Chapitre 10 ✔
Strep avait devancé Jonathan durant la course mais il fallait se rendre à l'évidence, Jonathan l'avait battu à plate couture, je devais l'admettre, il était vraiment bon pour ce genre de chose. Finalement, il n'était pas si inutile. Mais d'un autre côté, j'étais en colère, comment Jonathan avait pu être aussi insouciant ?
J'étais à l'écart, là ou personne pouvait me voir. Jonathan, par chance, ne s'était pas fait remarquer ce qui m'intriguait un petit peu car ma corpulence aurait dû choquer la foule, mais après ils étaient tous trop loin de lui.
Jonathan, en gardant son casque sur sa tête, avait réussi à se faufiler dans les vestiaires et je l'attendais là où il m'avait dit d'attendre. Cette journée a été tellement longue que ma seule hâte était de rentrer, mais malheureusement pas chez moi et cette pensée me tordait le ventre.
Cette journée m'avait ouvert les yeux. Il était de mon devoir de retrouver ma vie, il fallait qu'on se mette à chercher, à creuser sur cette nuit où tout a dérapé car au fond de moi, je savais que je n'allais pas tenir.
Ma mère me manquait, mes soirées passées avec elle me manquaient. Tout me manquait. Je voulais retrouver sa cuisine, ses étreintes, ses belles paroles.
Être éloignée d'elle du jour au lendemain m'avait chamboulée plus que je ne l'imaginais. Rare étaient les mères comme la mienne. Elle m'écoutait, me conseillait et m'épaulait. C'était comme une meilleure amie au lieu d'être simplement une mère.
— Kalie !
— Jonathan, te voilà enfin, il fallait que je te dise...
— T'as vu cette course ! me coupa-t-il. Je me suis senti enfin moi, enfin dans mon élément !
En réalité cette course était le moindre de mes soucis. Le voir tout heureux n'allait pas nous rendre nos corps. J'avais oublié à quel point Jonathan était égoïste.
— Oui, tu t'es très bien débrouillé, mais plus sérieusement John, il faut qu'on fasse quelque chose sur la situation.
Son visage se crispa et il revint à la réalité. J'aimais mieux ça, il ne fallait pas que Jonathan s'attache trop à ma vie. Même si pour l'instant, il fallait vivre avec.
— Ah oui, pour ça on s'est dit que des cours...
— Tu ne comprends pas. Des cours ne suffiront pas Jonathan, il faut qu'on cherche ce qu'il s'est passé cette nuit-là, il faut qu'on se documente sur ce qui se passe, qu'on fasse tout notre possible pour nous sortir de ce cauchemar, car il y a une chose que j'ai apprise par cette journée c'est que plus jamais je ne veux vivre ta vie.
Virulente, j'étais devenue virulente et cela étonna Jonathan qui parut choqué. C'était une des premières fois que je ne cachais pas ma colère, étant donné la situation.
— Kalie toi et moi on ne se souvient de rien sur cette soirée. Notre mémoire a été lavée, comment veux-tu qu'on cherche si on ne sait même pas par ou commencer ? Je veux bien faire un effort mais pour le moment ce n'est pas des livres ou des sites internet avec leurs conneries qui vont nous aider ! Il faut juste essayer, de se trouver, de se comprendre et peut-être même de vivre dans le corps de chacun de l'autre pour un moment. Se précipiter comme ça n'apportera rien de bon que du stress !
Alors là c'était le pompon...
— On n'a même pas essayé Jonathan ! Cela fait à peine 24 heures que je suis dans ton corps et la journée a été rude ! Je ne sais pas pour toi, mais moi je n'en pouvais plus, on dirait que tu n'as même pas l'air atteint de ce qui se passe, comment as-tu pu oublier de me dire que tu avais des courses de voitures ?
— Je me suis déjà excusé pour ta gouverne miss. Et oui, cette situation m'atteint plus que je ne le voudrais, je te signale que moi aussi ça n'a pas été facile aujourd'hui mais ce n'est pas une raison pour exploser d'un seul coup, s'emporta-t-il.
— Pas une raison ? Non mais je rêve Jonathan ! Tu es un être égoïste et j'arrive pas à croire que j'ai pu oublier ça pendant un moment. Je te signale que quand je vais rentrer cette nuit ce ne sera pas ma chambre ni mon salon, ni ma mère que je verrais, ce sera ta famille et est-ce que tu sais à quel point c'est frustrant de rentrer et de ne pas avoir sa mère auprès de soi ?
Merde ! Bien sûr que oui il le sait. Parfois, je devrais vraiment me taire. Malgré le fait que Jonathan était dans mon corps, l'expression qu'il arborait sur mon visage me fit de la peine. À travers mes yeux, je pouvais voir les siens et je l'avais blessé. Pas énervé, mais blessé.
— OK Kalie, tu as gagné, je baisse les armes. Dès demain on fera ce que tu veux.
Il s'en alla me laissant seule dans cet endroit minable. Tout autour de moi était minable.
Je me sentais minable.
Un soupir était tout ce qui me restait en réserve. Rien de tout ce que j'aurais pu dire, aurait pu apaiser les tensions alors je me suis tue comme toujours. J'y étais allée un peu fort, même trop, mais si ce fut un électrochoc pour qu'il se réveille enfin, cela aura amené un peu de positif. Mais un sentiment, que je n'avais jamais éprouvé envers Jonathan fit surface. De la culpabilité. Cette touche de tristesse marqua la fin de cette interminable journée.
