CHAPITRE 33 (NV)

Jonathan

Cela allait faire trois jours que la douleur des règles était passée. Néanmoins, je n'oublierai jamais la sensation du premier jour ou même de la situation en général. J'effaçai cette partie de ma mémoire et commençai à m'attaquer à un plus gros problème. Il n'a pas changé, c'est toujours le même.

Normalement on aurait dû, moi et Kalie, s'y mettre plus tôt, mais une invitée surprise avait fait son apparition. En parlant de Kalie, je me demandais bien ce qu'elle pouvait faire.

On s'était donné rendez-vous il y a une heure chez moi (et mon vrai chez-moi) et elle n'était toujours pas arrivée. Je surfais sur mon téléphone en likant des publications diverses quand une personne entra par la porte d'entrée.

C'était sans surprise que je vis Kalie débarquer avec un sac sur le dos et un air plus sérieux que jamais. Elle allait donner des rides à mon visage si ça continue. Elle me regarda d'un air bizarre et prit la parole :

— Tu es prêt ?

— Pour aller où ?

Elle soupira et plissa les yeux.

— On va au restaurant Jonathan, il ne faut pas perdre de temps ! On est vendredi, faut profiter du week-end au maximum parce que je ne pense pas pouvoir durer une semaine en plus.

Je la regardai perplexe, il nous fallait une stratégie on ne pouvait pas débarquer comme ça. Mais Kalie n'était pas du même avis et elle était visiblement pressée.

— Kalie, il nous faut un plan, tu comptes faire comment pour entrer dans la salle de vidéosurveillance ? Tu sais où elle se trouve au moins ?

Énervée, elle marmonna une phrase incompréhensible et poursuivit en disant :

— Écoute, on attendra que la nuit tombe pour pouvoir entrer. En ce qui concerne la salle, elle ne sera pas difficile à trouver. Fais-moi confiance.

— Vous allez faire quoi ? demanda une voix familière derrière Kalie.

Elle se retourna pour laisser place à une demi-portion qui n'était autre que Damien. On devrait vraiment être plus discrets. Enfin à quoi bon ? Il savait tout, mais je ne voulais pas l'entraîner dans cette aventure. Malgré sa précocité, il restait mon petit frère et je devais le protéger.

— Damien, reste en dehors de ça, tu ne devrais pas être en train de travailler ? lui dis-je.

Il descendit le reste des marches puis vient se poster devant nous.

— D'un, c'est ma maison Jonathan, de deux vous manquez de discrétion ! Tout le quartier pourrait vous entendre sérieusement. Donc, vous allez faire quoi à ce restaurant ?

Nous échangions un regard avec Kalie et celle-ci secoua la tête légèrement pour faire signe de ne rien lui dire. Il ne comprendrait pas. On ne voulait pas prendre de risque.

— De ce que j'ai compris vous allez entrer dans un restaurant pour faire quelque chose qui est contre la loi ?

S'il le savait, pourquoi il demandait ? Son intelligence l'emmènera loin. Un peu trop même. Je ne pouvais empêcher ce sentiment d'inquiétude qui grandissait en moi, plus j'impliquais Damien et plus je me sentais coupable.

— Je prends votre silence pour un oui. Vous avez pensé à une diversion au moins ?

Kalie et moi échangions un regard, en effet nous n'y avions pas vraiment pensé. Tout ce qu'on voulait s'était entrer discrètement. Damien reprit la parole.

— Je serais une bonne diversion par exemple, dit-il tout sourire.

— Hors de question, lançai-je. Moi et Kalie on ne t'impliquera jamais dedans.

Damien esquissa un petit sourire victorieux et se retourna vers moi. Qu'est-ce qu'il le faisait autant sourire ? Comme s'il lisait dans mes pensées, il prit la parole pour répondre à ma question.

— Parle pour toi, Kalie n'a pas vraiment l'air contre.

Je dirigeai mon regard vers la concernée et en effet elle me regardait du genre et pourquoi pas ? J'écarquillai les yeux et m'enflammai. C'était hors de question, jamais je ne laisserai mon frère dans cette situation. Il avait à peine onze ans ! Et si quelque chose lui arrivait ? Kalie et moi devions vraiment parler.

