Chapitre 28 ✔

CHAPITRE FINAL

   Alors c'était ce que j'avais fait. D'un côté, j'étais soulagé de ne pas avoir fait pire, mais d'un autre, j'étais dégoûté de moi-même. Kalie ne me le pardonnera jamais et elle en avait tous les droits. Après m'être évanoui, j'avais tout raconté à Kalie, comment on avait planifié tout ça moi et Sydney, qui était cette fille, pourquoi elle était là. Une boule s'était formée dans ma gorge pendant que je racontais tout ça. Quant à Kalie, elle semblait vide de l'extérieur, je ne savais pas à quoi elle pensait, mais j'avais ma petite idée.

   Un sentiment étrange avait grandi en moi après avoir retrouvé ma mémoire, c'était comme si j'avais récupéré une partie de moi-même, celle que je ne voulais plus retrouver. Comment est-ce que j'allais faire pour regarder Kalie en face ? Pour me regarder en face ? Et plus je regardais ces photos sur mon ordinateur, plus je me dégoûtais.

   Kalie, assise sur une chaise à côté de moi, était en pleine réflexion devant l'écran d'ordinateur qui la montrait à moitié nue. Heureusement que je ne les avais pas postées quelque part, je remerciai intérieurement le ciel de m'avoir épargné de ce fardeau. Mais ce n'était pas une raison valable... je me sentais quand même coupable du mal que je lui avais fait. Dans tous les cas, si Kalie me détestait maintenant, elle aurait tous les droits de le faire.

   Qui étais-je pour lui demander pardon ? Assis sur la chaise, je décidai, d'un mouvement ferme, de fermer le clapet de l'ordinateur après avoir supprimée toutes les photos. Surprise, Kalie sursauta puis redirigea son attention vers moi. Elle était dans mon corps et possédait mes yeux, et pourtant je ne savais absolument pas ce qu'ils exprimaient en ce moment. De la colère ? Du dégoût ? De la haine ? Les trois ?

   Elle prit la parole et dit la phrase la plus inattendue qu'il soit.

— On devrait aller voir Xio Yi pour lui parler de toute cette histoire de malédiction.

   Elle n'avait pas l'air énervée ni triste, on aurait dit qu'elle n'avait pas vu ces photos. Mes sourcils se froncèrent, je ne comprenais pas son attitude, elle était censée me détester, me haïr ! Mais non, elle ne faisait rien de tout cela. Et ça me rendait dingue.

— Kalie... tu ne dis rien sur ces photos ?

— Jonathan, on a échangé nos corps, dans tous les cas tu m'as vu en sous-vêtements alors je ne vois pas pourquoi j'en ferais tout un plat. Le plus important c'est de retrouver nos corps et on a pas vraiment d'autre option que d'aller voir Xio Yi, finit-elle en se levant de la chaise pour se diriger vers la porte.

— Attends !

   Elle s'arrêta net en me regardant avec de gros yeux.

— Je peux savoir c'est quoi ton problème depuis quelques jours ? Même quelques semaines devrais-je dire !

   Elle ne semblait pas voir de quoi je parlais alors je repris la parole.

— Qu'est-ce que tu me caches ? N'importe quelle personne ayant vu des photos de ce genre n'aurait pas pris ça à la légère, criai-je alors que je pointai du doigt l'ordinateur. Les larmes commencèrent à me monter aux yeux, mais je détournai le regard pour ravaler cette envie. Kalie, repris-je, ce que j'ai fait est horrible, tu devrais t'énerver ou même prendre du temps pour réfléchir ! Tu te rends compte de ce que j'ai fait ?

Kalie ne semblait pas m'écouter ni même comprendre ce que je disais, comme si je m'exprimais dans une langue inconnue.

— Pour le moment, je veux retrouver mon corps Jonathan, ma mère... mon père, ils ont besoin de moi. S'il te plaît.

   J'étais frustré. Elle allait jouer à l'autruche pendant un moment. Dans tous les cas m'énerver ne servira à rien, elle ne fera que de m'ignorer... Kalie était toujours égale à elle-même, froide et sans aucune émotion. Elle sortit de la chambre et je lui emboîtai le pas, je n'avais pas vraiment le choix.

