VI. Anna

— Tu as reconnu Ben ? 

— Apparemment...

Ces mots étaient sortis tout seul de ma bouche. J'en étais encore sous le choc. Ce garçon, je ne l'avais jamais vu ni même croisé, mais pourtant je me souvenais de son prénom, de son sourire même de sa façon de parler. Je pouvais parier qu'on avait fait un camping ensemble avec sa famille et la mienne. 

Un amas d'informations le concernant s'accumulaient dans ma tête, comme si j'avais vraiment vécu tous les moments passé ensemble. Pourtant, la Kalie d'avant n'était pas moi... 

Et si c'était le cas ? 

Et si, tout doucement, je devenais la Kalie d'avant ? Enfin, de cette vie. 

Moi qui voulais que ma vie soit plus simple, l'impression qu'elle devenait plus lourde se faisait ressentir. Il y avait trop de choses à encaisser d'un coup. Ma mère attendait une réponse un peu plus convaincante que celle que je lui avais fourni. 

— On... on était en camping avec eux non ? 

Elle soupira de soulagement. 

— Oui ! C'est ça ! Je dois appeler le Docteur Rodriguez et lui dire cette excellente nouvelle. 

— Maman, c'est pas... 

Elle était déjà partie à l'étage pour lui téléphoner. N'y réfléchie pas pour le moment, Kalie. Mais, ignorer mes questions ne les fera pas disparaître pour autant. 

Pour le moment, j'essayais tout de même de chasser toutes ces pensées. Mon cerveau était beaucoup trop faible pour réfléchir à quoi que ce soit. Je devrais me réjouir après tout, je me souvenais de cette vie, ça pourrait peut-être m'aider. 

Un bruit retentit dans la pièce. Quelqu'un avait sonné à la porte. Etant donné que ma mère devait être occupée à parler avec le Docteur Rodriguez, je décidai d'aller ouvrir. Après quelques jours, j'arrivais enfin à mettre un pied devant l'autre sans trembler. C'était quand même à deux à l'heure que je me dirigeai vers la porte d'entrée. La sonnette retentit encore. 

— J'arrive... soufflai-je. 

Après avoir croisé ses yeux verts, je sentis mes jambes défaillirent. Même si je refusais d'y croire, Anna, la mère de Jonathan était bien sur le pas de ma porte, tout sourire, avec un panier garni. Elle n'avait absolument pas changé. Fidèle à ses talons de sept centimètres, elle avait des jambes élancées, accompagné d'un corps doté de courbes délicates. Pour mettre ces dernières en valeur, elle avait opté pour un pantalon cintré taille haute et d'une légère chemise blanche. 

— Kalie ! dit-elle, en posant le panier par terre pour me prendre dans ses bras. 

Heureusement qu'elle avait eu ce réflexe sinon je me serais bel et bien évanouie. On aurait dit que j'étais une statue, il y avait tous les éléments pour; je ne respirais plus et je me retrouvais pétrifiée. Un beau mélange. Ajoutez à cela une boule au ventre et vous aurez le tout. 

Elle s'écarta de moi puis reprit son panier dans les mains. Mon cerveau savait qu'il fallait réagir un minimum, si je restais à la fixer les yeux grands ouverts, elle se poserait des questions. 

— Madame Byler... murmurai-je. 

Son sourire s'évapora pour laisser place à un regard rempli d'inquiétude. 

— Mais Kalie ! Pourquoi tu pleures ?! 

Ma main posée sur ma joue, je sentis les larmes qui coulaient. Elle était vraiment là, devant moi. Je fermai les yeux un instant, histoire de reprendre mes esprits, puis ravalai mes larmes. Un sourire prit place sur mes lèvres, laissant Anna dans la plus grande incompréhension. 

— Désolé, j'ai dû avoir une poussière dans l'œil, mentis-je. 

Elle n'y croyait pas mais décidai de ne pas me poser de questions. Je l'invitai à rentrer, ce qu'elle fit, en me jetant un regard inquiet. Elle s'assit sur le canapé en posant le panier sur la table basse en face d'elle, puis me fit une place à ses côtés.

— Tu m'as fait peur dehors, tu es sûre que ça va ? 

