XI. Oublier
Une respiration saccadée, des jambes engourdis et un corps en ébullition, tel était mon état. Le tapis de course montrait que je courais depuis environ une heure sans arrêt. Depuis le petit incident d'il y a quelques semaines, j'avais décidé que mon corps nécessitait une activité physique. Ma mère refusait catégoriquement de me laisser courir dehors depuis l'accident, alors on avait négocié ce tapis de course. Je passais la plupart de mon temps dans cette salle de sport aménagée par mon père. Tout y était; du matériel de musculation, des appareils de cardio, tout était mit à ma disposition.
Cela faisait quelques semaines depuis l'accident, le mois de février allait bientôt commencer, le temps se faisait de plus en plus frais, même si la température de l'extérieur contrastait énormément avec celle de mon corps en ce moment. Et bien sûr, l'incident avec Jonathan n'a pas échappé à mes parents. Après ce dîner désastreux, mes parents ont présenté leur plus plates excuses à Jonathan, mais ça ne leur avait pas empêché de me gronder comme une gamine. Finalement, ils l'ont mis sur le compte de l'accident et de toute la pression. Revoir un camarade du lycée a dû me rappeler trop de responsabilités.
Ils commençaient à soupçonné quelque chose entre Jonathan et moi, mais ce dernier a démenti toute suspicion, ce qui les a soulagés. La raison de cette colère si soudaine restait encore un mystère pour eux. Ils avaient beau essayé de trouver des excuses, aucune ne faisait du sens à leurs yeux, mais ça ils se retiendront de me le dire.
Les écouteurs enfoncés dans mes oreilles, je me concentrai sur la musique et ma respiration. Par moment, il m'arrivait de revoir le visage dépité de Jonathan. Néanmoins, depuis quelque temps, je supportai de plus en plus de le voir. Certes, je ne vais pas taper la discuter avec lui, mais mon cœur ne tambourinait plus dans ma poitrine à une allure folle quand je le voyais. Le fait qu'il ne me dise même plus bonjour aidait énormément. La douleur restait enfermée dans une partie de mon cerveau que je décidai de mettre sous serrure.
Plus il vivait sans me côtoyer, mieux ça sera.
Les activités de l'école m'aidaient énormément à focaliser mon attention sur autre chose. Hier, j'avais revu tous les projets préparés pour le lycée à savoir; sorties, festival annuelle, bal de fin d'année, etc. La liste des bénévoles étaient, comme les autres l'avaient dit, très longue. Mes yeux avaient buté sur un prénom en particulier : Lucas Ridgewood. Il faisait parti de cette fameuse liste et donc ça lui arrivait de débarquer à l'improviste comme la dernière fois.
En y repensant, tout le groupe possédait une attitude étrange. Le visage triste de Leila, dur d'Oliver et inquiet de Chloé m'avait un peu étonné. Même beaucoup. Toute cette tension avait été créée par Lucas lui-même. Une autre résolution de nouvelle vie que je m'étais fixée fut d'arrêter de faire une fixette sur des choses futiles. Le temps viendra quand le cas Lucas aura du sens, pour l'instant, je ne cherchai pas de réponse particulière.
— Kalie ?
La voix de ma mère m'interrompit dans mes pensées. Je tournai la tête à droite et je pus la voir se tenir, l'épaule adossée sur l'embrasure de la porte. Son regard qui d'habitude était pétillant semblait rempli d'inquiétude. Ses sourcils froncés la trahissaient.
Elle s'approcha de la machine et l'arrêta, sous mon regard ébahi.
— Qu'est-ce que tu fais ?
— Ça fait une heure et demi que tu cours, regardes-toi !
Je n'avais pas besoin de me regarder dans la glace pour savoir à quoi je ressemblai. Tout mon corps était imprégné de ma sueur, mes cheveux gouttait, ma peau était brûlante, mes jambes ne tenaient presque plus debout. J'aurais quand même pu continuer pendant quelques minutes encore. Il fallait qu'elle gâche tout.