***

   Ma jambe gauche ne faisait que de trembler à force d'attendre dans cette maudite pièce. Après avoir débarqué comme des malades mentaux dans le restaurant, nous avons demandé à voir Xio Yi de toute urgence et étant donné qu'ils savaient qui on était personne n'a bronché. A la place, ils nous ont dit d'attendre dans le bureau du maître des lieux pendant qu'il réglât deux trois choses. 

   Alors que je commençais à m'ennuyer, Kalie elle restait impassible. Malgré tous mes efforts pour deviner ce qu'elle avait dans la tête, je n'y arrivais pas. Ma conscience me disait que peut-être elle m'en voulait réellement mais qu'elle ne le montrait pas. Dans tous les cas, le plus important c'est d'enfin trouver nos réponses aux questions que nous nous posions depuis maintenant trop de temps. 

   Une porte s'ouvrit et ce n'était autre que Xio Yi qui se trouvait au pas de la porte. À peine installée sur son bureau, Kalie se leva et d'un pas décidé plaça ses deux poings sur le bureau, quant à moi, j'espérai sincèrement qu'elle n'allait pas péter un câble. Xio Yi, lui, semblait surpris de ce soudain changement, mais c'en était fini maintenant, le petit jeu de l'innocence ne marchait plus. 

   Kalie sortit de sa veste une feuille et la plaqua sur le bureau juste sous les yeux de notre vieil homme qui ferma ces derniers et fronça les sourcils, signe qu'il avait été démasqué. Il n'y avait plus de retour en arrière maintenant, aujourd'hui tout allait s'arrêter. 

— Maintenant, vous allez tout nous expliquer sinon je vous jure que cette feuille sera transmise aux autorités, menaça Kalie d'une voix dure. 

Elle était en colère et cela ne faisait aucun doute. 

   Xio Yi se leva et prit la feuille dans ses mains puis regarda Kalie et sourit légèrement. 

— Merci Seigneur... 

   De toutes les choses qu'il pouvait dire pour se défendre, il avait choisi ces mots ? Décidément, cet homme était un mystère. Kalie se posait elle-même des questions car elle dévisagea Xio Yi de la même manière que moi, pour le coup nous étions vraiment largués. 

— Ce mensonge commençait à devenir un poids sur mes épaules si vous saviez, déclara-t-il d'une voix remplie de tristesse et de regrets. 

Même s'il nous avait menti, je ne pouvais m'empêcher de ressentir de la sympathie pour lui, il était clairement au bord des larmes comme si notre histoire n'était que la partie visible de l'iceberg. 

— Oui... reprit-il, je savais que Sydney avait élaboré tout cela, après tout son père finançait chaque année mon restaurant, je ne pouvais rien lui refuser. Comme vous le savez, le père de Sydney est le directeur de votre école et dans le passé j'avais à faire à lui et maintenant je lui suis redevable. Quand Sydney à su qu'il y avait une preuve qu'elle vous ai fait du mal, elle m'a menacé de l'effacer. Mais... j'ai gardé une copie dans un coffre, mais ça vous devez être au courant puisque... 

— Vous vouliez qu'on découvre la vérité, finis-je à sa place. 

Kalie se retourna vers moi dans l'incompréhension alors je repris la parole :

— Je savais que tout était trop simple le soir où on a pénétré dans le bureau et pourtant tu ne m'as pas cru, tout a été mis à notre disposition pour que l'on découvre la vérité. Et vous, dis-je en désignant Xio Yi, le saviez. Vous saviez que nous voulions trouver des preuves et donc vous avez tout mit en place. Vous avez vu notre voiture en face du restaurant. Vous ne vouliez plus... vous sentir coupable. 

Il était au bord des larmes il y a quelques minutes, mais maintenant il pleurait vraiment. D'un côté Xio Yi avait tout fait pour nous aider, enfin non, pas tout, mais on ne pouvait pas ignorer son geste. 

— Cela n'excuse en rien le fait que vous nous avez mis dans un beau pétrin ! s'énerva Kalie. Je ne sais pas si vous vous rendez compte, mais je suis toujours dans le corps de Jonathan et j'ai besoin du mien pour... 

