Le jour où Daniel a protégé son cœur

monaco, 2018

L'hymne australien résonne dans le ciel monégasque et le sourire de Daniel brille tant alors qu'il est sur la plus haute marche du podium qu'il concurrence le soleil. Ses yeux sombres cherchent Christian dans la foule et se fixent quelques secondes sur son visage fier. Ils se tournent ensuite à la recherche de son coéquipier. Mais rien n'y fait, Max n'est pas présent. Le brun sent son cœur s'emplir de déception alors qu'il aurait aimé le voir être heureux pour lui.

Le champagne est envoyé dans sa direction et le glace tandis qu'il ruisselle sur lui. Il crie quand Sebastian lui en propulse dessus et que ça glisse sous sa combinaison venant couler à l'arrière de son cou. Le rire de Lewis retentit en réponse et il ferme les yeux quand l'alcool que l'anglais lui envoie lui pique les cornées. 

Après plusieurs minutes de célébrations, de photos et de joie sur l'estrade, il finit par quitter les lieux. 

— Il était où ? 

Son directeur d'écurie lui adresse un regard désolé. 

— Son père...

Son sang ne fait qu'un tour. Il est pétrifié. Son bonheur s'évanouit et sa colère qu'il contenait avec difficulté face au côté mauvais perdant de son coéquipier se recentre ailleurs sur l'instant. Ses prunelles flamboient quand elles se fixent dans les yeux embêtés de l'anglais. 

— Pourquoi il est là ? 

Son éclat de voix résonne trop fortement dans le couloir où se mêlent diverses écuries. Les mécaniciens, pilotes et autres membres des staffs présents se tournent vers eux, la curiosité sur chacun de leurs visages. 

— Christian, pourquoi tu l'as laissé entrer ?

— J'ai rien pu faire c'est Max qui l'a invité.

Il contient les insultes qui manquent de lui échapper. Son cerveau est en ébullition alors qu'il réfléchit à tous les endroits où le néerlandais peut être en train de se cacher.  

— Il est où ? 

Seul le silence lui répond. 

— CHRISTIAN ! Il est où ?! 

La panique s'empare de lui à l'idée de retrouver son coéquipier blessé. Il lit la même crainte dans les yeux bleutés. Autour d'eux, le silence s'est fait. Il a l'impression d'être le centre de toutes les attentions. Il se met à courir en direction de l'arrière de la pièce. 

— Daniel ! Attends !!

Il accélère, laissant le plus âgé derrière lui. Il se dirige en vitesse vers le garage. Quand il entre dans les lieux, les regards étonnés des mécanos se tournent vers lui. Il le parcourt rapidement. Pas de Max. 

Il décolle en direction de la salle de réunion. Ses yeux marron dans lesquels brillent la panique s'écrasent sur chaque recoin de la pièce. Pas de Max.

Il se dirige donc tout aussi vite vers le motorhome du néerlandais. Il ne voit pas où il pourrait être d'autre que dans sa chambre s'il n'est pas dans les autres lieux. Max est là. Max est là comme son papa. 

La voix claque de l'autre côté de la porte. Il peut palper la colère à travers le fin morceau de bois. Les reproches semblent tomber encore et encore. Les résultats positifs sont oubliés et seuls les critiques existent. Le positif s'évanouit au profit des défauts. 

Il n'a pas envie d'en entendre plus que les dix secondes où les mots bon à rien, nul et déception se sont enchaînés. Il toque, ses phalanges venant doucement claquer contre la porte. Celle-ci s'ouvre brusquement. Mais ce n'est pas le néerlandais qui se tient dans l'encadrement. Les iris sombres le cherchent à travers le faible espace sans le trouver. 

— Pourquoi tu nous déranges Ricciardo ? Je suis occupé avec mon fils. 

Il contient la colère qui gronde. Il plante son regard dans l'autre, tente de se redresser pour paraitre plus fort qu'il ne l'est. Leurs yeux s'affrontent dans une joute silencieuse qu'il n'a pas envie de perdre. 

