CHAPITRE 32 (NV)

Kalie

Quand Jonathan m'avait fait part de son petit accident la nuit dernière, j'avais explosé de rire. Il était peut-être trois heures du matin et monsieur était enfermé dans les toilettes, je pouvais même l'entendre verser quelques larmes. Qui a dit que les échanges de corps n'étaient pas bénéfiques ? Après avoir raccroché le téléphone, je lui avais promis d'aller le voir avant le début des cours. Il n'ira pas à l'école avec ses règles ça, c'était sûr à cent pour cent.

Ah... la joie des règles.

Je gloussai légèrement et enfilai mes chaussures ainsi que ma veste et descendis l'escalier à petit pas. Samuel, le père de Jonathan, était allongé sur le canapé en plein sommeil et Damien n'avait pas cours aujourd'hui. Je me dirigeai vers la porte d'entrée et il ne suffit que d'une minute pour me trouver chez moi.

Le vrai chez-moi.

Je regardai avec attention cette maison qui me surplombait et soupirai d'un coup comme pour me libérer d'un énorme poids. Il ne fallait pas que je pense à cela maintenant. J'ai toujours été une très bonne actrice, le mensonge était fait pour moi. Mais parfois, alors qu'on se sent fort, on tombe des nues devant des révélations aussi violentes. Je savais qu'au fond je n'avais rien fait de mal, mais je me sentais terriblement coupable. C'est comme si, j'étais responsable de tout cela.

Après avoir cessé de culpabiliser, je sonnai à la porte de la maison et Jonathan, qui possédait toujours mon corps, m'ouvrit la porte. Quand je vis mon reflet, je retins un rire. Mes cheveux étaient attachés en une queue-de-cheval basse, ma peau était grasse et pour couronner le tout Jonathan arborait une mine de déterré.

Une chose était chose sûre, j'étais bien contente de ne pas les avoir, mais Jonathan n'a pas l'air du même avis que moi. Après m'avoir ouvert la porte, il repartit s'affaler sur le canapé où tout un tas de nourriture était disposé. Je refermai la porte derrière moi et m'installai juste à côté de lui. Je ne pus m'empêcher de rire face à la situation.

— Ne te moque pas.

— Oh allez, avoue que c'est drôle ! Tu sais maintenant ce que ça fait les menstruations.

Il se recroquevilla sur lui-même pour atténuer la douleur, mais en vain. Je pouvais le voir grincer des dents. J'avais pitié de lui, mais... c'était vraiment trop drôle à voir.

Haha, souffle-t-il, tu sais que c'est une véritable torture ? On dirait qu'il y a la Première Guerre mondiale dans mon ventre, j'ai envie de me tirer une balle... vous avez vraiment ça tous les mois ?!

— Pendant cinq à sept jours mon grand ! Et même plus pour certaines.

— Oh, Seigneur, épargne-moi.

— J'ai déjà essayé, il répond pas.

Il me foudroya du regard et reprit en écrasant d'une main, son ventre.

— Et les tiennes elles durent combien de temps ?

— Quatorze jours.

Il se releva un peu brusquement et émit un gémissement de douleur. Par moment, je suis vraiment sadique, pensai-je.

— OK, j'ai compris, tu te fiches de moi, dit-il en se rallongeant.

— Bien sûr que oui idiot. D'ailleurs, comment tu t'es rendu compte que t'avais tes règles ? Rare sont les fois où je me réveille la nuit, ça arrive souvent le matin.

Il déglutit péniblement, le rouge lui montait aux joues.

— Oh, euh, je l'ai senti. Un dragon me l'a dit dans un rêve.

— Un dragon ?

— Ouais... Un rêve plutôt épique.

Je pouffai de rire.

Pendant les minutes qui suivirent, je lui indiquai les choses fondamentales à savoir sur les règles. En d'autres termes : à quelle fréquence changer une serviette hygiénique, comment soulager la douleur et également comment s'alimenter. Il essayait d'écouter attentivement, mais la douleur persistait. En farfouillant dans mes tiroirs, j'avais trouvé un médicament contre les règles douloureuses et lui fit avaler une pilule à l'aide d'un verre d'eau.

Après au moins vingt bonnes minutes, Jonathan était officiellement incollable sur les menstruations. Je pris une couverture puis la posai sur le canapé en cas de besoin. Il fallait qu'il se repose, un esprit d'homme ne peut pas supporter ce genre de douleur. C'est étrange, de base le corps de l'homme a une physiologie plus importante que celle de la femme. Comme quoi la force mentale compte énormément contrairement à ce que l'on pouvait croire.

— T'es sûr que ça va aller ?

Il hocha la tête et je quittai la maison toujours inquiète de son état. Au début, c'était drôle, mais là... Mes règles avaient tendance à ne pas me faire de cadeaux et puis le laisser sans surveillance serait vraiment débile. Mais d'un autre côté, cela éveillerait les soupçons du côté de Sydney et Justin et il était hors de question de laisser ces deux imbéciles s'interposer. À contrecœur, je sortis de la maison et me dirigeai vers l'école.