   Elle s'arrêta. Ses cachotteries allaient finir par me tuer. 

— Que faut-il faire pour retrouver nos corps ? questionna Kalie plus posément. 

— Je sais que ce n'est pas ce que vous voulez entendre, mais je ne sais absolument rien. Mais j'ai peut-être quelque chose qui pourrait vous aider. 

   Il sortit de son bureau un journal assez vieux contenant des feuilles jaunies par le temps. Avec une pointe de regret, il me le tendit, les larmes toujours perlant sur ses joues. 

— C'était le journal de mon frère. Je ne l'ai pas lu depuis des années, mais je pense que vous, il peut vous aider. Si mon frère vous a jeté ce sort, c'est qu'il y a forcément un moyen de retrouver votre forme. 

Je l'ouvris ne prêtant plus attention aux dires de Xio Yi. Je ne savais pas pourquoi mais c'est comme si ce journal m'était familier. Je tombai par hasard sur une page contenant seulement quelques mots :

"Quand les deux parties seront soignées et assemblées alors la vie reprendra son cours". 

A la suite de cette phrase était dessiné un collier... un collier ? 

Cette phrase... je m'en souvenais parfaitement. Xio Yi et Kalie me regardèrent intrigués, quant à moi je pensai peut-être avoir une piste.

— Cette phrase, dis-je, je l'ai vu quand j'étais dans le coma. Votre frère me l'a dit et il m'a également affirmé que le moment venu je comprendrais cette phrase.

Il jeta un coup d'œil au journal et je pus voir que c'était bizarre pour lui de le tenir entre ses mains, il devait se sentir coupable et terriblement mal de la mort de son frère. Alors que ses yeux parcouraient la page, il fronça les sourcils et ferma le journal d'un coup sec pour se diriger vers son bureau. Il en retira cette fois-ci une boite très large bleu marine en daim et l'ouvrit.

Quand la boîte s'ouvrit, Xio Yi tomba sur sa chaise et prit sa tête entre ses mains. Kalie qui jusque-là avait garder son silence, elle prit la parole, intriguée par le comportement de Xio Yi.

— Qu'est-ce qu'il se passe ?

Xio Yi déglutit et reprit la parole :

— Quand un esprit reste dans des lieux, c'est forcément à l'aide de quelque chose. Cette chose peut-être n'importe quoi ; un objet, un vêtement, une partie de son corps. Si j'en crois les légendes aussi absurde que cela puisse paraître, Leiw avait un collier quand on était plus jeune. Il ne s'en séparait jamais. Un jour, nous avions eu une violente dispute et le collier s'est brisé en deux et...

Il marqua une pause un sourire aux lèvres.

— Et pour me faire pardonner, je suis allé le voir et je lui ai dit cette même phrase écrite dans son journal. C'était comme une trêve. Mais à sa mort, ce collier était introuvable et je pense que c'est ce qui le retient parmi nous.

Toutes ces superstitions étaient bien jolies, mais en quoi ça pouvait nous aider ? Comme s'il lisait dans mes pensées, il répondit à ma question.

— Ce collier, je pense que c'est la clé. Si vous retrouvez les deux moitiés alors vous retrouvez vos corps.

— C'est bien beau tout ça, mais il est où ce collier exactement ?

Après une bonne vingtaine de minutes de réflexion et de suppositions les unes plus absurdes que les autres Xio Yi prit la parole vraiment déterminé à nous aider.

— Peut-être qu'il l'a mit à votre disposition, dit-il plus simplement.

Perdus, nous attendions la suite de son raisonnement.

— Je ne sais pas si j'ai raison, mais si j'étais un esprit et d'après le nombre de séries que mes petits-enfants regardent, les esprits ont besoin de se rattacher à quelqu'un pour pouvoir faire ce qu'ils veulent. Si le collier est la seule chose que Leiw dispose, il a forcément dû mettre les deux moitiés à vos côtés. Son but était forcément de faire éclater la vérité et puisqu'elle l'est il n'y a plus de raison pour vous d'échanger vos corps.

— Vous en savez beaucoup pour une personne qui disait ne rien savoir...comment savez-vous que son but était de faire éclater la vérité?

