Le jour où Max a réparé son coeur

autriche, 2017

Le cœur de Daniel vient de se faire pulvériser. Les deux notifications brillent encore sur l'écran de son téléphone. Celles qui viennent de lui arracher le cœur. Il les regarde une deuxième fois. Et puis encore une autre. En une fraction de seconde, il venait de passer d'en couple et heureux à célibataire et malheureux. Il cligne plusieurs fois des paupières de façon rapide, dans l'espoir d'en chasser les larmes.

Il ne comprend pas. Il pensait naïvement que tout se passait bien dans sa relation. Mais apparemment ce n'était pas le cas. Il ne peut s'empêcher de penser qu'il n'aurait malgré tout jamais fait ça. On ne vire pas une personne pour se mettre en couple quelques heures plus tard avec une autre personne. Il a l'impression d'être pris pour un imbécile et la sensation de traitrise lui donne la nausée.

- Danny, ça va ?

Les yeux bleutés de son coéquipier sont posés sur lui. Il y lit toute l'attention du monde, comme toujours. Il se contente d'un hochement négatif de la tête. Le temps mis ensuite avant qu'il soit enveloppé dans une forte étreinte est infime. Une fraction de seconde pour réduire leur distance digne des courses automobiles les plus serrées, celles qui plaisent tant au public.

Les bras l'écrasent et il se laisse aller dans l'embrassade du néerlandais. Sa tête se repose dans son cou tandis que le silence les enveloppe.

- Elle m'a largué et elle s'est mise en couple avec quelqu'un d'autre.

Il n'avait pas son téléphone avec lui sur le grand prix, les sms espacés de plusieurs heures ont été trouvés en même temps. Max ne répond rien, mais il sent l'emprise sur son corps qui se fait légèrement plus forte. Il se laisse aller dans ses bras qu'il trouve de plus en plus rassurants avec les mois passant.

Il ne sait pas exactement quand ils ont réellement commencé leurs gestes de réconfort. Il se souvient de toutes les fois où il a trouvé Max en pleurs et où il l'avait serré comme ça contre lui. Il ne sait pas quand l'inverse est devenu également vrai. Le plus jeune en a désormais bien moins besoin. Après une énième soirée à le réconforter et à sentir son cœur se fissurer, il était intervenu et Christian avait banni du paddock l'objet de ses tourments. Daniel n'a jamais regretté. Il sait que c'est pareil pour l'anglais.

- Je crois que je vais rentrer chez mes parents, me changer les idées.

Le corps s'éloigne, la distance ne se creusant que très légèrement entre eux.

- Mais Daniel, on a bientôt une course.

Ses doigts glissent sur la joue du plus jeune. Il fixe son regard dans les yeux clairs dans lesquels il lit l'étonnement.

- Il n'y a pas que la formule un dans la vie Maxy.

Les prunelles bleutées paraissent peu convaincues et ça lui arrache un sourire. Il ne cesse de lui dire depuis qu'ils sont coéquipiers, mais il sait qu'il n'a toujours pas persuadé le blond. Cela finira par venir. On ne peut pas être heureux uniquement avec la formule un, il est indispensable d'avoir d'autres occupations pour se changer les idées. Daniel en a beaucoup. Max a été contraint à ne pas en avoir du tout.

- Et il faut être bien dans sa tête pour bien conduire.

Il sait que Max ne réfléchit pas comme ça. Il ne pense pas à toutes ces choses extérieures. La voiture et la vitesse sont les uniques choses qui importent pour lui. Il ne peut pas s'empêcher de penser que c'est triste.

- Tu voudrais bien venir avec moi en Australie chaton ?

La demande lui échappe avant même qu'il ne s'en aperçoive. Il la regrette immédiatement. Il ne comprend pas non plus ce qui lui a pris de le proposer. Pourtant, il a l'impression d'avoir besoin de ses parents et de Max pour aller bien. Il craint la solitude qui va l'envelopper quand il se retrouvera seul chez lui, ou dans un avion en direction de son ancienne maison.

- Oui.

Il se pose encore plus de questions quand la réponse de Max tombe. Il s'attendait à tout sauf à une approbation de sa part. Une joie intense s'installe quand il se dit qu'il va avoir de la compagnie pendant son long trajet. Il n'a vraiment pas envie d'être seul en cet instant. Savoir que Max sera à ses côtés est rassurant.

- Mais la formule un ?

Il note immédiatement la déception qui s'installe dans les prunelles claires. Celle qui est suivie par une grande tristesse. Il connait cette expression par cœur. C'est celle d'un Max qui se sent blessé et repoussé. Il le rattrape par le poignet plusieurs mètres plus loin alors qu'il était déjà en train de fuir le rejet.

- Désolé, je me suis mal exprimé. J'étais juste surpris que tu dises oui.

Le regard éteint quelques secondes plus tôt se remet en ordre de marche. Et dedans, la légère admiration qu'il y lit continuellement fait place à de la détermination.