— C'est non Kalie ! C'est trop dangereux !

Je la pris par le bras pour nous écarter des oreilles de Damien et chuchotai :

— Kalie, c'est un gosse, on ne peut pas le laisser s'embarquer avec nous. Tu te rends compte que tu demandes de l'aide à mon petit frère ?

— Jonathan, à t'entendre on dirait qu'on est sur le point de cambrioler une banque. Tout ce qu'on va faire c'est entrer dans le restaurant, trouver la salle et découvrir ce qu'il s'est enfin passé pendant cette soirée. Et Damien a raison, il nous faut une diversion.

Elle soupira puis regarda le sol à ses pieds avant de continuer.

— Et je ne sais pas toi Jonathan, mais mon corps me manque et ma famille également.

Elle dit cette phrase en regardant Damien qui se tenait à quelques mètres de nous et en effet, discuter avec lui comme avant et l'emmener à l'école me manquait terriblement. Malgré ce que je pensais, Kalie avait raison. On avait besoin d'une diversion et on pouvait faire confiance à personne d'autre.

— D'accord, cédai-je.

***

Cela faisait maintenant trois heures qu'on attendait dans la voiture. Il devait faire nuit noire si on voulait entrer discrètement dans le restaurant. Je surveillais Damien pendant que Kalie était partie chercher à manger tellement on crevait de faim.

La petite tête brune nous servant de diversion était sur la banquette arrière en train de lire un livre sur les dragons et autres créatures diverses. Quant à moi, je profitai de la vue étoilée qu'il y avait. Je ne sais pas si c'étaient les hormones, mais je trouvais tout cela incroyablement beau à en pleurer.

Ma tête contre la vitre, je regardais mon reflet et plus le temps passait, plus j'avais l'impression de m'affaiblir. Si ça avait un lien avec l'échange de corps... Non. Il fallait arrêter ces pensées négatives, je sentais que ce soir, on arriverait enfin à quelque chose, du moins je l'espérais.

Mon mal de crâne que j'avais depuis ce matin s'était intensifié et ça, ce n'était jamais bon signe. Je massais légèrement mes tempes dans le but de diminuer la douleur, mais celle-ci ne semblait en aucun cas s'estomper.

Alors que j'étais en pleine séance de massage sur mon crâne, le froid causé par l'ouverture de la portière du côté passager me procura des frissons. Kalie, avec un tas de nourriture dans les mains, prit place sur le siège et sortit son téléphone de sa poche.

— 22h30 ? Encore trente minutes et on y va, dit-elle.

Je hochai la tête et pris une boîte de biscuit au chocolat, l'ouvris puis en donnai à Damien. Pendant une bonne vingtaine de minutes, nous étions dans la voiture à attendre et à perfectionner notre plan. Nous savions déjà qu'il y avait un étage dans ce restaurant. Au rez-de-chaussée, il y avait la réception ainsi que le restaurant. Quant aux chambres, elles étaient situées au premier étage. Notre conclusion était que la salle se trouvait forcément au rez-de-chaussée. Et puis une idée m'était passée par la tête. Les caméras se trouvaient peut-être dans le bureau de Xio Yi ? Il m'avait paru très bizarre depuis le début, ça ne m'étonnerait pas vraiment.

— Dans le bureau de Xio Yi ? C'est plutôt bizarre. Normalement, les caméras sont à la réception sur des écrans, dit Damien.

— Tu n'as pas tort, mais on doit tenter le tout pour le tout. Nous n'avons pas vraiment le choix, répond Kalie. Il faut qu'on réussisse à fouiller tout le rez-de-chaussée à commencer par son bureau. J'espère juste qu'il n'est pas à l'intérieur.

On aurait dit que les prières de Kalie avaient été entendues, car à ce moment précis, Xio Yi sortit du restaurant pour entrer dans un taxi. Je ne savais pas vraiment pourquoi, mais cela nous arrangeait bien. En parlant d'une coïncidence...