— Vous croyez être les seules personnes maudites ? Comme je vous le disais,la chambre 206, celle où est décédé mon frère, est hantée. Plusieurs personnes se sont plaintes, mais le plus récent c'était un couple fraîchement fiancé. La femme trompait l'homme depuis maintenant deux mois et l'homme menait une double vie depuis quatre mois. Je vous assure, une vraie scène... d'ailleurs, vous étiez là ce jour-là. Le couple avait pris la chambre 206.

   Ah oui, ce couple était bien là lors de notre première visite après être sorti du coma. Hum... une malédiction causée par un esprit qui ne pouvait pas quitter le commun des mortels car il pensait qu'on lui avait confié une sorte de mission qui était d'instaurer une pure vérité. Pour être honnête, j'aurais préféré quelque chose de moins... cliché. 

   Mais la vraie question était pourquoi Leiw, le frère de Xio Yi, se sentait responsable de cela ? Je pense que derrière cette histoire de vérité, il y a un passé bien plus sombre. Pour le moment, nous devions suivre la piste de Xio Yi et voir où elle mène. Je sentais que petit à petit on s'approchait de la fin. 

   Après cette rencontre avec Xio Yi, nous quittions les lieux dans un silence pesant. Kalie qui était toujours restée sur sa position de ne plus émettre un son, colla sa tête sur la vitre puis ferma les yeux. Qu'est-ce qu'elle pense ? Je me le demandais sans cesse dans ma tête. Je comprenais le fait qu'elle veuille reprendre son corps, je ne la comprenais mieux que personne d'ailleurs, mais on dirait qu'elle voulait plus que ça, qu'elle avait quelque chose d'urgent à faire. Une chose est sûre, après tout ça, je garderai un œil sur elle. 

   Kalie partit chez elle pour chercher son collier et cela tombait bien puisqu'il n'y avait plus personne chez elle, sa mère travaillant tard et son père étant toujours en déplacement. 

Finalement, la vie de Kalie n'était peut-être pas si rose que cela. Ses parents étaient toujours absents enfin presque, mais moi je ne voyais que les bons moments. Un sourire pouvait renfermer quelque chose de sombre... 

Quant à moi, je me dirigeai vers ma chambre puis commençai à y fouiller chaque recoin et même ceux de la maison. Après une bonne vingtaine de minutes, je n'avais toujours pas trouvé ce collier. 

   Je commençais à vraiment perdre patience, j'avais fouillé partout ! Je m'allongeai sur le lit désespéré. Mes yeux se fermèrent un bref instant et sans que je ne m'y attendais le visage de Leiw se dessina sous mes yeux. Son regard perçant, sa peau vieilli, ses lèvres fines et ses cheveux gris. Tous les détails étaient présents.

   Et puis d'un coup je me souvins de ce que m'avait dit Xio Yi. Leiw a dû mettre le collier à notre disposition... 

   Il y avait un endroit où je n'avais pas cherché, pensai-je immédiatement. C'était pourtant tellement évident ! Je me levai d'un bon et ouvris mon placard. J'avais déjà vérifié ici, mais pas en profondeur.

   Ma veste de soirée était en dessous d'une pile de vêtements donc je ne l'avais pas vu. Je me mis à la fouiller de partout, mais ce maudit collier n'était pas là ! Mais où est-ce qu'il peut être ? Je jetai la veste à travers la pièce, la colère me submergeant et pile à ce moment-là, un petit objet tomba à mes pieds. 

   Le collier ? 

   C'était une partie du collier, ce n'était pas grand chose à vrai dire juste une moitié de cercle et des détails assez insignifiant comme une couleur terne. Dans tous les cas, ça ne pouvait être que cela ! Le collier maintenant en ma possession j'appelai Kalie pour la prévenir. Après deux sonneries, elle répondit légèrement paniquée. 

— Jonathan on a un problème... 

— Kalie ne panique pas si tu ne trouves pas le collier, vérifie dans ton plac... 

— Jonathan... je sais où est la moitié du collier, attends moi chez toi d'accord, tu ne bouges pas compris ? 

— Kalie tu es sûre que ça va ? demandai-je avec appréhension. 

   Un silence s'installa pendant une bonne minute avant que sa voix me parvînt de nouveau à mes oreilles. 

