Le jour où Daniel a prêté son cœur

malaisie, 2017

L'alcool traine dans ses veines, pulse dans ses artères et doucement, la tête de Daniel se met à tourner. Les basses qui résonnent dans la salle font trembler jusqu'à ses os. La musique lui perfore les tympans. Un verre est renversé sur lui et il se retourne pour voir les prunelles bien embêtées de son jeune coéquipier. 

— Attention chaton. Ben alors, on regarde pas où on va ? 

 Il éclate de rire en voyant la moue qui s'affiche immédiatement sur le visage de Max. 

— Arrête de m'appeler comme ça. 

Il l'attire à lui, passe un bras autour de ses épaules et le serre un peu trop fortement contre lui. 

— T'aimes pas chaton comme surnom, chaton ? 

Le corps se débat dans son étreinte mais pas suffisamment pour se libérer. Pourtant, s'il le désirait vraiment il sait que le plus jeune n'a plus le corps de gamin qu'il avait lorsqu'il avait mis les pieds à Red Bull pour la première fois. Désormais, il n'est pas certain de gagner un corps à corps avec lui. 

Il entend les grommèlements en néerlandais de son cadet et cela lui arrache un sourire. Il n'en comprend jamais un traitre mot mais il aime l'entendre parler dans sa langue natale. Elle est très loin d'être aussi chantante que l'espagnol ou le portugais de certains de ses collègues mais c'est la langue de Max, donc elle lui plait. 

— Non. 

— Grrrr, le chaton miaule et grogne. 

Cette fois-ci, le corps lui échappe. Il le rattrape par le poignet alors qu'il s'enfuit. 

— Maxy. Maxy reste, promis je l'utiliserai plus. 

— Tu dis ça à chaque fois et tu continues quand même. 

Il soupire devant le cinéma fait par son ami. Il boude et cela l'amuse fortement. 

— Oui, mais cette fois-ci, je promets pour de vrai. Croix de bois, croix de fer. 

Sur ces paroles, il crache par terre aux pieds de Max qui regarde la salive s'écraser devant lui sans comprendre. Et puis son visage se transforme lentement pour afficher du dégoût, mêlé à de la surprise et de l'incompréhension. 

— Beurk, t'es dégueu. 

— Ben non, c'est comme ça qu'on scelle une promesse. Crache toi aussi. 

Les yeux bleutés s'écarquillent. Dans les prunelles claires de Max, il a l'impression d'être atteint d'une folie soudaine. Cela lui arrache un rire cristallin qui se mêle à la musique.

— Allez Maxy. 

Daniel sait que Max ne lui résiste jamais lorsqu'il le supplie de la voix, du regard et avec l'entièreté de son visage. Ses lèvres finissent par se relever en un léger sourire. Ses iris trainent dans la pièce comme pour vérifier que personne ne le regarde et son crachat rejoint celui de l'australien sur le carrelage de la boite de nuit. Le sourire déjà présent auparavant sur le visage du brun s'agrandit jusqu'à s'étendre jusqu'à la base de ses oreilles. Dans cette boite de nuit, alors que Max vient de sceller sa promesse, Daniel resplendit. 

— Mais c'est nul comme façon de faire une promesse. 

— Parce que tu les fais comment toi les promesses ? 

Un auriculaire se tend et il comprend où il veut en venir. Il avance alors sa propre main et vient serrer le doigt avec le sien. Le sourire qui vient s'étaler sur le visage de Max et l'éclat qui se met subitement à briller dans son regard le retournent. Il a l'impression de se faire happer par le bonheur qui irradie du jeune adulte. 

Il se promet de toujours tout faire pour le rendre aussi heureux qu'il l'est à cet instant, quitte à faire des pinky promise avec lui sur tous les sujets possibles et imaginables.

— Tu peux t'occuper de lui ?

Il hoche la tête quand un ingénieur lui ramène le blond complètement saoul un peu plus tard dans la soirée. Pendant quelques temps, Daniel a dansé, oubliant son coéquipier. Mais le revoilà, les pupilles dilatées, la démarche chancelante et les joues rougies par la chaleur et l'alcool ingurgité. 

— Dannyyyy ! 

Le blond s'effondre contre lui et il tombe à la renverse sur le canapé sous le poids du corps écrasé contre le sien. Le rire éclate dans son oreille. Le souffle bat contre sa joue et il se perd dans l'odeur entêtante du shampoing à l'amande du néerlandais. Celui qui emplit parfois trop ses narines et qu'il reconnait si facilement. 

