Le jour où Max a fait imploser son cœur

azerbaïdjan, 2018

La voix de Christian tonne dans la pièce à côté de l'endroit où ils attendent. La colère de l'australien est pourtant telle qu'il ne glisse pas ses doigts entre ceux du néerlandais quand il le voit commencer à trembler. Il détourne ses yeux sombres pour ne pas voir les larmes qu'il sait peupler ses yeux clairs. 

— Dan... Je...

Il ne tourne pas le regard vers lui. Il sait très bien que son cadet ne va pas s'excuser. Parce que ce n'est pas ce que Max fait. Jamais.

Non, Max demandait, demandait, demandait. Et Daniel donnait, donnait, donnait. Et Christian donnait, donnait, donnait. Et Red Bull donnait, donnait, donnait. Et ce jour-là, Daniel en a plus qu'assez de se laisser marcher sur les pieds. 

Alors il le laisse se débrouiller. De toute façon, c'est le néerlandais et pas lui qui est responsable du fait qu'ils se soient tous les deux crashés. Comme à chaque fois, Max a été agressif. Comme à chaque fois, Max a fait un mouvement dangereux pour ne pas se laisser dépasser. Et une fois de plus à cause de lui un autre pilote en a payé les frais.

Il ne peut pas s'empêcher de finalement jeter un léger coup d'œil à sa gauche. Les mains se sont plaquées contre ses oreilles fermement comme pour se protéger des cris et hurlements. Les épaules sont secouées par les tremblements à chaque fois que la voix s'élève un peu plus fortement. Daniel sent son cœur qui se serre violemment.

— Vous n'êtes que des enfants, incapables de gérer vos émotions. Des gosses avec des melons énormes et incapables de respecter le travail mené par toute l'équipe. Vous vous rendez compte de ce que vous avez fait ? Vous êtes complètement inconscients !

Son regard s'attarde sur le visage baissé du blondinet qui parait avoir rajeuni de plusieurs années. Il remarque ses poings fermés puissamment et qui tremblent. Les reproches et critiques tombent sans relâche. Jamais il n'a vu l'anglais dans une colère aussi noire que celle dans laquelle il se trouve. Les mots claquent dans la pièce, résonnent dans les quatre coins de celle-ci, ricochent sur les murs et à chaque nouvelle phrase, il voit le plus jeune dont le corps est de plus en plus secoué. 

Malgré son énervement, Daniel ne supporte plus de voir ses prunelles azurées fixées sur le sol se noyer dans leurs larmes un peu plus chaque seconde. Il relève son regard noirci vers Christian qui est en train de leur envoyer une énième pique sur leur incapacité à travailler ensemble. Il se mord l'intérieur de la bouche pour ne pas lui dire de la fermer alors qu'il sait au mouvement que vient de faire Max qu'il est en train de pleurer. 

La voix claque une nouvelle fois et la chaise a un tressautement. Il ne voit que les frissons parcourant le corps du jeune adulte et le mouvement de recul qu'il a suite à une phrase prononcée encore un peu plus fortement. Max est en train de paniquer.

— Christian... Arrête... 

— Comment ça arrête ? Parce que vous avez arrêtés vos conneries quand on vous l'a demandé de notre côté ? Tu as voulu jouer et tu vas en subir les conséquences Ricciardo, donc je te prierai de ne pas me couper. 

Il comprend immédiatement que son chef n'a pas compris. Lui pourtant si prompt à saisir toutes leurs expressions est trop énervé pour faire preuve de son incroyable empathie. 

— Je... C'est que... 

Il ne parvient pas à trouver les mots qui lui feraient prendre conscience de la situation sans l'évoquer. D'un geste de la tête, il désigne son jeune coéquipier dont les yeux brouillés de larmes ne quittent plus ses pieds et dont les poings ne veulent plus se desserrer. L'expression s'adoucit sur le champ, comme si la vue de son pilote venait de drainer toute sa colère. Le regard bleuté s'attriste également tandis qu'une pointe de culpabilité y apparait. Immédiatement le ton diminue et l'aîné ne peut empêcher un léger soupir de soulagement de lui échapper.