***
Dormir était impossible, les paroles que j'avais dit à Jonathan ne faisait que de se retourner dans ma tête, je ne pouvais pas fermer l'œil tellement ce sentiment grandissait. Il fallait laisser le temps passer, mais je n'y arrivais pas parce que je savais que j'avais blessé une autre personne que moi-même et c'était ça qui faisait la différence.
Certes, avec Jonathan on se cherchait et se chamaillait souvent, mais jamais nous n'avions attaqué la vie personnelle ou familiale de l'autre. Nous étions voisins et nos familles se connaissaient également. On devait respecter cela.
Je me souviendrais toujours de ce fameux dîner entre voisins que les Byler avait organisé. J'étais arrivé un peu après mes parents à cause de mes cours et sur le chemin j'avais croisé Jonathan qui venait de revenir d'un footing nocturne, sa transpiration et sa respiration saccadée l'avaient trahi.
Sous cet angle et sous cet éclairage, je me souvenais d'un garçon très beau. Il avait mis au moins cinq bonnes minutes à regarder le ciel ce qui ne collait pas du tout avec le comportement qu'il avait au lycée, j'ai su qui il était vraiment. Mais après tout, perdre sa mère du jour au lendemain était tellement douloureux que je ne pouvais même pas m'imaginer tout ça.
Quand je repensais à ce que j'avais dit je me disais que j'en étais venue à un point où j'étais devenue odieuse. Et ce n'était pas ce que je voulais devenir. Demain, il fallait s'excuser, c'était la moindre des choses que je pouvais faire. Mais puisque le sommeil ne venait pas, je décidais de descendre en bas et de me prendre un somnifère, encore fallait-il que je les trouve.
Le salon était plutôt grand donc fouiller le moindre recoin allait être difficile. Un bruit dans la cuisine m'interpella et plus précisément dans le jardin, une silhouette se dessinait et je pouvais deviner que c'était monsieur Byler.
Samuel Byler pour être plus précise.
J'ai vécu assez d'années à côté de chez lui pour ne pas le confondre avec un cambrioleur, de plus il fumait son éternelle cigarette, aucun de doute c'était bien lui. Je m'approchais lentement et l'observais, il avait l'air fatigué et perturbé.
Sa femme, et la mère de Jonathan par la même occasion, avait pris la fuite il y a quelques mois à cause d'une autre femme d'après les rumeurs du quartier. D'autres disaient qu'elle avait trouvé un homme plus riche, plus séduisant que ce pauvre homme. Personnellement, je trouvais cela horrible de calomnier et d'humilier, même si c'était ce que j'avais fait il y a quelques heures à Jonathan.
— Rentre mon grand, tu vas attraper froid.
Sa voix rauque mais faible me fit sursauter, je me raclai la gorge et répondis :
— Je ne suis plus un gamin, et toi aussi tu vas attraper froid alors...
— Depuis quand tu te préoccupes de moi fiston ? Quoi que cela ne me déplaît pas, fit-il.
Leur relation était beaucoup plus complexe que je ne le pensais. L'absence d'une mère et le rejet d'un père, la vie de Jonathan était vraiment sans dessus dessous. Et j'avais enfoncé le couteau dans la plaie, je ne pouvais que m'applaudir.
— Je pourrais te poser une question ? dis-je sur un ton peu rassuré.
— Bien sûr, dit-il.
— Si tu t'étais disputé avec...une personne que d'habitude tu ne supportes pas mais que cette fois-ci tu te sens coupable, qu'est-ce que tu ferais ?
— Repartir de zéro.
— Pardon ? demandai-je, troublée.
Il soupira et répondit :
— On se reprend, on respire, on va la voir et on repart juste de zéro.
Ce n'était pas plus clair, mais malgré tout, j'essayais de méditer dessus. Repartir de zéro. Maintenant, je ne pensais plus qu'à dormir et cette fois-ci le sommeil ne tarda pas.
Même si je me réveillais la nuit en pensant à ce que m'avait dit Samuel, j'avais pas mal dormi. Et en me réveillant ce matin, je savais ce qu'il fallait que je fasse.
***
C'était devant le lycée que j'avais demandé à Jonathan de m'attendre, il n'y avait encore personne et le portail n'était même pas ouvert alors j'espérais vraiment qu'il sera là. Il descendit du bus et je le vis s'approcher de moi, pas très ravi de me voir.
— Pourquoi tu as demandé à me voir ici ? Si c'est pour le restaurant de la fameuse nuit, il n'est pas ouvert aujourd'hui, on ira une prochaine fois, mais j'ai fait des recherches sur...
Je tendis une main vers lui et le fixai droit dans les yeux, il parut troublé et à vrai dire moi aussi je me sentis gênée, mais c'était trop tard pour les regrets !
— Je m'appelle Kalie Cole, dis-je, en souriant.
Il fronça les sourcils et me jaugea de haut en bas. Je m'y attendais un peu.
—Merci je sais, mais qu'est-ce que tu fais ?
— Je... suis désolé pour hier. Tu avais raison, on doit aller à notre rythme et non pas se crier dessus à tout bout de champ. Il y a forcément une réponse au pourquoi du comment, mais justement comment résoudre la question quand les deux personnes concernées ne se connaissent même pas. Je ne sais rien de toi et toi de moi à part nos incessantes disputes et peut-être que pour y remédier il faut... repartir de zéro ?
Il commença à rire doucement puis soupira.
— Alors ? Tu ne va quand même pas m'ignorer, fis-je.
Il inspira un grand coup et tendit sa main à son tour.
— Ravi de te rencontrer Kalie, moi c'est Jonathan.
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