— Je crois que j'ai perdu mes clés. 

Un nouvel éclat de joie résonne dans ses tympans. Il repousse le corps qu'il trouve subitement trop proche du sien quand l'image de Max recouvert de champagne et buvant sans se poser la moindre question dans la chaussure qu'il lui avait tendue quelques heures plus tôt lui remonte à l'esprit. Il secoue la tête pour chasser les restes de la vue de son coéquipier aux pupilles euphoriques et à la boisson coulant depuis sa bouche sur son menton, puis dans son cou et enfin glissant sous le col de sa combinaison et se répandant en dessous. 

Il combat aussi les images encore plus présentes des festivités de leur podium qui avaient suivi dans sa chambre d'hôtel. Sa main se portant à ses hanches pour le maintenir alors qu'il manquait de basculer en enlevant ses chaussures dans l'entrée. Le corps du blond se reposant contre le sien tandis qu'ils étaient installés dans le canapé. La combinaison nouée autour de sa taille laissant apparaitre un torse moulé par le haut ignifugé. Sa bouche se portant directement au goulot de la bouteille afin d'avaler de grandes lampées tandis qu'ils se la passaient. Il cligne plusieurs fois des paupières dans l'espoir d'oublier.

Le corps repose contre le sien quand il l'extrait du taxi et l'entraine derrière lui dans les couloirs de l'hôtel. Il porte sa main à la bouche de son cadet qui n'arrête pas de papoter, le tout en étant tout sauf discret. Il l'éloigne avec un soupir désespéré tandis que son corps se fige pendant quelques secondes quand la langue vient s'y porter. 

Le rire éclate immédiatement, brisant la quiétude des lieux. Il roule des yeux. 

— Arrête d'essayer de m'étouffer. Je pouvais plus respirer. 

Il écrase l'humidité sur son pantalon avant de réentrainer le blond à sa suite. 

— D'accord je te bâillonne plus, mais tu te taies !  

La tête est secouée énergiquement. Il parvient à rejoindre sa chambre silencieusement. Il ouvre la porte habillement. Il se baisse et dénoue les lacets du blond et l'aide à maintenir son équilibre lorsqu'il lui retire ses chaussures délicatement. Et puis il le guide à travers la pièce jusqu'à le pousser sur les draps soudainement. Face à lui, le blond qui se met à rire allégrement a les prunelles qui brillent dangereusement. Il le laisse là dans l'espoir qu'il s'endorme rapidement. 

Pourtant quand il revient après avoir enfilé d'autres habits pour la nuit et s'être brossé les dents, le cadet est toujours éveillé et ne le quitte pas du regard quand il se glisse sous les draps lentement. 

— Allez, Maxy au dodo ! 

— Il fait trop chaud. 

Il soupire bruyamment. Il ne pensait pas qu'il était possible d'être plus difficile à coucher qu'un de ses neveux. Mais apparemment, faire dormir un Max bourré était nettement plus compliqué. 

— T'as qu'à enlever ton pull. Et je t'ai ramené un autre T-shirt si tu veux te changer. 

— Noooonnn...

Il roule ostensiblement des yeux, la colère montant légèrement. Mais elle disparait rapidement pour faire place à l'amusement. Malgré sa désapprobation Max semble prendre en compte son conseil. Mais il est désormais empêtré dans le tissu et n'arrive pas à le retirer. 

— Dannyyyy, aide moi je respire plus. 

Quel drama queen quand il s'y mettait. Il essaie de l'aider pour éviter au dernier moment un coup de poing alors qu'il se débat avec ses manches et sa capuche. 

— Tout doux chaton. 

Le surnom lui échappe avant qu'il ne s'en aperçoive tandis qu'il attrape délicatement les poignets du benjamin. Ça balbutie de l'autre côté du sweat et bientôt un torse finit par apparaitre. Et puis un visage. Son regard s'écrase trois trop longues secondes à son goût sur la peau blanche. Il détourne le regard un peu troublé de se sentir obligé de le faire pour la première fois alors que le plus jeune tente tant bien que mal d'enfiler et de faire retomber son T-shirt sur lui. 

— Merci Dan. 

