VIII. Cœur brisé
Jonathan se tenait debout devant moi et surtout avec un sourire scotché sur les lèvres. Pour la première fois, je le voyais sourire pour de vrai. Pas un sourire en coin, pas un sourire faux, un vrai, un qui rayonnait. Tout autour de moi, c'était arrêté pour ne laisser place qu'à lui. Mes pensées s'entrechoquèrent, s'emmêlèrent, plus rien ne répondait.
Mon cœur tambourinait dans ma poitrine à une allure incontrôlable et je sentis le rouge me monter aux joues. La chaleur qui emprisonnait mon corps m'empêcha de penser ou même de prononcer un traître mot. C'était l'effet que Jonathan me faisait. A peine trois mots et mes jambes voulaient se dérober. Honnêtement, je voulais savoir quelle force me tenait encore debout, si ça ne tenait qu'à moi, j'aurais déjà flanché.
Il fallait reprendre un semblant de contrôle, si je restais figée à le fixer, il allait me trouver encore plus bizarre que d'habitude. Qu'est-ce que je raconte ?
Il ne se souvient plus de moi.
La véracité de mes propos intérieurs rongeait petit à petit mon cœur qui ne pouvait plus supporter la vue de cet être qui se dressait sous mes yeux. Ses cheveux châtains soyeux, ses yeux marron, sa mâchoire tranchante, tout chez lui était parfait et m'attirait. Et malheureusement, Jonathan m'était désormais interdit.
— Kalie ? demanda-t-il, l'inquiétude résonnant dans sa voix.
Il me fallut quelques secondes pour me réveiller de cet engrenage qu'était mon cerveau. Le problème qui m'empêchait de lui parler était le pacte que j'avais conclu :
Si jamais j'engage une conversation avec lui, vous prendrez mon âme et tout redeviendra comme avant.
Les mots de cette promesse résonnaient en moi comme un écho sans fin. Plus je le regardai et plus la peur grandissait. M'en aller était la seule chose que je désirai, mais mon corps ne répondait plus. Mes membres ne m'obéirent plus et si je ne possédai pas un minimum de self-Control, je lui aurais déjà sauté au cou.
Alors que j'essayais de rassembler mon courage à deux mains pour formuler une réponse, une personne derrière Jonathan fit son apparition.
— Jonathan !
Il se retourna et son visage s'illumina à la vue de Victoria. Sa petite-amie. Elle rayonnait elle aussi avec ses cheveux bouclés, ses yeux pétillants et sa peau rosé. Une vraie beauté naturelle. Sans crier gare, elle posa ses lèvres sur celles de Jonathan qui lui rendit son baiser avec passion.
Le cœur au bord des lèvres, j'ai cru que j'allais m'évanouir. Pour la première fois, je savais ce qu'avoir mal au cœur voulait réellement dire. Ce dernier détail m'acheva complètement et me remit les pieds sur terre. Jonathan ne sera jamais à moi, mais à elle. Une main sur mon casier, une autre sur mon ventre, je sentis de puissantes remontée acides se produire dans mon estomac.
Elle s'écarte de lui pour me saluer, mais c'était trop tard. Son regard inquiet posé sur moi, elle s'approcha en me demandant si j'allais bien. Jonathan, le regard sévère se demandait la même chose. Les voir tous les deux en train de me fixer me mettait mal à l'aise, nerveuse, en colère, triste et brisée. Toute une palette d'émotions virevolta en moi à ce moment précis.
— Kalie, tu devrais aller à l'infirmerie, tu es tout pâle ! me pressa Victoria.
Assez... Assez !
Sans prévenir, je me retournai puis couru vers la direction opposée. Je savais toujours où se trouvait les toilettes, et pour le moment, c'était le seul endroit qui me ferait du bien. A l'instant où je pénétrais dans une des cabines, je dégobillai tout mon repas de ce matin et une fois terminée, je m'assis sur la cuvette couverte de sueur froide. J'enlevai mon bonnet, mon écharpe, ma veste et les posai à terre.
Je m'attachai les cheveux dans l'espoir que cela m'aide à respirer un peu mieux, car là tout de suite, mes poumons peinaient à accepter l'air qui s'offrait dans l'atmosphère comme si il n'y en avait plus du tout. Je ne m'en rendais compte que maintenant, mais mes membres tremblaient et j'avais, à nouveau, froid.