Quand leur chef a fini ses remontrances et que la salle se vide, il se précipite vers Max. Il l'enveloppe de ses bras. Mais les mains du cadet ne viennent pas se glisser dans son dos comme à leur habitude et la tête ne s'enfonce pas dans son torse ou son cou comme elle est pourtant censée le faire. Le corps de Max reste figé, ne bougeant pas d'un millimètre. 

— Il m'aime plus. 

Le murmure brise le silence et l'horreur s'abat dans son cœur. Il ne déteste rien de plus que voir Max en proie à ses démons.

— Maxy, regarde-moi, c'est un fait de course. D'ici une semaine il aura oublié. On peut être en colère contre quelqu'un et continuer de l'aimer pour autant. 

Il pense alors qu'il en est une véritable preuve. Il est là pour lui alors qu'il avait juste envie de lui envoyer son poing dans la tronche pour l'ensemble de son œuvre ce week-end là quand il avait dû descendre de sa monoplace brisée quelques heures plus tôt. 

Il ne comptait d'ailleurs plus le nombre de disputes avec sa sœur terminées dans les coups, les larmes et les cris quand ils étaient petits. Pourtant, elle était toujours là pour le défendre quelques heures plus tard si des lycéens s'attaquaient à lui.

Mais cette fois-ci, dans les iris, il ne lit que de la perdition. Il n'a jamais vu le jeune pilote dans cet état et il comprend qu'il est en train de l'éloigner quand il refuse de se tourner vers lui.

Il a l'impression de revenir des années en arrière, de voir le gamin entrant sur le paddock à seize ans. Celui qui ne souriait jamais et ne parlait à personne. Celui qui était uniquement là pour gagner. Celui si différent de cette personne que Christian et lui avaient façonnée au fur et à mesure des années.

— Max. Christian ne va pas arrêter de t'aimer. On va s'excuser, on va faire une bonne course dans deux semaines et il sera à nouveau fier de nous.

Il peste quand il réalise que le corps vient de trembler à l'entente de son prénom. Daniel a compris au fil des années qu'il ne l'aime pas réellement. Il a vu ses tressautements quand il l'utilisait alors il avait arrêté directement. Il a aussi vu son état de panique quand leur directeur d'écurie leur passait à tous les deux un savon.

Son corps est toujours tendu. Ses mains se saisissent délicatement de celles en boule de son jeune coéquipier. Il force l'ouverture des doigts un par un jusqu'à ce que les muscles de ceux-ci se détendent légèrement. Dans les paumes, de nouvelles marques sont gravées. Daniel sent son estomac se retourner. Ça n'aurait plus jamais dû se réaliser, et c'est de sa faute si c'est arrivé. 

— Je suis très désolé. 

Il effleure les lunes où le sang a commencé à perler. Il ne s'excuse pas pour tout le reste, mais des conséquences de leurs actions. Daniel n'aurait jamais pensé que ce soit de Christian qu'il doive un jour le protéger. 

Mais il comprend son directeur d'écurie. Lui aussi avait réagi ainsi quand son neveu avait disparu pendant plusieurs heures, partant cavaler dans la campagne sans le prévenir. Max n'avait juste aucun recul sur les relations suite à son enfance où ses sentiments avaient été complètement détraqués. Ses sentiments positifs comme négatifs sont trop liés à ses résultats automobiles depuis bien trop longtemps pour comprendre que l'anglais n'est pas réellement énervé, mais avait surtout eu trop peur pour ses deux protégés pour garder son esprit éclairé. Après des années à se sentir valorisé uniquement par des résultats, il n'a toujours pas compris que pour bien des gens l'amour ne fonctionne pas comme ça.