Elle n'avait vraiment pas gobé le mensonge de tout à l'heure, ce qui était compréhensible. Invente vite quelque chose Kalie. 

— Non... soupirai-je. A vrai dire, j'étais vraiment contente que vous soyez là. Depuis déjà deux semaines environ, je n'ai pas vu grand monde et la dernière fois... 

Je ne préférais pas m'en souvenir. C'était trop douloureux.

— Ah oui, Jonathan m'a dit que tu étais trop faible pour les visites. 

Ravale tes larmes Kalie c'est pas le moment. 

— Oui, voilà. 

Je peinai à sortir deux mots de ma bouche. Une énorme boule s'était frayé un chemin dans ma gorge m'empêchant même de déglutir. Il me faut juste du temps. 

— Je comprends, ne t'en fais pas. En tout cas, sache que je suis à quelques pas de chez toi, je peux venir quand tu veux ! Et puis arrête avec les "madame", tu me rends sacrément vieille, rit-elle. 

Je souris légèrement face à sa naturelle joie de vivre. Anna était vraiment une bonne personne même dans cette vie. 

— Où est Cynthia ? 

— Euh, en haut. Elle téléphone au Docteur en charge de mon dossier. 

— Oh, que vaut ce coup de fil ? 

— Eh bien... 

Est-ce que ma mère lui avait parlé de mon amnésie ? J'étais censée dire quoi moi dans ce cas ? Après tout, pourquoi cacher mon état ? 

— J'ai eu une amnésie suite à mon accident, et là je viens de me souvenir de plusieurs choses. 

Ses yeux allaient sortir de ses orbites si elle n'arrêtait pas de les écarquiller. Et c'est reparti pour une avalanche de mots doux et d'encouragements. De toute façon, vous comprendrez jamais ce que je ressens. Arrêtez de vous montrer compatissant. 

Wow, faut que je me calme, pensai-je. 

— Mais c'est horrible ! 

— J'apprends doucement à me familiariser avec mon entourage... encore. 

Elle rit doucement puis me fixa d'une manière assez étrange. 

— Tu devais t'en douter quand même, non ? 

Ses yeux verts étaient devenus bizarrement plus sombres. Ils me fixaient avec une telle attention, c'en était déconcertant. Sa phrase l'était encore plus. 

— Quoi ? 

Elle balança sa jambe par-dessus l'autre, puis regarda ses mains avant de lever ses yeux vers moi. Un silence pesant envahit la pièce instantanément et ses yeux m'avaient paralysé, encore une fois, sur place. L'air autour de moi se faisait de plus en plus froid. Tout autour de moi devenait moins précis, toute mon attention se focalisait sur Anna et elle seule. 

Je me sentais happée par ses iris verts comme transportée dans un tourbillon. Mes forces que j'avais difficilement retrouvé, commençaient à s'évaporer. Je pouvais sentir chaque parcelle de mon corps devenir faible. 

C'était Anna qui faisait ça ? 

— Anna ! Qu'est-ce que tu fais ici ? 

Ma mère, qui débarqua dans la pièce, me fit un bien fou. La lourdeur de l'atmosphère et de mon corps disparut en un clin d'œil. Qu'est-ce qu'il venait de se passer bordel ? 

— Cynthia ! Je suis venue dire bonjour à Kalie et je vous ai ramené ce panier. 

Elle le désigna de la main. 

— C'est adorable, merci. Comme tu peux le voir Kalie va beaucoup mieux ! 

J'affichai un sourire mince sur mes lèvres et détournai le regard d'Anna. Pour une raison inconnue, je me sentais vraiment mal à l'aise en sa présence. Peut-être que je ne me faisais que des idées. 

— Je vois qu'elle a repris des forces en effet ! Assez pour reprendre les cours demain ? demanda-t-elle, en penchant sa tête légèrement vers le côté, son sourire toujours plaqué sur ses lèvres.

Je haussai les sourcils. 

— Euh... je ne sais pas. On n'en a pas encore discuté. Même si c'est vrai que reprendre les cours te ferait du bien ? poursuivit ma mère. 

— Oui je suis d'accord, fit Anna. Un des plus grands bien.














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