Kalie n'attendit plus, elle sortit de la voiture prête à enfin découvrir la vérité. Si jamais on arrivait à trouver les caméras de surveillance, ce serait incroyable. On aura enfin une vraie piste. Damien descendit de la voiture puis traversa la route en regardant de droit à gauche et pénétra dans l'hôtel suivi de près par moi et Kalie.

La porte en verre de l'hôtel nous laissait voir toute la scène qui se passait. Damien possédait vraiment des talents d'acteurs cachés en voyant la facilité avec laquelle ses larmes avaient coulé. Nous pouvions même l'entendre dire qu'il s'était perdu et que, malheureusement, il n'avait pas le numéro de ses parents.

Alors pendant cinq minutes le responsable l'emmena s'asseoir un peu plus loin sur une sorte de canapé très confortable et c'était à ce moment-là qu'il fallait entrer. Suivi de près part Kalie, je regardai aux alentours puis me faufilai dans la pièce qui menait au bureau de Xio Yi. Elle était à quelques mètres de la réception ce qui nous fit gagner du temps. Seulement, cette pièce était inaccessible avec la présence du réceptionniste.

Nous nous trouvions maintenant dans un petit couloir et dans mes souvenirs le bureau de Xio Yi se trouvait à gauche. Bingo. Attendez... La porte n'était pas verrouillée ? OK, j'avais vraiment un mauvais pressentiment. Je chassai ce dernier en me disant que c'était forcément une maladresse de Xio Yi.

Le décor n'avait pas vraiment changé, mais encore une fois aucune salle de vidéosurveillance. Nous nous mettions à la recherche d'éléments qui pourraient nous aider d'une quelconque manière. Kalie s'était penchée sur les documents du bureau principal quant à moi je me concentrais sur les documents des étagères. Rien d'intéressant...

— J'y crois pas.

La voix de Kalie m'incitait à me précipiter vers elle pour voir ce qui la mettait dans un tel état. Arrivé à sa hauteur je compris enfin la raison de sa colère.

— Je vais la tuer, Jonathan !

Telle une furie, elle se précipita vers la porte, mais je l'arrêtai à temps. Il ne fallait pas qu'elle se laisse emporter, pas maintenant.

— Kalie ! N'oublie pas pourquoi on est venus. N'oublie pas que mon frère est là-bas dehors, tout seul. Je t'en prie, canalise ta colère. On va gérer Sydney après.

Elle expira lentement pour se calmer et quand elle rouvrit les yeux c'était pour les plisser. Son regard était fixé derrière moi, un peu en hauteur. Je me retournai pour voir ce qui l'intriguait. Un tableau ?

— Qu'est-ce qu'il y a ? Quelque chose te revient en mémoire ?

Elle se dirigea vers le tableau en question et l'observa avec plus d'attention.

— Ce tableau... Je l'ai déjà vu. Tu te souviens quand on était dans le coma ? Et bien, j'étais dans une sorte de barque dans un petit lac, exactement comme dans ce tableau. La verdure, la barque, les deux personnes à l'intérieur. C'est peut-être un signe.

Elle commença à tâtonner le tableau puis le souleva pour voir ce qu'il y avait en dessous. Elle poussa un cri de victoire puis souleva le tableau de toutes ses forces pour y découvrir un... coffre fort ?

Il devait forcément contenir quelque chose d'intéressant pour qu'il soit scellé de cette manière. Voyant Kalie galérer pour comprendre le mécanisme, je me postai devant elle en disant sur un ton rempli de narcissisme :

— Laisse faire le maître.

Avec Justin et le groupe on s'amusait à faire des choses de ce genre... pour s'amuser ! Et puis aujourd'hui c'était l'occasion parfaite de mettre notre plan à exécution. Après avoir joué deux trois fois avec le cadenas, et sous les yeux ébahis de Kalie, la porte s'ouvrit et j'esquissai un sourire victorieux.

— On a compris tu es le maître de monde. Maintenant on peut voir ce que contient ce coffre ?