— Il n'est plus fier de moi. 

Il écrase les larmes qui se mettent à rouler sur les joues et tente de plonger ses yeux marron dans ceux rougis. 

— Il a eu peur Maxy, il a cru qu'on allait se blesser. Ça va passer.

L'absence de réactions le terrifie. La lueur féline et sauvage qui s'installe dans les yeux océan également. Max a l'air d'un animal sauvage blessé, et Daniel y est bien trop habitué. Il a appris à s'en méfier dans sa ferme quand Max n'était même pas né. Il ne pensait juste pas que le jeune pilote viserait directement sa jugulaire. 

— De toute façon, c'est de ta faute tout ça. Je te déteste. 

Les mots s'infiltrent dans ses oreilles, ricochent sur ses tympans, progressent dans ses nerfs. Ils s'insinuent dans son cerveau. Quand le traitement de l'influx nerveux est réalisé, il a l'impression de se faire embrocher le cœur. 

En face de lui, Max est rouge, dans ses prunelles bleutées, il n'y a aucune trace de joie, d'amitié ou de tous autres sentiments heureux qui trainaient normalement toujours dans celles-ci lorsqu'il le regardait. Cette vue arrive à ses cornées, elle ricoche sur ses rétines, progresse dans ses nerfs. Elle s'insinue dans son cerveau. Quand le traitement de l'influx nerveux est réalisé, il sent son cœur se faire transpercer.

Max le détestait.

Le silence de Max le brise. Il a l'impression d'être revenu des années plus tôt. Lorsqu'il l'observe il revoit le jeune qui débarquait chez Red Bull. Celui qui lui adressait à peine la parole. Celui qui avait un monde entier à découvrir parce qu'il ne connaissait rien d'autre que les voitures, pas même l'amour familial et l'amitié.

Le Max rieur lui manque. Le Max cherchant toujours à le faire rire lui manque. Le Max s'invitant dans sa chambre pour refaire le monde en sa compagnie lui manque. Le Max qui s'est invité sans demander dans sa vie et est devenu son ami lui manque. Et surtout le Max qui lui plaît un peu quand il le regarde de ses beaux yeux bleus lui manque.

Sa décision est prise. Il ne veut plus lui faire de mal comme cela a pu être le cas à Baku. Il n'a pas envie de le revoir dans cet état là. Même s'ils étaient deux responsables savoir que les larmes qui coulaient provenait d'une situation qu'il avait pour partie provoquée le brisait.

Le mieux est donc de changer. Partir pour être sûr de ne plus jamais affronter le néerlandais. S'échapper avant que Christian doive choisir entre ses deux protégés. S'ils sont dans deux équipes différentes alors peut-être que leur rivalité absente les empêchera de se briser. Et d'eux deux, il est celui qui n'a pas besoin d'une seconde famille parce qu'il en a déjà une aimante. Alors même si c'est une immense partie de sa vie, il peut bien laisser Christian et Red Bull à Max si ça peut lui apporter la stabilité et le bonheur.

— Je pars chez Renault à la fin de la saison. 

— Très drôle Danny. 

Max reprend sa route comme s'il ne venait pas de lui annoncer son départ. Sa main halée rattrape son poignet. Un sourcil s'arque et il prend conscience que le plus jeune n'en croit pas un mot et ne se doute de rien. Cette idée lui retourne légèrement le ventre. Il s'attendait à ce qu'il ait quelques doutes, pas à devoir lui briser le cœur pour lui annoncer.

— Max attends s'il te plaît.

Il voit la joie se désagréger face à son visage sérieux et disparaître des prunelles alors que le blond réalise. Les yeux se brouillent de larmes qu'il ne veut pas voir.

— T'avais promis Daniel. Tu m'avais promis de rester et de toujours me protéger.

