeux vers lui tandis qu'il s'assit à côté de moi.
- Tu fais semblant que tout aille bien alors qu'en réalité, tu as envie de crier, pleurer, même frapper quelqu'un.
Je ris doucement à sa remarque.
- Tu es tellement plus forte que la Kalie que je connaissais. Tu as du prendre sur toi pour venir vivre ici alors que j'étais là. T'es revenue en force après ton accident de voiture, tu te donnes tellement au quotidien qu'à la fin tu oublies que tu es toi-même humaine.
La tension qui s'était installée était revenue, il n'était qu'à quelques centimètres de mon visage. Mon regard parcouru son visage rapidement avant de rencontrer à nouveau ses yeux gris qui m'appelaient. Il continuait à s'approcher encore et encore et alors que j'étais partie pour faire une autre erreur, quelqu'un frappa à la porte d'entrée.
Sauvée de justesse, je dévalisai au plus vite les escaliers voulant me sortir de cette situation. Alors que Dorothée m'avait devancé, la porte s'ouvrit sur les deux agents à qui j'avais parlé plus tôt dans la journée.
- Madame Ridgewood, mademoiselle Cole, nous devons parler à Kalie quelques instants.
- Un problème ? fit Lucas derrière moi.
- Il semblerait oui. Est-ce que nous pouvons rentrer ?
- Oui, bien sûr ! fit Dorothée en s'écartant du chemin.
Les policiers avançaient vers le salon avant de sortir d'une mallette un ordinateur portable. Le ventre noué, je me demandais bien ce qu'ils pouvaient faire ici à cette heure. Est-ce qu'ils avaient déjà attrapé le coupable ?
- Si nous sommes ici, c'est que nous avons quelque chose à te montrer Kalie. Assieds-toi, fit l'officier Fisher.
Il alluma l'ordinateur et le tourna vers moi. L'agent Pruce était assise à côté de moi, pendant que son partenaire restait debout. L'écran affichait un endroit familier et une fois les points reliés, je me rendis compte que c'était la caméra de surveillance qui filmait l'infirmerie.
- On a réussi à trouver la séquence où aurait eu lieu ton agression et voilà ce qu'on a recueilli.
Je m'attendais à une grande révélation, une ombre passer, mais rien. La séquence montrait juste l'infirmière venir en courant quelques secondes après. Et là, tout se reconnectait dans ma mémoire. J'avais vu la personne se diriger vers la sortie de l'infirmerie. J'en étais certaine.
- C'est impossible...
- Mademoiselle Cole, comme vous pouvez le voir, la personne qui vous a agressé n'est sur aucune caméra de surveillance.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top