— J'avais remarqué. 

Il joue de l'ironie. Il sait son énervement palpable.  Il grogne quand la porte se referme sur son pied qu'il a glissé rapidement pour l'empêcher qu'elle lui soit reclaquée au nez.  

— Christian nous attend pour le débrief. Ça fait un quart d'heure qu'on attend Max. 

Les yeux du plus âgé le sondent. Il tente de garder un air impassible alors qu'il ne se savait pas aussi bon menteur.  

— On finira cette conversation plus tard. 

La voix s'élève alors qu'il se fait bousculer quand l'ancien pilote sort de la pièce dans laquelle il se précipite. Il tombe immédiatement sur Max, le regard perdu dans le vide alors qu'il est assis sur une chaise. Il claque la porte derrière lui et se précipite vers son coéquipier, alors que les sanglots contenus auparavant commencent uniquement à résonner. 

— Maxy. C'est bon il est parti.

Il n'ajoute rien et se contente de s'accroupir à ses côtés. Il contient ses doigts avec lesquels il voudrait délicatement l'entourer. Les yeux océan noyés de larmes se relèvent vers lui. 

— Dan... 

— Viens-là chaton. 

Les bras entourent immédiatement son cou alors que le plus jeune se blottit contre lui. Il referme les siens autour de son corps et vient le serrer contre lui. Les doigts de sa main droite glissent dans les mèches blondes alors qu'il rapproche la tête de son torse où elle s'enfouie.  L'australien reste silencieux tandis qu'il protège le néerlandais de tout ce qui pourrait venir du monde extérieur. 

Il finit par tenter de s'éloigner pour mettre un message à son directeur d'écurie. Ça grommelle contre lui. Il se recule quand même légèrement, faisant glisser ses pouces sur les joues humides pour en écraser les larmes désormais en train de sécher. 

— Je mets juste un sms à Christian. 

La tête a un léger mouvement de haut vers le bas. La réponse est immédiate, elle leur donne rendez-vous le lendemain pour le débrief qui a été décalé. Il fouille ensuite dans ses poches pour en sortir une barre au chocolat qu'il tend au blondinet. Son visage s'illumine légèrement tandis qu'il l'aperçoit. 

— Tu crois que je peux ? 

— Pourquoi tu pourrais pas ?

— Peut-être que si j'étais plus léger...

Ses mains se crispent. 

— C'est Brad qui t'a dit ça ? 

Un hochement négatif lui répond, tandis que le regard l'évite. Il sait que le plus jeune se pose trop souvent la question. Il voit parfois son regard triste quand il croise son regard dans une glace. Alors que lui-même perd trop de poids en course et doit se forcer à manger pour garder son poids de forme, son cadet lutte continuellement pour ne pas en prendre. Il pince le menton entre son pouce et son index, tournant le visage pour que les yeux viennent croiser les siens. 

— Alors tu n'as pas à écouter quelqu'un d'autre que lui ou Christian. Tu conduis pas depuis longtemps, tu feras d'autres erreurs, même si c'est vrai qu'elle était particulièrement ridicule. 

Il éclate de rire et son cœur loupe plusieurs battements quand il voit le sourire amusé s'étalant légèrement sur le visage précédemment renfrogné du néerlandais.

— On rentre manger à la maison ? En plus j'ai une surprise pour toi là-bas Maxy. 

Ses lèvres s'étirent quand les iris se mettent à briller. Son cadet adore les surprises et il l'a rapidement compris. Depuis, il n'hésite pas à lui en faire. 

— A ta maison ? A Monaco ? 

Un léger rire lui échappe devant l'étonnement et la timide curiosité de son coéquipier. Aussi devant l'idée qu'elle pourrait être dans une de ses autres maisons à l'autre bout du monde. 

— Oui à Monaco. Mais avant est-ce que je peux voir tes mains ? 

