CHAPITRE 27 (NV)

Jonathan

— J'ai vu votre frère, dis-je.

Kalie se tenant derrière moi, elle avait du mal à croire que j'allais tout déballer comme ça. Mais quel autre choix avions-nous ? Cela faisait combien de temps que nous cherchions, encore et encore, sans aucune réponse ? Mon corps commençait à disparaître et Kalie n'allait pas pouvoir retourner dans son corps, je devais faire quelque chose, quitte à être pris pour des fous.

— La nuit du dîner de classe, continuai-je, Kalie et moi avions échangé nos corps. Plutôt impressionnant non ? Vous pouvez nous prendre pour des fous, nous emmener à l'asile, mais cela ne changera rien au fait que, par la faute de je ne sais quoi dans ce restaurant, nos vies ont changé du tout au tout.

Xio Yi restait silencieux, le regard perdu alors j'enchaînai :

— Votre frère. C'est lui sur la photo, je l'ai vu dans mon rêve ! Cela faisait un mois que nous étions dans un coma à cause d'une simple dispute ! Il m'a dit quelque chose du genre que deux moitiés doivent se retrouver pour rétablir quelque chose, si vous savez ne serait-ce qu'une information sur ce sujet, il faut que vous nous le disiez et maintenant.

Xio Yi inspira longuement nous faisant, enfin, face. Il hocha la tête et se leva pour faire face à la grande fenêtre derrière son bureau. Qu'allait-il dire ? Me prendre au sérieux ? Nous enfermer ? Rire ?

— Je vais être honnête, je n'ai jamais vu une chose pareille. Je vis sur cette Terre depuis 75 ans et pourtant, j'appréhendais ce jour.

Ce n'était pas vraiment la réaction à laquelle nous nous attendions. Qu'il y avait-il derrière tout ça ? Est-ce qu'un jour ça s'arrêtera ?

— Comment ça ce jour ? demanda Kalie. Vous saviez que ça allait arriver ?

— Non, pas exactement.

Il marqua une pause puis reprit :

— Il y a plusieurs années, mon frère tenait ce restaurant. De son vivant, il avait fait tout ce qui était en son pouvoir pour nous aider. Mais depuis qu'il est mort, les gens vivants dans cet hôtel où même de simples personnes comme vous et moi font face à des évènements étranges. Comme si, il marqua une pause, comme si un esprit envahissait cet endroit.

Génial. Plus on avançait dans cette histoire plus elle était sombre.

— À chaque fois c'est la même chose, reprit-il. Nous perdons de plus en plus de clients à cause de ces rumeurs. Mais il y a quelques années de cela, j'ai retrouvé son journal. Il écrivait dedans tous les jours et peu de temps avant sa mort, il avait dit qu'il resterait toujours dans ces lieux et nous hanterait à jamais pour nos secrets.

— Vos secrets ? Comment ça ?

Les rayons du soleil transperçaient les rideaux et je pouvais apercevoir les larmes de Xio Yi couler sur son visage. Mes sourcils se froncèrent et une expression grave était, désormais, sur mon visage.

— Je n'ai jamais compris ce qu'il voulait dire par secrets, mais je sais que cette nuit-là il s'est passé quelque chose qui était impardonnable et que pour vous donner une leçon, vos corps ont été échangés. Dans son journal, il disait qu'il allait tout éradiquer, mais quoi ? Telle est la question. Derrière ce changement de corps, il y a un message bien plus profond que mon frère veut vous transmettre. Et les seules personnes qui peuvent trouver la réponse c'est vous deux.

Encore un échec.

— Assez...

La voix de Kalie tremblait, elle allait craquer, elle n'en pouvait plus de tout cela, l'heure était grave et je le sentais également.

— Écoutez, nous ne sommes pas venus ici pour vos soi-disant messages cachés. On veut des réponses, on veut savoir pourquoi nous et pas d'autres. C'est impossible que personne n'ait vu ce qu'il se tramait !

— Je sais que ce n'est pas ce que vous voulez entendre. Vous êtes venus ici pour trouver des réponses, mais vous devez savoir que seule votre mémoire peut vous aider, ni moi, ni personne ne pouvons faire quelque chose ! Vous devez puiser dans votre mémoire, car quelque part, la réponse est dans vos souvenirs, vos rêves, vos flashbacks. Tout réside en vous et c'est ce qui est le plus difficile à atteindre.