- Tu as dit plein de fois qu'il fallait voir d'autres choses. Alors montre-moi.

Les remarques s'élèvent depuis le fauteuil à sa droite. Pendant toute la durée du vol, Max lui parle. Il lui fait des blagues, lui raconte des histoires. Daniel se surprend à sourire plus que de raison. Il oublie son cœur à vif et sa peine intense. A chaque fois qu'un rire lui échappe, il note les pupilles entourées de bleu qui brillent. Il sait ce que le néerlandais est en train de faire, et il le laisse continuer. Parce qu'il sait que c'est de ça dont il a le plus besoin. Parce que c'est uniquement pour ça qu'il le voulait dans le siège à côté du sien.

Mais alors que les heures passent et que le débit de paroles de son coéquipier ne tarit pas, la réalité le frappe. Max n'agit pas différemment de l'ordinaire. Le blond passe ses journées à lui parler, à rigoler, à essayer de le faire rire et à capturer son attention. Il le suit perpétuellement sur le paddock et s'accroche à son approbation comme il le faisait lui-même avec sa grande sœur lorsqu'il était enfant. Et de son côté chaque paroles, rires ou la moindre petite attention est accueillie avec la plus grande satisfaction.

Il réalise qu'avec le temps et les journées passées à ses côtés, ce qui n'étaient que des simples discussions entre coéquipiers sont devenus de véritables besoins qui l'empêchent de se noyer. Le néerlandais est une présence solaire qui réchauffe chaque minute de son existence et l'idée de ne plus avoir Max à ses côtés le terrifie. Son regard se perd dans le vide à cette pensée.

Il essaie de comprendre quand Max est passé de l'enfant qui le suivait partout sur le paddock et dans l'usine à son arrivée, à l'ami s'étant fait une place un peu trop grande dans sa vie.
Une place suffisamment grande pour qu'il soit au courant de toutes ses humeurs et de ses peines de cœur.
Une place suffisamment grande pour qu'il soit celui avec qui il s'enfuit en Australie.
Et comme ce jour où il avait compris à quel point Max se raccrochait à lui, lorsqu'il prend conscience que l'inverse est également vrai, Daniel qui lui laisse anormalement de place dans sa vie prend un peu peur.

- Danny ?

Les doigts se posent doucement sur son bras et il tourne ses yeux sombres vers le plus jeune. Son visage dont le sourire s'était effacé s'allume lorsqu'il lui fait un signe rassurant. Il enveloppe le blondinet d'un bras et le rapproche de son torse, ses doutes s'envolant lors du contact.

- Merci d'être là pour moi.

Max ne répond rien, mais la lueur dans ses iris et le sourire sur son visage sont bien suffisants pour transmettre tout le bonheur qui le traverse en cet instant.

- C'est vrai que tu fais du cheval sur ta ferme ?

La voix le sort de ses pensées alors qu'il pensait que le blond affalé sur lui et dont la tête repose sur son épaule dormait. Il tourne la tête pour croiser les prunelles bleutées, mais celles-ci sont toujours fermées.

- Oui, tu as envie d'en faire Maxy ? Je le dirai pas à Christian, promis.

Il voit les paupières qui s'entrouvrent. Elles papillonnent le temps de se réhabituer à la luminosité et cela lui rappelle combien son cadet a une tête adorable lorsqu'il vient de se réveiller, avec ses joues rougies et marquées, ses yeux perdus et ses cheveux ébouriffés. Le sortir de son sommeil est autant un arrache-cœur qu'une merveille. C'est pourquoi il s'est préposé à cela lorsqu'il fait des siestes à peu près partout dans les locaux de Red-Bull et qu'il faut le tirer du sommeil.

- Non, j'ai peur de ça.

La malice se met à brûler dans son regard tandis qu'une crainte apparait directement dans les yeux bleus.

- Ben alors chaton, on roule à trois cent kilomètres heure mais on a peur des petites bêtes ?

- C'est dangereux, c'est grand et en plus ça mord.

Le rire de l'australien éclate devant tant de dramaturgie tandis que bien rapidement celui de Max le suit. Et Daniel se fait la réflexion que lorsqu'ils se mêlent leurs rires sont en parfaite harmonie.

- Maxy, je te présente mon chien.

Les pupilles se mettent à briller. Un hurlement échappe au blond quand la boule de poils se précipite vers lui et lui saute au niveau du bassin. L'étonnement est présent alors qu'il n'a pas vu Panda aussi éveillé et vif depuis des années. Son compagnon d'enfance commençait à se faire vieillissant et il était moins joueur qu'il l'était quelques années plus auparavant. Il était également devenu aigri, n'acceptant que peu les étrangers, ce qui semblait être nullement le cas avec le néerlandais.

- Danny aide-moi !