La voix est douce tandis qu'il sent le corps se tendre contre lui. Le regard est perdu alors qu'il sait que Max déteste le fait qu'il soit au courant. Les mains finissent par lentement se poser sur ses paumes tendues vers le haut. Elle s'ouvre lentement et un soupir lui échappe quand les marques d'ongles rentrés trop profondément dans sa chair s'affichent. 

Il les effleurent du bout des doigts alors qu'il perd espoir de ne plus jamais en voir. C'est pourtant la première fois que c'est le cas depuis des mois. Elles sont faibles par rapport à toutes les précédentes fois et il s'accroche à cette idée. Cette fois-ci, il n'a pas à les désinfecter. Les doigts se referment sur les siens alors qu'il allait les éloigner. 

— Merci d'être là. 

— Tu sais très bien que je serai toujours là pour toi. 

— C'est vrai ? 

Les yeux bleutés transpirent l'espoir. Ils retournent l'australien qui presse légèrement les phalanges glissées contre les siennes.  

— Bien sûr que c'est vrai. 

Il ne voit pas un futur ou un monde où il s'éloignerait de son cadet. Ni un futur ou un monde où il ne serait pas là pour lui et pour le protéger et le réconforter. 

— Promis ?

Il vient naturellement glisser son auriculaire dans celui de Max comme il l'a déjà fait des dizaines de fois au fil des semaines et mois. Max demandait et il promettait, sur un peu tous les sujets. Laissant un peu de lui au blondinet à chaque fois qu'il disait oui sans vraiment réfléchir aux promesses qu'il faisait tandis qu'il laissait des morceaux de lui juste pour le faire sourire.

— Ferme les yeux. 

Il quitte la pièce. Son cœur accélère légèrement quand il voit les paupières recouvrant toujours parfaitement les prunelles azurées quand il revient dans la pièce quelques minutes plus tard. Savoir que Max plutôt sur le qui-vive d'ordinaire lui fait autant confiance le rend infiniment heureux.

— Tends les mains. 

Les paumes se dirigent vers lui et il dépose le cadeau dans celles-ci. Le nez de Max fait des mouvements, se fronçant légèrement. Ses sourcils s'arquent également alors qu'il tente de comprendre ce qu'il vient d'obtenir. 

— Tu peux ouvrir. 

Daniel se délecte de la joie qui prend place sur le visage du blond quand il comprend. Elle brille et face à lui, il a l'impression que le néerlandais est un feu si intense qu'il pourrait le brûler. Un sanglot s'étrangle dans la gorge du plus jeune dont les yeux se peuplent de larmes. 

— Coucou toi. 

Les doigts s'approchent doucement de la boule de poils qui tient presque dans sa main. 

— C'est pour moi ? 

— Oui Maxy, j'ai jamais été trop félin. 

Il observe les mains glisser sur le chaton et son sourire ne plus quitter les lèvres de Max. 

— Comme ça même quand je serai pas là, tu l'auras toujours pour penser à moi et te réconforter.  

Les iris sont désormais fixées dans les siennes et ne les quittent plus. Il n'arrive pas à s'en détacher alors que le temps semble s'arrêter pendant plusieurs minutes. Il se noie dans ce regard qu'il aime tant. Il donnerait tout pour voir Max aussi heureux chaque jour de l'année. Il donnerait tout pour que personne jamais n'arrive à le rendre malheureux et le faire douter. Il lit encore et toujours cette adoration qui fait battre son cœur un peu plus vite, retourne légèrement son estomac et diffuse une agréable chaleur dans son corps. 

Il ne réagit pas quand les lèvres se portent aux siennes. Il profite du léger contact. Il ferme ses yeux sombres et déplace une main dans les cheveux châtains pâles. Il cède à ses envies du moment. Son autre main agrippe le haut du sweat aux couleurs de son écurie du pilote pour le rapprocher légèrement. 