— Je...vais... bien, dis-je le souffle entrecoupé.
— Il est cinq heures du matin, soupira-t-elle. Et tu as cours dans quatre heures. Est-ce que je peux savoir ce qu'il se passe ? dit-elle en se dirigeant vers mon armoire pour en sortir une serviette.
Je la saisis, la portai à mon cou et mon visage pour essuyer toute la transpiration.
— J'avais besoin de mouvement.
Je descendis de la machine, enlevai mes chaussures et me dirigeai à mon tour vers mon placard pour prendre des vêtements propres.
— Kalie...
Je ne l'écoutai qu'à moitié. Elle allait encore ramener le sujet de la dernière fois sur la table. Elle arrangea son peignoir, les sourcils légèrement froncés.
— Je me fais du souci pour toi, tu te surmènes trop.
Je gloussai légèrement arrangeant la pile de vêtements dans mes bras.
— Je vais bien.
Je sortais de la chambre pour gagner la salle de bains. Une bonne douche, un bon petit-déjeuner et c'était reparti pour une journée de cours. Bizarrement, je me sentais plus sereine. Le lycée me faisait moins peur et je m'étais créé un petit tableau pour retenir le nom de tout le monde. Je connaissais pas mal d'élèves en vrai et puis leur nom apparaissait dans ma tête à chaque fois. Pour la première fois, c'était le cœur léger que je commençai une nouvelle journée.
***
— Tu n'aimes pas le projet, Kalie ?
Mes bras croisés, mon pouce sur mes lèvres, je réfléchissais à leur proposition, mais il y avait plusieurs choses qui ne collait pas.
— Si, le projet est génial. Mais il faudrait décaler toutes les dates. Regardez, dis-je, en sortant une carte de la ville, si vous voulez faire une excursion dans cette forêt à cette période de l'année, ça sera dur.
— Moi et Leila avons confirmé les alentours, il n'y aucun risque, interrompit Oliver.
— T'es sûr ? souris-je, alors qu'il semblait déstabilisé. Je me disais que quelque chose clochait quand j'ai lu les dates, alors j'ai fait des recherches et comme prévu, ces dates ne sont pas adaptées tout simplement parce-qu'à ce moment, cette forêt grouille de chasseurs en tout genre. Les professeurs n'accepteront jamais de mettre des élèves dans un danger pareil.
Oliver sembla réfléchir.
— Mais sans cette sortie en forêt, on manquerait d'activité. Surtout que les professeurs ont été très clairs. Pas de sorties d'amusements uniquement en plein milieu de l'année, surtout quand les examens arrivent bientôt, ils veulent que nos excursions aient des porté éducatives. Cette forêt abritait un certain patrimoine historique. Maudits chasseurs.
Je souris.
— C'est pour ça qu'une sortie au musée serait parfait, non ?
— Au musée ? questionna Leila.
Je hochai la tête.
— Oui, mais une sortie au musée ne couvrirait pas les deux jours et une nuit prévu pour l'excursion en forêt, renchérit Chloé.
— Et bien, si. Si on fait le tour des cinq musées de la ville, en s'arrêtant ici, dis-je, en pointant du doigt un point sur la carte.
Ils se penchèrent pour regarder l'endroit en question.
— Kalie, t'es complètement dingue ! s'exclama Oliver.
Un sourire prit place sur mes lèvres.
— Oliver a raison, Kalie. Faire les cinq musées, d'accord, mais cet hôtel... C'est pire que la partie de chasse !
— Ne me dites pas que quelques rumeurs paranormales vous font peur ? Ce n'est que des légendes, cet hôtel renferme un patrimoine historique très important ! ajoutai-je.
— Kalie a raison, approuva Chloé, cet hôtel est souvent libre en plus, il pourra facilement accueillir une classe de trente personnes.
— C'est justement parce qu'il est hanté qu'il n'y a personne, marmonna Oliver.
Un silence s'installa avant que Leila prenne la parole.
— J'y vais à une condition.
Elle s'approcha de moi en me tenant le bras comme une petite fille.