Un son strident retentit dans tous les couloirs. Il fallait retourner en cours. En puisant dans mes dernières forces, je me rhabillais, balançai mon sac sur le dos, puis sortis de la cabine. Les couloirs étaient déjà vides et je me rendis compte que j'avais oublié un truc d'important : le numéro de la salle dans laquelle j'étais. Je ne savais même pas quel cours, j'avais en ce moment.
Dans ma vie précédente, j'étais avec Jonathan en anglais. Mais quand je vois tous ces changements, ça m'étonnerai d'avoir toujours les mêmes cours. J'espérais surtout ne pas me trouver dans la même pièce que lui.
Alors que mes poumons retrouvèrent leur fonction initiale, je pris quelques secondes avant de réfléchir à quoi que ce soit. Chaque rencontre avec lui ne pouvait pas se passer comme ça. Je me torturai pour rien. Le voir heureux et en bonne santé était tout ce que je désirai, je n'oserai jamais demander plus. Je ne méritai pas plus.
Je me remis en route pour trouver mon chemin, puis je me rappelai du dossier que Chloé m'avait donné. Elle a d'ailleurs dû m'oublier. Je le sortis puis cherchai parmi les feuilles, celle qui correspondait à mon calendrier. Impossible à le trouver !
Qu'est-ce que je fais maintenant ? Je me frottai les yeux, j'avais à peine dormi et le sommeil me réclamait plus que d'habitude. Quand je les rouvris, je sentis que je n'étais pas seule. Pour m'en assurer, je détournai le regard vers ma gauche et j'avais raison.
Mon cœur loupa un battement avant de se serrer. Mes mains formaient désormais des poings. J'essayais de me canaliser au mieux, de me contrôler. Jonathan se tenait là, devant moi, pour la deuxième fois dans cette matinée.
— On se doutait que tu serais encore là. La professeur m'a demandé de venir te chercher. On y va ?
Sa voix était douce comme s'il avait peur de me brusquer.
Je lui emboîtai le pas, un peu trop vite d'ailleurs, puisque je faillis le percuter. Il sourit, un sourire qui provoquait une fissure en plus dans mon cœur. Pendant le court trajet, il resta silencieux, et intérieurement, je le remerciai. Son timbre de voix faisait remonter à la surface des souvenirs trop douloureux et des désirs impossibles à assouvir. Mais son silence ne pouvait pas être éternel, il prit la parole pour détendre l'atmosphère tendue qui se créait.
— Tu es sûre que ça va ?
Il semblait vraiment préoccupé par mon comportement de tout à l'heure, et je pouvais le comprendre. Quelle excuse pouvais-je bien inventer ? Je décidai juste de répondre à sa question par un hochement de tête. La peur me consumait. Si j'ouvrais la bouche maintenant, j'avais peur que tout disparaisse.
— Tu nous as fait peur à Victoria et moi. Toute l'école attendait impatiemment ton retour, mais si tu te sens toujours mal, tu aurais dû te reposer.
Il acheva sa phrase par un sourire bienveillant. Je détournai le regard au maximum, essayant de calmer mon cœur qui s'affolait. La boule dans mon ventre me tordait l'estomac et j'avais toujours aussi chaud. Je marmonnai des excuses inaudibles et priai pour que ce ne soit pas compté comme une conversation.
Les sourcils froncés, il commençait à trouver mon attitude un peu bizarre. Même très. Je pense que je bats le record de la fille la plus tendue au monde. J'avais quand même fait un petit saut dans le temps et effacé la mémoire de toute une famille. A présent, je me retrouve dans une autre vie.
Enfin arrivés, la professeur de français (qui n'avait pas changé dieu merci) sourit en me voyant.
— Kalie ! Bon retour. Merci, Jonathan, finit-elle.
— Comme vous le savez, reprit-elle, Kalie a été victime d'un malheureux accident à cause d'un conducteur imprudent et immature. Dieu merci, Kalie est ici et en bonne santé. Je vous demanderai de l'aider un maximum pour qu'elle se sente comme avant.
Je m'attendais à des élèves qui allaient pouffer de rire, ou qui étaient obnubilés par leur téléphone, mais à ma grande surprise, ils arboraient des expressions attendrissante et écoutaient tous avec attention. Ce que Carla m'a dit me revint en mémoire. Depuis quand ma présence était appréciée de tous ?
Alors que la professeur me désignait ma place, je vis que j'étais placée loin de Jonathan et remerciai encore une fois le ciel. A l'instant où mes fesses se posèrent sur le siège, la porte de la classe s'ouvrit pour laisser place à une fille.
Quelques secondes me suffirent pour me rendre compte de qui c'était.
— Sydney, encore en retard.
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