***

Après une longue matinée, j'avais enfin une pause bien méritée. Je profitai de ce court instant pour envoyer un message à Jonathan et voir comment il allait. Je n'espérai pas vraiment de réponse, mais je ne pus m'empêcher de m'inquiéter pour lui. Et s'il s'était évanoui ?

Tien bon, Jonathan.

Je sortis en trombe de la salle et parti me réfugier dans un petit coin assez tranquille sans personne aux alentours. C'était sous un arbre que je décidai de m'allonger et de fermer les yeux pendant quelques minutes. Et malgré moi, malgré tous mes efforts pour chasser ces pensées néfastes, je n'arrivais plus à m'en défaire. Je n'arrivais plus à faire semblant.

Moi, Kalie Cole avait détruit la vie de Jonathan.

Quelques larmes coulaient sur mes joues. C'était le seul moyen que j'avais pour m'exprimer, faire ressortir ma peine. J'avais tellement de questions : pourquoi me montrer ça ? Pourquoi me laisser porter un si grand fardeau. Mais le pire, c'est de devoir faire semblant ce qui me tuait à petit feu. Si jamais Jonathan découvrait la vérité, jamais il ne me le pardonnera.

— Jonathan.

J'aurais été surprise d'habitude si je ne savais pas à qui appartenait cette voix. Mais ce ton doux et à la fois ferme ne m'était plus inconnu. Et j'étais d'ailleurs étonnée de la voir ici.

Victoria.

Je me relevai et je pus la voir qui me regarda de haut en bas avec du dégoût, de la colère et du mépris dans les yeux. Ce n'était pas difficile de deviner ce qui la tracassait. Ma relation avec "Kalie" devait la perturber et même l'énerver. Comment lui expliquer la situation ? Autre chose que j'ai gâché pour Jonathan. Il ne me restait plus beaucoup de temps ni de cartes en main, alors je décidai de jouer à l'autruche.

— Victoria... ça me fait plaisir de te voir, dis-je en esquissant un sourire, je n'ai pas eu de tes nouvelles depuis l'hôpital.

Elle rit, mais pas un rire de joie. C'était du pur sarcasme.

— Tu as le culot de me demander ça ?

Sa voix était dure, sévère, je pouvais sentir qu'elle contenait ses larmes. Mais son regard... son regard était encore plus perçant. À travers ce dernier, je pouvais voir toute la colère qu'elle éprouvait et aussi un énorme vide, comme si je lui avais ôté une part de son âme. Jamais une personne ne m'avait regardé de la sorte. Ses lèvres tremblotèrent et elle regardait de droite à gauche pour essuyer les larmes qui ne voulaient que couler.

— Je t'ai tant donné Jonathan... je t'ai aimé, je t'ai soutenu et je t'ai même pardonné tes pires erreurs.

— Vic...

Elle ne me laissa pas continuer qu'elle reprit directement sans empêcher les larmes de remplir son visage devenu rouge. Elle s'approcha de moi et me regarda avec encore plus de haine dans les yeux.

— N'oublie pas que... c'est toi qui as choisi de vivre cette vie. C'est toi qui m'as perdu.

Elle tourna les talons et un sentiment de culpabilité vient compresser ma poitrine. Je ne pouvais pas la laisser partir elle aussi. C'était injuste pour Jonathan, il l'aimait et si je ne réparais pas les choses tout de suite j'aurais un autre poids sur la conscience.

Je rattrapai Victoria et l'enlaçai de toutes mes forces. Elle essaya de se débattre, mais je lui chuchotai à l'oreille des mots qui la figèrent sur place. Elle ne broncha pas et m'écouta attentivement.

— Il t'aime Victoria. Il t'a toujours aimé. Je t'en prie, promets-moi que tu attendras, chuchotai-je en sentant les larmes me monter aux yeux. Promets-moi que tu ne l'abandonneras pas.

— Qu'est-ce que...

Je pris son visage entre mes mains et la fixai droit dans les yeux comme elle venait de le faire quelques minutes auparavant, sauf que moi je la regardai avec tendresse, compassion et regret, comme Jonathan l'aurait fait.

— Je ne suis pas lui.

J'avais prononcé chaque mot le plus clairement possible. Son expression s'adoucit et je retirai mes mains de son visage. À ce moment-là, quelque chose capta mon attention.

Non ! Ce n'est pas possible, pas maintenant.

Je pris mon sac et courus vers les toilettes à toute vitesse laissant une petite-amie brisée, blessée et perdue. Au lieu de la rassurer, j'avais peut-être créé un certain chaos. Arrivée dans les toilettes, je rentrai dans l'une des cabines et retroussai la manche de mon pull et comme je m'y attendais... la zone s'était décuplée.

Je disparaissais un petit peu plus chaque jour. 

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