Elle plongea sa main dans ce dernier puis en ressorti avec une boîte noire très large et cette fois-ci elle n'était pas fermée à clé. Il n'y avait rien d'autre dans ce coffre à part cette boîte. Kalie la posa sur la table et l'ouvrit doucement. Et à notre plus grande surprise, il n'y avait qu'une simple clé USB.

— Tout ça pour ça ? Tu crois que cette clé USB pourrait nous aider ? demandai-je.

— Je suis sûre que cet ordinateur nous le dira, répondit Kalie en pointant du doigt ledit appareil.

Tout c'était très bizarre. En premier Xio Yi qui part, puis la porte de son bureau ouverte et maintenant un ordinateur à notre disposition ? Il n'y avait pas plus louche que ça. Peut-être que ma paranoïa prenait le dessus, mais je préférais rester sur mes gardes.

— Kalie et si tout ça n'était qu'un coup monté ? C'est trop facile.

— Jonathan, arrête d'être pessimiste tu veux ? On a un coup de chance c'est tout et je ne sais pas toi, mais moi je compte en profiter.

Elle prit l'ordinateur qui encore une fois n'était pas sécurisé et inséra la clé USB puis un fichier apparu sous nos yeux. Le titre était clair : caméra de surveillance. Avec une pointe d'appréhension, Kalie cliqua sur la vidéo et je sentais au fond de moi qu'on s'approchait de plus en plus de la vérité. Quand la vidéo se mit en marche, je redoutai l'instant. Quand je me vis sur la caméra avec Sydney en train de transporter Kalie, tout prit enfin sens.

Sur la vidéo, on pouvait voir Kalie, un bras sur mon cou et l'autre sur celui de Sydney. Elle tenait à peine debout. Nous étions au deuxième étage, là où il y avait les chambres. Dans la suite de la vidéo, nous étions rentrés dans une chambre et je reconnus le numéro. Malgré moi, mon mal de tête était de retour, mais de plus en plus fort. En puisant dans mes forces, j'essayai au mieux de rester concentré.

Qu'est-ce qu'il m'arrivait encore ?

Cinq minutes plus tard dans la vidéo, on pouvait voir Sydney, Kalie et moi. Elle avait l'air plutôt sobre, un peu chancelante, mais sur ses deux jambes. Sydney lui tendit plusieurs billets. Mais pourquoi diable ferait-elle ça ?

— Pourquoi Sydney te donnerait une somme pareille ?

— Parce que ce n'est pas moi Jonathan.

Comment ça pas elle ? La fille sur la vidéo portait les vêtements de Kalie et puis même si elle était légèrement de dos, on avait l'impression que c'était elle.

— Kalie, c'est toi.

— Jonathan ? Depuis quand j'ai un tatouage sur l'épaule gauche ?

La vidéo s'arrêta là, comme si on ne voulait pas qu'on sache la suite. C'est pas vrai... mais alors si elle avait les vêtements de Kalie, ça veut dire que... ma migraine s'intensifiait encore et toujours. J'avais l'impression que plus on approchait du but et plus ça me faisait mal. Je portai une main à ma tête et Kalie se pencha pour voir ce qui m'arrivait.

— Ne t'en fais pas, je vais...

Après avoir supporté le plus possible cette douleur, je m'effondrai par terre. La voix de Kalie paraissait lointaine et ma tête était en feu. Des sons, des voix, des images, voilà ce que je voyais en boucle.

Ce n'était pas la première fois que j'avais ce genre de visions, mais cette fois-ci c'était différent. Cette fois-ci, j'avais l'impression qu'elles me guidaient quelque part, comme si elles prenaient par la main pour me montrer ce que l'on cherchait depuis le début.

La vérité.

Je me laissai plonger, guider, envoûter par ce sentiment indescriptible. C'était comme ci tous les poids étaient enfin enlevés de mes épaules, je ne ressentis rien d'autre à part du bien-être. Les images et les sons se mirent en accord et je compris enfin le sens de ces visions. Justement, ce n'était pas de simples visions, mais mes souvenirs emmêlés.

Enfin mon souvenir le plus enfoui...

Je savais enfin ce qu'il s'était passé cette nuit-là.

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