CHAPITRE 28 (NV)
Kalie
— Je t'assure Jonathan, ce n'était pas un rêve, je t'ai vu, tu m'as vu. On sait très bien ce qu'il s'est passé, répétai-je pour la millième fois.
Hier, après avoir un peu trop abusé du whisky, j'avais senti quelque chose dans mon corps. Comme si mon subconscient avait repris le dessus et essayait de regagner sa véritable enveloppe charnelle.
Donc si j'en croyais ce qu'il s'était passé, nos âmes se baladent quand nous sommes inaptes à bouger ou même inconscients.
Tout cela pris sens. Il y avait un phénomène du même nom : la projection astrale, mais là c'était vraiment au-delà de tout ce que j'aurais pu imaginer.
— Je sais Kalie, je sais. Mais alors pourquoi sommes-nous encore coincés dans le corps de l'autre ?
— On était inconscients, dans un état de faiblesse. Cela joue peut-être un rôle, dis-je, en remettant la poche de glace sur ma tête.
La chute d'hier ne m'avait pas réussi.
Nous étions chez Jonathan, la maison étant vide, personne ne pouvait nous déranger. Un peu de silence ça faisait du bien et rater les court également. Rien de pire que le lundi n'est-ce pas ? Jonathan, debout devant le l'évier buvait son troisième verre d'eau, au moins, j'aurais une belle peau à ce rythme. Si jamais je la retrouve.
Quand j'y repensais, tout a complètement déraillé depuis le coma. Et dans mon cas, c'était pas moins de le dire. Ne repense pas à ça Kalie, pas maintenant. Finalement, coma ou pas, on avait avancé à rien. Et la situation est même pire qu'avant : Sydney et Justin collés à nos baskets. Il ne manquait plus que ça.
— Maintenant que j'y pense, Victoria ne m'a appelé ?
Ah oui, c'est vrai. Un problème en plus. C'est sa copine, Kalie, pas un problème.
— Non, elle n'est même pas venue te visiter, alors qu'elle est censée être ta copine.
Il esquissait un sourire en coin, oh je détestais quand il faisait ça. Ce qui est encore plus perturbant, c'était que ces mimiques restaient les mêmes tout en étant dans un autre corps. Je ne sais pas pour lui, mais je le voyais à travers moi, comme si je percevais son âme plutôt que son corps.
— Censé être ? Kalie, tu es un peu amer envers Victoria.
Victoria ? Il l'appelait tout le temps mon cœur, et c'est moi qui suis amer ? Après tout ce qui s'était passé, je me demandais bien si Jonathan aimait toujours Victoria.
— Mais d'un autre côté, tu as raison, elle n'a même pas appelé ne serait-ce qu'une fois. C'est un peu bizarre non ? Maintenant que j'y pense, tu crois que Justin lui aurait parlé de quoi que ce soit ? me demanda Jonathan.
— Honnêtement ? J'en doute fort, il a gardé le secret sûr Sydney et toi. Mais avec ce qu'il vient de découvrir sur nous, il peut tordre la réalité. Mais qu'est-ce que ça lui apporterait ? C'est ton meilleur ami.
Il afficha une expression grave sur son visage, comme si ce que je venais d'affirmer n'a pas toujours été le cas. Je savais depuis un moment que Jo avait un passé difficile, j'étais bien placée pour le savoir. Mais il y a vraiment des choses qui devaient lui peser. Je devais lui faire comprendre qu'il pouvait m'en parler. Comme je me l'étais promis à moi-même.
— Tu ne t'es jamais demandé pourquoi Sydney et Justin se connaissaient aussi bien ?
En effet, je n'y avais jamais réfléchi... Depuis quand le connaissait-elle ? C'est fou quand même, on croit connaître nos amis alors qu'en réalité on ne sait jamais quel est le vrai visage d'une personne. Jonathan marqua une pause puis reprit le regard vide, perdu dans ses pensées.
— Il y a deux ans , Sydney et Justin sont sortis ensemble.
À force, elle allait sortir avec tous les membres du groupe celle-là.
— Ils avaient eu une belle histoire ensemble. J'étais avec Victoria et lui avec Sydney. Nos relations étaient parfaites, comme de vrais frères. Mais, je m'étais embrouillé avec Victoria et Sydney se trouvait là et...
Il avait du mal à finir sa phrase, mais je devinais sans peine la suite ce qui me fit un pincement au cœur.
— Je m'en voulais terriblement alors j'ai décidé de le dire à Justin. Après ça, rien n'a jamais été pareil. On ne se parlait presque plus et il avait, bien sûr, rompu avec Sydney. Les mots qu'il lui a dit avant de rompre étaient... Durs. Il lui avait dit des horreurs, mais je pense qu'au fond, elle le méritait. Sydney n'était pas une bonne personne, alors quand je l'ai vu avec toi, je me suis dit que vous étiez pareils. J'avais tort.
— Au moins tu t'en es rendu compte. Sydney avait été gentille avec moi, elle cachait bien son jeu.
Il inspira fortement et retroussa légèrement ses lèvres avant de prendre la parole :
— Mais après avoir discuté avec ta mère le jour où nous sommes tombés dans le coma, j'ai su que tout ce que ta famille voulait c'était mon bonheur. Même toi. Tu n'as rien dit à ta mère pour nos disputes et ça je t'en serais reconnaissant toute ma vie, je ne voulais pas qu'elle change le regard qu'elle a sur moi.