Max l'embrasse et c'est ce dont il rêvait. Max l'embrasse et c'est bien trop parfait. Max l'embrasse et il aimerait que ça dure une éternité. 

Max l'embrasse et il est temps de se réveiller. Max l'embrasse et Daniel est rattrapé par la réalité. 

Il le repousse. C'est une erreur. Ils sont coéquipiers. Christian ne lui pardonnerait jamais s'il savait. Christian ne lui pardonnerait jamais d'embrasser ainsi un jeune coéquipier. 

Il se recule subitement, la panique remplaçant les sentiments s'emmêlant quelques secondes plus tôt. Il repense à Max arrivant à Red-Bull, à Max et tout le monde qu'il devait découvrir. La différence d'âge le heurte alors qu'il revoit ses traits encore enfantins quand il le suivait partout sur le paddock deux ans plus tôt. Max est trop jeune pour lui. Il est beaucoup trop vieux pour lui. 

Le visage qui l'observe désormais exprime quelques regrets et une grande douleur liée au rejet. 

— C'est parce que je suis nul que tu veux pas de moi ? 

Il roule des yeux. 

— Quoi ?! Mais non ! Mais c'est juste que...

— Parce que t'es comme mon papa, tu trouves que jamais j'aurais dû taper hier et je suis pas un assez bon pilote pour être avec toi ? 

— Maxy, arrête avec ça, t'as vu ton nombre de podiums cette année, bien sûr que t'es un incroyable pilote, tu vas encore progresser et tu feras plus des erreurs comme ça. 

Il n'a pas le temps de développer. Dire qu'il s'en veut toujours quand son regard sombre traine ce qu'il juge comme trop longtemps sur lui. Dire qu'il l'observe, trop souvent. Dire qu'il l'attire parfois trop pour leurs propres biens. Dire qu'à chaque fois que c'est le cas, il cherche à le sortir de ses pensées quand il repense au fait qu'ils sont coéquipiers et qu'il est beaucoup trop âgé pour lui. Encore plus quand il pense à quel point il a façonné la personne qu'il est.

— Alors pourquoi tu veux pas ? 

Il combat l'idée de l'embrasser pour le faire taire. Parce que c'est peut-être tout ce qu'il veut, mais il ne peut pas. Il ne voit pas comment il pourrait être avec un Max encore si dépendant des réactions de son père. Max est peut-être majeur mais il réagit encore bien trop souvent comme un enfant. 

— Je... 

— Si je suis champion du monde, est-ce que je serai assez bien pour toi ? 

Les yeux clairs sont légèrement embués et sa gorge se noue. Il sait très bien qu'en repoussant Max, il protège juste son cœur de ce qu'il pourrait se passer si ça se savait. Il ne peut pas lui mentir ou lui dire non, mais dire une nouvelle fois oui serait bien trop risqué. Il opte pour la méthode normande d'après ce que lui a un jour expliqué Pierre. Une méthode consistant à ne pas trancher.

— Peut-être.

Quand Max s'endormit ce soir-là, son chaton était blotti contre lui. Il l'avait observé pendant des heures en pensant au fait que Daniel lui avait offert ce dont il rêvait depuis qu'il était enfant. Quand il le regardait, il ne pensait plus à son rejet et à son cœur qu'il avait senti se fissurer. Pour une fois, Daniel lui avait dit non sur ce qu'il voulait le plus au monde, lui. Mais il s'était transformé en peut-être et c'était le plus important pour lui. S'il fallait qu'il soit champion du monde pour que l'homme le plus souriant du paddock, celui qui illuminait ses journées et veillait toujours sur lui veuille bien de lui, il le serait. En attendant, l'australien avait eu raison, la présence de la petite boule de poil qu'il aimait déjà trop le réconfortait alors que ses pensées divaguaient trop vers les mots crachés plus tôt dans la journée, des mots que jamais Christian ou Daniel n'auraient prononcés ou même pensés.




suite lundi :) 

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top