— Le collier est avec Sydney. 

***

   Cela allait faire une bonne heure que j'attendais Kalie dans ma chambre. Mes jambes étaient tremblantes, jamais je n'aurais dû laisser Kalie y aller seule, mais qu'est-ce que je pouvais être con ! Alors que je m'apprêtai à sortir; Kalie entra dans la chambre... les mains vides. Je le savais... Sydney ne lui aurait jamais donné le collier. 

— Kalie, ne t'en fais pas, je vais lui prendre ce collier de gré ou de force. 

Elle me retint par le bras puis plongea sa main dans la poche de son manteau. 

L'autre moitié. 

   Je croyais rêver. Nous avions les deux moitiés, nous avions retrouvé nos souvenirs, nous avions tout géré comme des adultes. Alors si j'en croyais la phrase de Leiw, il fallait que les deux parties soient rejointes. Je pris ma moitié du collier et la tendis vers Kalie qui la saisit d'une poigne forte. 

   Je tremblai de partout, c'était enfin la fin. J'allais retrouver mon corps, retrouver mes proches, retrouver la vraie Kalie. L'enthousiasme, la peur, la joie, toutes sortes de sentiments prirent place dans mon esprit. Un sourire victorieux se dressa sur mon visage alors que Kalie approchait les deux moitiés l'une à l'autre. 

   Et alors que les deux moitiés se touchèrent... 

   Rien. Il n'y avait absolument rien. Kalie me prit la main mais toujours rien. La pire des choses qui pouvait nous arriver c'était ça. Une énorme déception. C'était à ce moment-là que la colère grandissait en moi. Ma tête entre mes mains, je n'arrivai plus à penser correctement. Pourquoi ?! Qu'est-ce qui clochait encore ?! Ma colère se fit de plus en plus grande, je ne pus la contenir alors j'explosai. 

— Mais bordel qu'est-ce qu'il vous faut de plus ?! la chaise en face de mon bureau se retourna complètement sous le poids de mon geste vif. Mon regard lui se dirigea vers Kalie qui était plus silencieuse que jamais. Le collier toujours dans les mains, elle prononça des mots que je n'aurais préféré ne pas entendre. 

— Jonathan... 

   Ses yeux inondés de larmes, elle baissa la tête en signe de honte. 

— J'ai essayé de retarder le moment, j'ai vraiment essayé !! cria-t-elle. Mais maintenant, je n'ai plus le choix et je t'en prie Jonathan, pardonne moi, pleura-t-elle avec ses flots de larmes. Son visage était devenu rouge et elle renifla puis s'éclaircit la gorge du mieux qu'elle put. Jonathan, reprit-elle, tu as voulu savoir ce que je te cachais depuis des semaines. 

   Elle fit un pas devant et ses mains vers moi, elle essaya de me rassurer, de me calmer en me disant "ne te mets pas en colère". 

— Pendant mon coma, j'ai aussi eu des visions... et... et dans l'une d'entre elles il y avait une femme. Nous étions toutes les deux dans une barque sur un lac. Cette femme Jonathan... c'était...

— C'était qui Kalie ? questionnai-je avec une voix basse. 

   Les larmes et encore plus de larmes coulaient à flots, Kalie n'arrivait même plus à tenir debout et c'était au sens propre car elle s'agenouilla devant moi. 

Mais qu'est-ce qu'elle fou bordel ? 

— Pardonne moi, Jonathan, je t'en prie pardonne moi ! supplia-t-elle. 

   Je m'agenouillai à mon tour et la saisis par les épaules, elle me regarda avec supplication mais j'avais peur de la tournure des événements. 

— C'était ta mère Jonathan. 

Elle s'arrêta puis reprit sa phrase entrecoupée par ses larmes 

— Elle a... elle a...   

— Elle a quoi Kalie ? 

   Aucune réponse, les pleurs de Kalie ne la laissant pas s'exprimer. Avec plus de force je répétai ma question. 

— Elle a quoi Kalie ?! m'énervai-je. Hum ? Elle a quoi ma mère ? Qu'est-ce que tu sais ? Parle ! criai-je en la secouant. 