Le corps se laisse retomber dans les draps et la tête sur l'oreiller. Le silence se fait et il se dit qu'il va bientôt pouvoir dormir, le néerlandais semblant s'être un peu calmé. Il laisse la lumière faiblement allumée pour qu'il puisse se lever aisément s'il en ressent le besoin.

Un léger mouvement fait craquer le lit et bouger le matelas. Bientôt, il sent des doigts glissant sur sa peau. Il lui faut quelques temps pour comprendre qu'ils tracent les contours de ses tatouages. 

— Qu'est-ce qu'ils représentent ? 

La voix emplie de sommeil est faible quand elle s'élève. 

— Des personnes, des passions, des souvenirs. 

— Est-ce que moi aussi je pourrais être dessus ? 

Le murmure s'élève tel un secret dans la chambre partagée. 

— Peut-être, tu voudrais quoi ? 

Le silence revient et Daniel croit que le plus jeune s'est enfin endormi. Mais les doigts finissent par de nouveau bouger. Ils glissent de son bras à son T-shirt pour venir se poser sur sa poitrine, pile là où palpite son cœur.  

— Une patoune de chat ou de lion ? 

Les doigts le brulent là où ils jouent pendant quelques secondes avant de se retirer. 

— T'aimes bien quand même ton surnom chaton ? 

Ça babille contre sa peau avant qu'un léger coup lui soit porté. Lorsqu'il tourne la tête vers le plus jeune, il a enfoui son visage dans l'oreiller mais il voit nettement le rouge qui se diffuse lentement sur ses joues. 

— T'es pas obligé d'être timide comme ça, il te va bien. 

— Pourquoi chaton ? 

— Parce que t'es encore qu'un petit félin qui pique et mordille beaucoup, mais croque pas trop. 

Les prunelles bleutées finissent par quitter leur cachette qui plonger dans les siennes tandis qu'un doux sourire s'installe sur le visage au regard embrumé. 

— Je préfère quand même les lions. 

— Peut-être, mais tu seras toujours mon chaton. Mon tout petit chaton. 

Les rires éclatent alors que ses doigts viennent s'attaquer aux côtes de l'autre. Le drap valse alors qu'il se débat. Des larmes finissent par apparaitre sur le coin de ses yeux et Daniel s'arrête. Il est subjugué par la vue. Il déglutit quand il comprend ce qu'il est en train de faire, puis finit par détourner le regard. Il se laisse retomber sur le dos et se concentre sur le plafond. C'est pas mal comme vue un plafond. Le silence les enveloppe tandis qu'il écoute Max reprendre doucement son souffle. 

— Si je te grave dans ma peau, je veux que tu le fasses en retour. 

Demande qui lui échappe avant qu'il n'ait eu le temps de réfléchir. Requête d'un homme ayant un peu trop bu pour saisir ses véritables désirs. 

— Mais c'est pas beau un blaireau Danny. 

Il sent la voix qui s'estompe et les respirations qui ralentissent.  

— Mais promis je trouverai autre chose. 

Il sent l'auriculaire qui vient se glisser dans le sien, le serre un court instant et se détend. Il n'ose pas le détacher alors que le sommeil vient de rattraper son coéquipier. Ce sont donc les doigts liés qu'ils s'endorment dans les draps bleutés. 

Et Daniel se surprend bien trop souvent à penser à un tatouage gravé quelque part sur le corps pâle de Max qui le représenterait. De l'encre injectée en lui pour faire d'un petit morceau du corps du blondinet sa propriété. Il soupire quand il se surprend une énième fois à rechercher des dessins de pattes de chat. Il devenait urgent qu'il arrête avec ça, même si pendant quelques secondes de temps en temps, l'idée de l'avoir gravé sur son cœur, là où les doigts de Max avaient trainé tandis qu'il lui prêtait quelques secondes, est tout ce qu'il désirait. 

Quand Daniel émit l'idée qu'il put se graver un bout de lui sur sa peau, Max sut immédiatement que le stade de l'hypothèse était dépassée. Quelques heures après que Daniel soit sa première promesse comme il avait vu avec jalousie les autres enfants en faire quand il était petit, Max en fit en retour une pour la première fois de sa vie. Celle que quelque part, l'encre teinterait sa peau pâle pour inscrire Daniel en lui. Il pouvait bien lui laisser un morceau de son corps en le recouvrant de couleurs, après lui avoir déjà légué son cœur.

j'espère qu'il vous a plu. suite mercredi normalement.

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