— Je partage une chambre avec toi, me sourit-elle.
— Je rêve... soupira Oliver.
Nous rions toutes les trois en fixant du regard le petit brun.
— Quoi ? Je... Hors de...
Il soupira.
— Ce n'est qu'une nuit après tout...
— Parfait ! souris-je. Je vais aller montrer le projet aux professeurs.
— On se retrouve où ? A la cafétéria?
Je hochai la tête avant de sortir de la pièce, le projet entre mes mains, un sourire aux lèvres. Qui aurait cru qu'être présidente du conseil des élèves serait si amusant ? Je me sentais beaucoup mieux depuis quelques jours et ça faisait longtemps que je ne m'étais pas sentis aussi bien. L'air extérieur semblait de plus en plus frais de jour en jour. Emmitouflée dans mon manteau en faux daim, je sentis mon corps se réchauffer. Le projet coincé entre mon aisselle, je me réchauffai les mains en avançant vers la salle des professeurs. En tournant à gauche, je percutai quelqu'un ce qui fit tomber les feuilles du projet.
— Désolé !
La voix de mon interlocuteur me paraissait familière et en effet, en levant mes yeux vers ce dernier, je pus voir ses yeux gris me fixer.
— Lucas ! m'exclamai-je.
Il m'aida à ramasser les feuilles et à les replacer en ordre.
— Merci, murmurai-je.
— Comment ça va, toi ? Tu reprends déjà du service ?
Je souris face à son ton taquin.
— Oui, ça m'aide a penser à autre chose.
J'avais dit ça sans réfléchir. Il fronça les sourcils.
— Tu as des choses que tu veux oublier ?
Il sourit laissant apparaître des dents étincelantes et des fossettes adorables. Je n'en revenais toujours pas, Lucas avait vraiment changé. Sa simple tenue laissait voir son corps impeccablement sculpté. Ses muscles saillants se dessinaient sous ses vêtements. En repensant à mes moments passés avec lui, j'eus un pincement au cœur. Le revoir me fit tout drôle. Je répondis à sa question laissée en suspend.
— Non, je parlais de l'accident, rigolai-je.
Il hocha la tête et leva un sourcil.
— Tu as toujours ton...
— Problème de mémoire, oui, mais ça va mieux. J'arrive à me souvenir de plusieurs choses.
Il déglutit.
— Je vois, c'est super. Est-ce que...
Il hésita, se racla la gorge avant de reprendre.
— Est-ce que je peux espérer te revoir... en dehors des cours ? dit-il, un sourire en coin.
Je levai un sourcil, inspirai fortement et repensai soudainement à Jonathan. Je fermai les yeux un bref instant avant de les rouvrir.
— Bien sûr, souris-je. Je serai vraiment heureuse, Lucas.
Après ça, il sourit avant de s'assurer que le dossier était bien complet. Je le rassurai en lui disant que tout était bon, puis repris la marche. Mon téléphone émit un son, je le saisis de ma poche, puis lu le message affiché. Il provenait de Clara qui me rappelait la date de sa fête. En réalité, ça pouvait être sympa. Sur le chemin, je continuai de me réchauffer en me disant que le chemin était interminable. Arrivée près de mon casier, je me stoppai net.
De toutes les personnes, je devais tomber sur lui. Je levai les yeux au ciel en me disant que l'Univers s'acharnait contre moi. Il me vit arriver vers lui et leva la tête. Son regard changea drastiquement en me voyant et je pus le voir contracter sa mâchoire avant de claquer la porte de son casier. Arrivé à ma hauteur, il me lança un regard noir avant de me dépasser.
Je portai une main à mon cœur en frappant cette zone à plusieurs reprises. C'était mieux comme ça. Je tournai la tête à ma droite, quelque chose capta mon attention sur le mur. Une affiche.
Venez rejoindre le club de tir à l'arc avant la date indiquée.
J'arrachai une des nombreuses affiches du même sport avant de la fourrer dans mon sac.
Ça me changera les idées.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top