Ses pleurs avaient cessé pour ne laisser place qu'à une expression vide et sans émotions. Je m'attendis au pire, l'attente allait me rendre fou. 

— Elle m'a dit pourquoi elle était partie... elle m'a dit que ton père... 

   Mes yeux s'écarquillèrent, mon père ? Pourquoi mon père était dans cette histoire ?

— Ta mère a surpris ton père et une autre femme ensemble et cette autre femme c'était...

Elle n'arrivait pas à finir sa phrase, elle était comme dégoûtée par elle-même. Dans un souffle elle lâcha le dernier mot si difficile à prononcer. 

  — Ma mère.  

   Pardon ? Mes jambes n'étaient pas assez fortes pour me tenir alors je tombai littéralement sur mes deux fesses. C'était irréel, impossible. Avec une poigne plus importante, je saisis Kalie par les deux bras et serrai de toutes mes forces. 

— Kalie... Kalie arrête c'est vraiment pas drôle, dis-je les larmes me montant aux yeux. Ta mère ? Cynthia ? Arrête Kalie ! Pourquoi tu dirais une chose pareille ?! 

   Ce n'était plus des simples pleurs, Kalie explosait littéralement en sanglot. Des cris étaient également accompagnés puis pour finir elle se penchait en avant et en arrière puis répétait qu'elle était désolée encore et encore. 

— J'ai gâché ta vie ! cria-t-elle plusieurs fois d'affilé. J'ai tout gâché, je t'ai privé d'un bonheur ! C'est moi qui ai voulu déménager, c'est moi qui ai voulu une maison plus proche de ce fichu lycée, si je n'étais pas venue au monde rien ne serait arrivé !

   Non... non ça ne pouvait pas être réel. 

   Jamais, auparavant, je n'avais crié autant, jamais auparavant je n'avais ressenti autant de colère. Kalie avait une main sur son ventre et l'autre sur sa bouche mais rien n'y faisait, ses sanglots ne s'arrêtaient plus. Les miens étaient désormais mêlés aux siens, me contenir m'était impossible. Tout ce qui pouvait être mobile était jeté à travers la pièce. 

   Je continuais de m'acharner sur les fournitures de cette chambre encore et encore jusqu'à ce que je finisse par m'étaler par terre auprès de Kalie. 

Pourquoi il a fallu que ce soit elle ? Pourquoi ?

— Pourquoi toi Kalie ? criai-je jusqu'à m'étouffer. 

— Je suis désolé, dit-elle alors que chaque mot était couvert par ses pleurs. Je suis tellement désolé Jonathan. Je t'en prie pardonne moi, pardonne nous... 

   Tremblant, je me levai doucement en m'appuyant sur le lit avec le regard de Kalie qui me suivait. Je la fixai de ma hauteur et les mots ne pouvant pas sortir, seulement mon regard rempli de dégoût lui transmettait ma haine. 

— Alors c'était pour ça que tu étais gentille avec moi ? C'est parce que je t'aspirais que de la pitié c'est ça ? Tu voulais récupérer ton corps et partir ? Tu voulais me protéger peut-être ? 

  Un silence et rien de plus, Kalie avait baissé la tête pour ne plus me faire face. 

— Non... ce n'était pas pour me protéger ni pour fuir. Tu m'as utilisé. Tu t'es dit que si je le savais pendant notre enquête j'aurais été aveuglé par la vengeance et je ne t'aurais pas aidé à retrouver ton corps ! Et ça, tu le sais aussi bien que moi n'est-ce pas ? Ce que j'avais fait était horrible mais ce n'était rien comparé aux années de souffrance que j'ai eue, c'était ça que tu te disais ? 

   Alors que je déversais ma haine sur Kalie, la pièce se mit à trembler. Nos regards remplis de regret et de haine quelques minutes plus tôt, étaient maintenant remplis d'inquiétude et de peur. Une énergie tellement lourde mais puissante submergea la pièce tout entière. Je connaissais ce sentiment, c'était le même lors de notre première dispute. Mais cette fois-ci tout était différent. 

    J'avais oublié un détail : Kalie avait le collier dans sa main. 

C'était le moment, nous le sentions au plus profond de nous-même, à notre réveil... 

Nous allions enfin retrouver nos corps. 





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