Sa promesse faite des mois plus tôt lui revient à l'esprit et il s'en veut. Il reste silencieux n'arrivant pas à faire face à la douleur de son cadet. Pourtant c'est exactement pour ces raisons qu'il le fait. Pour rester à ses côtés et parvenir à le protéger, il se doit de s'en éloigner. Ils ne peuvent continuer ainsi ou il sera celui qui va le blesser.

La vision de son cadet descendant de la voiture de Christian le lendemain matin le brise. De l'autre bout du paddock il peut voir ses traits tirés par un sommeil certainement agité et ses yeux rougis d'avoir trop pleuré. Il reconnaît le chat qu'il serre contre sa poitrine. S'il est proche de la boule de poils qu'il lui a offert, il est rare qu'elle soit présente sur le paddock avec lui. Et c'est toujours quand il a besoin de réconfort qu'il la colle si fort contre son corps.

Le jeune pilote se retrouve devant lui. Son regard exprime colère et une infinie tristesse. À travers les prunelles azur il saisit son immense détresse. Max inspire un grand coup comme s'il cherchait du courage. Il voit ses bras qui se resserrent encore un peu sur Ouragan. Il le comprime si fort contre son torse que le félin lâche un miaulement mécontent. Les lèvres de Max répondent immédiatement en déposent un doux bisou sur le haut de son crâne.

— Pourquoi tu pars ? 

Les yeux rougis plongent dans les siens. Les cernes sont visibles sous les yeux bleutés, signe que le néerlandais n'a que peu dormi. Lui aussi n'a pas fermé l'œil de la nuit. La colère et la détresse présentes sur le visage le tourmentant.  

— J'avais envie d'un nouveau projet. 

— C'est à cause de Baku ? Parce que je peux parler à Christian, lui dire que c'était de ma faute.  

— Maxy, réveille-toi, l'univers ne tourne pas autour de toi. On fait pas tous tous nos choix en fonction de toi.  

Sa voix claque et il est agacé d'y entendre autant d'énervement. Il sait que Max cherche des réponses. Mais il n'en a pas à ses questions, pas qui lui conviendrait de toute façon. En face, les prunelles se peuplent de nouveau de larmes tandis que la lèvre du bas du néerlandais se met à trembloter.

— Laisse-le Daniel.

La voix de Christian résonne à côté tandis qu'il passe un bras autour des épaules du plus jeune. Il déteste cette impression que le directeur d'écurie est en train de le protéger de lui. Il n'a pas à être protégé de lui, c'est lui qui le protège du monde entier depuis deux années.

— GP t'attend pour des réglages Max.

Son regard se plante dans celui de l'anglais dès que le plus jeune s'est éclipsé. Les prunelles se lancent dans un combat qu'il sait ne pas pouvoir gagner. Pas alors que les yeux rougis l'ont déjà à moitié mis à terre. Il lit l'énervement dans le regard, et l'immense déception qui luit dans ses rétines est un nouveau coup porté sans que le moindre mot soit prononcé.

— Mais...

— Il s'en remettra et il finira par comprendre ton choix. Je te promets d'essayer de lui parler et de lui faire entendre raison. Mais tant que ce n'est pas le cas ne t'approche pas de lui, j'ai pas envie de l'entendre une nouvelle fois pleurer toute la nuit.

Quand les mots résonnent, son cœur déjà ébréché finit d'imploser.

Quand il quitta les lieux, Max s'effondra. Les larmes s'abattirent sur ses joues comme pouvait le faire une pluie orageuse lorsqu'elle tombait du ciel. Parce que si l'australien avait raison et que l'univers ne tournait pas autour de lui, son univers tout entier gravitait autour de Daniel.

on est pas bien là pour teaser un peu ce week-end haha ! c'était pas prévu qu'il tombe cette semaine mais ça va bien au final !

suite semaine pro je pense. les deux derniers chaps étaient quasi écrits donc j'ai pu les boucler depuis mon tel mais c'est pas le cas de la suite :)

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