Il rattrape son canidé tout en riant de la réaction de son ami. Celui-ci a un soupir quand il voit l'état de son pantalon clair. Pour une fois qu'il n'est pas dans un de ses éternels jean mais un short léger, il s'est fait tout tâcher.

- Il est vraiment pas méchant. Mes parents voulaient un chien calme, on en faisait tout ce qu'on voulait quand on était enfant.

- Tes parents ont bien voulu que t'aies un chien ?

Il note les doigts du cadet qui s'approchent avec prudence du pelage de la bête. Et puis son soupir de soulagement quand il parvient à les enfouir dans les poils sombres sans se faire croquer.

- Pourquoi ils auraient pas voulu qu'on ait un chien ?

La tristesse s'abat dans les yeux océan.

- Papa a pas voulu que j'ai de chat. Il a dit que ça allait me déconcentrer et que de toute façon j'aurai pas de temps pour m'en occuper avec le karting.

Il lit la douleur enfouie qui semble remonter brusquement. L'idée d'un Max enfant à qui on a dit non pour ça et qu'on a blessé avec ce choix lui brise le cœur. Il sait qu'il n'aurait pas pu dire non à Max s'il lui avait demandé un chat avec ses yeux bleutés profonds suppliants. Et Daniel se dit qu'il devrait lui offrir un chat, pour effacer la tristesse de son regard à tout jamais.

- T'inquiète pas, je t'offrirai un chaton, chaton.

Il éclate de rire devant la lueur énervée qui traine sur le visage de son cadet.

- Arrête de m'appeler chaton.

- D'accord chaton.

Et peut-être que continuer d'utiliser ce surnom malgré les demandes de Max pour qu'il arrête de l'utiliser était la seule chose pour laquelle Daniel arrivait à dire non. Parce que quand il se mettait à grogner ou bouder, il était bien trop mignon.

Son étalon lancé au galop, il parcoure les plaines australiennes à la poursuite de ses moutons. Après quelques minutes de discussions, il avait réussi à convaincre le blond de monter également sur un équidé, une jeune jument à la robe baie. Il se retourne quand il entend un hurlement derrière lui. Il a sauté de cheval avant même que le corps de Max morde la poussière.

- Je t'avais dit que c'était dangereux.

Un soupir de soulagement lui échappe alors qu'il vérifie qu'il n'est pas blessé. Christian ne le lui aurait jamais pardonné s'il l'avait ramené de leur petite escapade abimé.

- Ça va ?

Un hochement de tête lui répond alors qu'il lit la panique dans son regard. Ses yeux clairs se posent ensuite sur ses mains. Il tend ses doigts pour se saisir du poignet droit. Il nettoie délicatement la paume abimée dans laquelle des petits gravillons se sont enfoncés. Il ne voit pas le regard écarquillé de Max quand il finit par porter l'intérieur de la main à sa bouche pour y déposer un doux baiser comme il le fait pour son neveu quand il est blessé.

- Eh voilà, réparé.

Il relâche la main qui retombe mollement contre le corps du jeune adulte qu'il aide à se relever. Il a un sourire amusé quand il essaie de s'épousseter mais que la terre orangée se retrouve bientôt encore plus étalée.

- Reste ici, je termine et ensuite, on ira se baigner.

Il se dépêche de récupérer l'ensemble de ses moutons bien aidé par son chien, le second cheval galopant à côté du sien. Il retrouve son ami assis à l'ombre d'un arbre quand il revient le chercher.

- Allez grimpe.

Il lui tend la main et voit toute l'appréhension dans les iris clairs.

- Promis, je te tiendrai fort.

Il finit par se laisser entrainer. Il glisse un bras autour de sa taille, maintenant fermement le blond contre son torse alors qu'il mène son cheval en direction de l'étendue d'eau. Le soleil se reflète sur le liquide clair, envoyant des milliers de petits éclats lumineux dans toutes les directions.

- On est arrivé.

- C'est beau.

Il descend de l'animal et réceptionne le plus jeune dans ses bras, le faisant lentement descendre de la selle pour lui éviter une nouvelle chute. Ils se jettent dans l'eau chauffée par l'astre solaire depuis le début de la journée. L'eau vole de tous les côtés. Il se fait entrainer en dessous, il entraine Max en dessous. Ils chahutent, crient, rient, hurlent, puis finissent par se dorer la pilule.

Quand ils reviennent doucement sur le dos de Tornado, Daniel ne peut s'empêcher de remarquer que pas un seul instant il n'a pensé à son cœur brisé. Et immédiatement, il sait grâce à qui celui-ci s'est réparé.

Quand Max se retrouva les fesses posées sur un cheval à tenter de suivre Daniel dans les plaines australiennes, Max comprit que Daniel avait raison de répéter qu'il n'y avait pas que la formule un dans la vie. Parce que maintenant, il y avait Daniel aussi.


daniel est peut-être incapable de dire non, mais max c'est pire haha. suite soit vendredi, soit ce week-end :)

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