Nous ne voulions plus entendre cela. Tout résidait en nous ? Foutaises ! Nous en avions plus que marre de toutes ces devinettes, on était censés faire quoi ? Accepter toutes ces choses qui n'ont ni queue ni tête ? C'était purement absurde ! Pourquoi ? Pourquoi nous ? Une partie de nos souvenirs était encore sous serrure et le seul moyen que nous avions de retrouver nos vies étaient de les débloquer.

Mais comment ?

Nous repartions bredouilles du restaurant. Avions-nous ne serait-ce avancé d'un poil ? Je ne pensais pas. Kalie qui était restée muette pendant tout le trajet avait les yeux rivés au sol.

Elle aussi ne savait plus quoi faire, nous allions juste disparaître, comme ça. N'ayant aucun autre moyen de transport, nous attendions patiemment le bus, mais je sentais Kalie, à mes côtés, très... Calme. Trop calme.

C'était vraiment bizarre, elle avait le regard perdu au loin, elle me faisait peur tellement elle était vide d'émotion. Maintenant que j'avais un peu de temps, je repensais à tous les moments que j'avais passé avec Kalie. Notre relation a évolué c'est le moins que l'on puisse dire, mais où allait-elle en ce moment même ?

Je n'allais pas faire le con et me voiler la face, j'étais attiré par Kalie, même plus que ça, je ressentais quelque chose pour Kalie et ce n'était pas de l'aversion pour une fois. Elle avait bouleversé tant de choses chez moi, du moment où je l'avais rencontré jusqu'à maintenant.

Néanmoins, ce que je ressentais était-ce vraiment de l'amour ?

Victoria, qui d'ailleurs n'avait pas donné un signe de vie depuis un moment, était ma petite-amie et je pensais que si je m'étais accroché à elle pendant toutes ces années, c'était parce qu'elle était la seule personne qui voulait bien de moi. La seule personne qui me rappelait la vie que j'avais avant. Justin ne me parlant quasiment plus, j'étais seul. Terriblement seul, et un mec à toujours besoin d'un ami, un acolyte, mais ça je l'avais perdu à cause de ma putain de connerie.

Kalie ne me laissait pas indifférent, et j'avais beau le nier, c'était depuis qu'il avait débarqué dans sa vie que j'avais été jaloux.

— Tu veux aller dans ce bar ?

Ce qu'elle dit m'interpella et j'ai dû lui demander de répéter sa question. Un bar ? Maintenant ?

— Kalie, tu es saine d'esprit ça va ? Je ne t'ai jamais vu boire une seule goutte d'alcool.

— On va probablement mourir, allons-y.

Mais... oh et puis zut.

Arrête de réfléchir Jonathan.

— Go.

Ce qu'on faisait n'avait sans doute ni queue ni tête, mais à quoi bon en faire tout un plat ? Si on pouvait seulement retrouver nos corps, tout serait tellement plus simple. Mais peu importe combien de fois, je me répétais cela, rien n'allait changer. Nous ne savions absolument rien. Et parfois, je ne peux m'empêcher de me dire que si je n'avais pas drogué Kalie, elle aurait pu...

Je ne voulais plus y repenser, mais imaginons que nos mémoires auraient été supprimées parce que j'avais commis quelque chose de vraiment atroce. C'était peut-être cela, notre punition. Enfin la mienne. Kalie n'avait rien demandé, alors pourquoi était-elle dans le même cas que moi ? Quels "crimes" avait-elle commis ? À mon égard, Kalie a été plus qu'un ange. Qu'est-ce que je savais vraiment d'elle ? C'était quoi sa couleur préférée ? Son plat favori ? Peu importe combien on se dit "oui, on va faire un effort", on n'en faisait pas.

Parce que c'est beaucoup plus simple de parler que d'agir. N'est-ce pas ?

À peine entrée dans le bar, Kalie s'assied sur un tabouret et commanda la chose la plus forte qu'ils avaient. Le barman qui était assez vieux, sûrement dans la quarantaine, sortit un bon whisky.

Kalie allait vraiment boire ? Qu'est-ce qu'on avait à perdre ? Plus grand chose. Du moins, elle avait totalement abandonné, quant à moi, même si je ne faisais que de me plaindre, j'avais une once d'espoir. Était-on vraiment une cause perdue ?

Elle prit une gorgée du whisky et un grognement en ressortit. Oui, ça brûle pas mal. Je fis de même, mais la douleur était moins forte. Finalement, est-ce vraiment le corps qui s'adapte à la douleur ou l'esprit ?

— J'ai...