J'ignorais tout ça. J'ignorais que Jonathan avait vécu dans une si grande solitude, et dire que...
Mes yeux s'embuèrent malgré moi. Ne pleure pas Kalie putain ! Pas maintenant. Je serrai la mâchoire pour retenir mes larmes puis esquissai un sourire amical. On s'était tous les deux trompé l'un sur l'autre. Surtout Jonathan, il s'était terriblement trompé sur mon compte. Je balayai la pièce du regard et je tombai sur une photo.
La mère de Jonathan.
La photo était endommagée comme chiffonnée. Quelqu'un a dû la remettre en place. Jonathan suivit mon regard et le sien devint vide.
Comme ça.
— Pourquoi il l'a remise bon sang... ?
Il se dirigea vers la photo et la déchira complètement avant de la jeter à la poubelle. Il ne pouvait même plus voir sa mère en photo. Je détournai mon regard dans la direction opposée.
Il ne fallait surtout pas que j'explose, pas maintenant. Pour tout lui raconter, j'ai besoin de mon corps.
Je me répétai ces mots encore et encore jusqu'à ce que mes larmes sèchent puis je me retournai vers Jonathan. Il avait gardé le silence depuis maintenant cinq bonnes minutes. Je ne voulais pas lui poser une question sur sa mère, mais c'était beaucoup plus fort que moi.
— Je... je suis vraiment désolé pour ta mère Jonathan.
Il leva la tête et me regarda puis dit d'une voix sincère :
— Merci, Kalie, sourit-il.
Un sourire pur, sincère. Je savais que ces mots venaient du fond du cœur.
— On peut pas abandonner maintenant Jonathan, on a peut-être l'impression qu'on n'avance pas, mais on se trompe peut-être. Et puis tu veux vraiment que Sydney et Justin nous guette comme ça ? Il nous faut un plan.
Il sembla étonné de ma soudaine motivation. Vaut mieux pour toi que tu ne saches pas d'où elle vient Jo.
— Dis donc, les filles sont vraiment lunatiques, dit-il, avec son ton moqueur qui m'avait manqué. Mais, reprit-il, je pense que tu as raison.
Il prit un crayon et du papier qui était sur le comptoir et s'assit près de moi. Je rigolai face à la posture qu'il avait adopté. Les garçons eux aussi ne changeront jamais, pensai-je.
— Bon, commençons par le début. Quand est-ce que nous avions échangé de corps ? demanda-t-il.
— Le jour du dîner de classe ? Enfin le jour d'après techniquement. C'était le 13 janvier.
Il gribouilla quelques mots sur le papier et poursuivit :
— Ce jour-là, j'ai bu de l'alcool et je t'en ai versé dans le verre. Je pense que ça c'est bon. Personne n'a vu ce qui s'est passé ensuite.
Je fronçai les sourcils face à ce qu'il venait de dire. Cela n'avait aucun sens, nous étions trente dans la classe, et personne n'aurait rien vu ? Soudain, Jonathan se souvint de quelque chose d'important.
— Sydney m'a dit qu'elle n'avait rien vu et qu'on était sorti très tôt de cette soirée !
Il nota ce qu'il avait dit et poursuivit :
— Et Xio Yi a dit que j'avais quitté la soirée vers minuit et surtout que j'avais l'air sobre. Donc l'alcool que nous avions consommé n'est pas la raison pour laquelle on ne souvient de rien. J'ai l'impression qu'il y a quelque chose concernant le restaurant, qui manque. Le dîner de classe a commencé à 20h30. Je me souviens de l'heure précise à laquelle j'ai mis quelque chose dans ton verre, il était 21h10.
Je haussai un sourcil, comment pouvait-il s'en souvenir ?
— J'avais regardé ma montre pendant que j'étais dans le coma, j'ai pensé que ça nous serait utile. Donc, de 21h10 à minuit, il s'est passé quelque chose. Et c'est là, où tout se complique.
— Jonathan ? Si tu m'as drogué, c'est parce que tu avais un plan en tête non ?
— Il avait soudainement l'air décomposé, s'imaginant le pire.
— Tu es peut-être un peu tordu, mais pas à ce point-là Jonathan. Ne t'en fais pas.
Il hocha la tête, peu convaincu de ma réponse, je ne le montrais pas, mais c'est vrai que j'avais également peur.
— Donc, si tu avais un plan, c'est donc impossible pour moi d'avoir quitté le dîner tôt comme l'a dit Sydney. Étant donné que tu es sorti vers minuit, alors ça veut dire que...
— Sydney a menti, lâcha-t-il, énervé. Plus rien ne m'étonne de cette garce, je t'assure.
— Calme-toi, on va la gérer à notre manière. S'ils veulent vraiment creuser, ils ne trouveront rien. On sait déjà que Sydney a menti, et si je me fie à mon instinct, elle aussi était dans toute cette histoire.
— Comment la faire parler, c'est ça qui m'intéresse.
— Chaque chose en son temps Jo. Premièrement il faut savoir ce qu'il s'est passé à ce fichu restaurant. Attends ! Les caméras de surveillance, pourquoi on n'y a pas réfléchi plus tôt ?
— Je ne veux pas briser tes rêves Kalie, mais le mec de l'accueil nous ne laissera pas passer si gentiment.
Je souris légèrement face à cette réponse :
— Qui a dit qu'on allait demander ?
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