Elle marqua une pause et reprit les yeux rivés sur son verre de whisky.

— J'en ai plus que marre.

Son ton était grave. Aucune émotion, aucun tremblement, mais juste de la colère. Un excès de colère qui apparaissait de plus en plus souvent chez Kalie.

— Un dîner de classe, tu me drogues, black-out, on échange nos corps, on panique, on fait des choses de dingues comme des courses de voitures, on tombe dans le coma, black-out, ton corps commence à disparaître, on a nos meilleurs amis respectifs sur le dos, on arrive plus à étudier, ta copine ne te parle même plus, Damien ne verra peut-être jamais son grand frère, je ne verrai plus jamais mes parents, et tout cela à cause d'une putain de malédiction dans un restaurant chinois. Ce dernier point est d'ailleurs très ... Cliché.

Je gloussai légèrement.

— Ça résume bien la situation.

— Je suis désolé.

Je pus noter la sincérité dans sa voix. C'en était presque déroutant. Pendant un quart de seconde j'ai cru vraiment voir Kalie, mais ça doit être l'effet du whisky.

— C'est ton corps qui commence à disparaître, c'est pas juste...

— Tu plaisantes Kalie ? C'est moi qui t'ai drogué, si je ne l'avais pas fait, tu aurais tes souvenirs. Je mérite tout ce qu'il m'arri...

— Non, dit-elle sévère. Non Jonathan, tu ne mérites rien à part une chose...

Elle levait les yeux vers moi sur le point de verser une larme.

— Être heureux, chuchota-t-elle en esquissant un faible sourire. Tu le mérites, Jonathan.

Kalie me cachait définitivement quelque chose.

Pourquoi disait-elle ces mots ? Pourquoi elle voulait tout le bonheur du monde pour moi après ce que je lui avais fait ? Depuis notre rencontre dans le coma, elle avait changé drastiquement. C'était vraiment étrange.

— Kalie est-ce que...

Elle but cul sec le verre de whisky avant que je ne puisse terminer ma question. On en avait eu assez pour ce soir. Il était une heure du matin passé et nous étions les derniers clients du bar. Pas étonnant pour un dimanche, il n'y avait quasiment personne.

On n'allait pas retourner en cours demain, mais je ne pense pas que nos parents seront ravis de nous retrouver bourrés. Enfin moi j'allais plutôt bien, c'était Kalie qui fallait regarder. Elle était totalement avachie sur la table de billard. Oui, elle s'était mise en tête de faire une partie... Seule. Finalement, elle a fini par s'avachir sur la table et serrer une boule de billard. Si ça avait été une fille ça aurait été mignon, mais là c'était mon corps sur la table ce qui était carrément bizarre.

Je me levai et sentis une vive douleur dans ma tête, comme si une terrible migraine commençait à faire son apparition.

— Wow, le whisky c'est plus pour toi, me dis-je.

J'essayais vraiment de l'ignorer, mais c'était tellement plus fort cette fois-ci. On aurait dit un million de marteaux en train d'écraser mon crâne. La douleur qui se faisait tellement vive, je m'écroulais par terre. J'essayais d'appeler à l'aider, mais le barman devait être dehors. Je poussais un cri tellement fort que je sentais mes cordes vibrer. Mes tempes étaient en feu et c'était sur une vision floue que je perdis connaissance.

**

— Hé, réveille-toi beau gosse !

Je mis du temps à ouvrir les yeux et même après les avoir ouverts, ma vision était très floue. Mon dos me faisait tellement mal, on dirait que je m'étais endormi sur une boule de bowling. Je me levai partiellement et je tendis ma main pour attraper le comptoir, mais... J'étais à cinq mètres du comptoir.

Bordel...

Je suis où encore ?

Ma vision était encore très floue, mais je pouvais voir sur quoi j'étais.

Non.

Ce n'est pas vrai.

J'étais allongé sur la table de billard ?! Mais comment était-ce possible ? Je tournai la tête et me frottai les yeux pour mieux voir, mais rien à faire, la vision était irrégulière. Je pus apercevoir une chose : Kalie.

Elle était dans le même cas que moi, à moitié réveillée et dans les vapes. La voix du barman résonnait dans mes oreilles en me posant une question :

— Écoute fiston, il est 3h00 faut vraiment que j'ferme le bar là.

Fiston ? Je dirigeai lentement mon regard vers le bas de mon corps et observai mes bras et mes vêtements. Je ne rêvais pas.

J'étais dans mon vrai corps.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top