Le jour où Daniel a oublié de protéger son cœur
arabie saoudite, 2021
Le bruit des bombes résonne dans son esprit et Daniel sursaute à chaque claquement un peu trop fort de porte dans l'hôtel. Il ne parvient pas à trouver le sommeil. Il pense à ce qu'il voit dans les émissions depuis qu'il est enfant mais qu'il n'a jamais vécu. La guerre, les morts, les explosions étaient des concepts lointains, jusqu'à ce jour-là. Il sait que tout ceci s'est passé à des kilomètres de là mais la peur l'étreint, mettant l'intégralité de ses sens en alerte.
Il a eu du mal à se dire que c'est normal ici, que le monde ne s'arrête pas de tourner pour un simple dépôt détruit, quand le sien s'est figé quelques heures plus tôt. Il ne comprend pas non plus comment on peut les mettre ainsi en danger en connaissant le risque pris en venant ici.
Son téléphone s'allume sur sa table de nuit et il le récupère immédiatement. La notification indiquant qu'il a reçu un sms de la part de Max s'affiche en grand. Il l'ouvre sur le champ.
Tu dors ?
Il soupire devant la simple phrase et il comprend qu'il n'est pas le seul qui ne parvient pas à trouver le sommeil. Il a un instant oublié le blond, lui qui déteste tout ce qui est trop bruyant et soudain, souvenir d'une enfance où les verres étaient brisés et les assiettes volaient.
Non.
Il ne renvoie pas le toi ? qui lui brûle pourtant le bout des doigts. Il sait que ça aurait fait rire Max s'il l'avait reçu dans un autre contexte.
J'ai peur Danny.
Il n'a pas le temps de répondre qu'un second message arrive.
Tu peux venir ? 612.
Il n'hésite pas une seule seconde. De toute façon, il sait qu'il n'arrivera pas à s'endormir, alors autant passer un peu le temps avec son ancien coéquipier. Il enfile un sweat par dessus son t-shirt et un large short avant de quitter sa chambre en direction de l'étage supérieur. Il est silencieux alors qu'il traverse le couloir, ne tenant pas particulièrement à répondre aux questions de Christian, par exemple, sur sa présence en terres ennemies.
Il toque mais personne ne vient lui ouvrir. Il finit par appuyer sur la poignée et celle-ci s'ouvre. Il espère ne pas s'être trompé.
— Chaton, t'es là ?
Un son lui parvient de la pièce d'à côté. Il ouvre plus grand la porte de la chambre déjà entrouverte. Le spectacle dont il est témoin fait ressortir tous ses instincts protecteurs dont il se sert beaucoup moins qu'avant.
Le corps du néerlandais est roulé en boule alors qu'il serre Ouragan fortement contre lui. Si d'ordinaire, il aurait souri à cette vue, ce n'est pas le cas cette nuit-là. Une sirène résonne au loin et son corps sursaute en même temps que celui du pilote allongé.
Il entre dans la pièce et s'approche du lit où le blond est recroquevillé. Il s'assoie sur le bord du lit avant de déposer doucement sa main sur celle du plus jeune qui parait tétanisé.
— Va falloir que tu lâches Ouragan ou il va finir étouffé, pauvre bête.
Les bras se desserrent légèrement à ses mots tandis que les prunelles azurées se relèvent vers lui. Une fine pellicule d'eau salée recouvre les orbes qui ont le don de l'hypnotiser.
— Tu crois qu'on va mourir ?
Le silence se fait. Pendant quelques longues secondes, plus rien ne brise la quiétude de la chambre où il s'est glissé.
— J'ai pas envie de mourir sous une bombe, si je meurs je veux que ce soit en conduisant.
L'idée le terrifie mais il le comprend. Quitte à mourir jeune autant que ce soit en faisant sa passion. Tel un marin appartenant à la mer ou un alpiniste à la montagne, le corps, l'âme et le cœur de Max appartiennent à un circuit de formule un. Il vit, mange et dort uniquement pour cela.
Il dépose doucement une de ses mains sur celle de Max, l'effleurant de ses doigts pour le réconforter, la seconde venant glisser sur son épaule dénudée alors que la manche de son T-shirt est relevée.
— La seule chose qui va mourir c'est ta boule de poils si tu la libères pas chaton.
Il force l'ouverture des bras du néerlandais. Le chat noir ouvre alors ses yeux verts et l'observe, ne le quittant pas du regard. Pour une bestiole qu'il vient peut-être de sauver, elle parait fort énervée.
— Pourquoi ton chat me juge encore ?
Un léger rire finit par s'échapper de la bouche de Max. Quelques secondes plus tard, elle est posée sur la tête de son félin qui se met à ronronner, non sans ouvrir régulièrement ses paupières pour l'observer et lui lancer de nombreux regards de travers. Daniel se dit que ce bétail était bien plus commode quand il n'était qu'un chaton. Max l'a beaucoup trop gâté et maintenant, il ne semble accepter que la présence du blond. L'unique exception à son sale caractère semble être Christian sur qui il le voit parfois perché à l'autre bout du paddock. Il se souvient encore ses yeux bleus devenus soudainement un peu vitreux quand Max lui avait demandé de façon très solennelle s'il voulait être le parrain de la tornade noire responsable de bien des maux dans son bureau des années plus tôt.
— Il a raison de juger tes cheveux décoiffés.
Le rire du brun emplit l'atmosphère en réponse. Les doigts paraissent se détendre sous les siens. Bientôt, une main se détache d'Ouragan pour aller glisser dans ses cheveux bouclés, les ébouriffant encore un peu plus. Les yeux bleutés ne le quittent pas alors qu'il ne parvient pas à en détacher les siens.
— Hey.
La main posée sur l'épaule s'en arrache pour venir glisser tendrement sur la joue alors que la tête du blond repose toujours dans son oreiller.
— Heya chaton, ça va mieux ?
La tête a un léger mouvement affirmatif. Daniel note que malgré ses bras n'entourant plus son animal celui-ci reste blotti contre son maître lui léchant à plusieurs reprises le bout des doigts jouant avec sa fourrure comme Max le fait toujours quand il a besoin de réconfort.
— Je suis content que tu sois là.
A chaque seconde passant, il voit le corps du pilote Red Bull doucement se détendre et la peur s'évanouir de ses traits. A chaque seconde passant, son sourire auparavant absent s'installe un peu plus sur les traits de son visage tourné vers lui. A chaque seconde passant, il réalise l'impact qu'il a sur Max et inversement et les battements de son cœur accélèrent légèrement.
Les doigts agrippent un peu ses mèches, les emmêlant encore plus qu'elles ne le sont déjà d'avoir bien trop tourné et retourné dans ses draps la tête sur son oreiller.
— Arrête, après ils vont être encore plus désordonnés et Ouragan va me lancer des regards mauvais.
— J'aime bien quand t'as les cheveux ébouriffés moi, je te juge pas comme mon chat.
Il approche naturellement sa tête, permettant un meilleur accès à sa chevelure, répondant au souhait avant même qu'il ne soit énoncé. Son pouce roule sur la joue sans discontinuité. Sa tension est drainée de son organisme alors que les doigts grattent le haut de son crane et s'attardent par instant sur le haut de son cou, là où ses mèches prennent naissance.
— Est-ce que tu veux bien rester ?
Il effectue un plongeon pour se retrouver sur le côté vide du lit double dans lequel est enfoui le blond. Il ouvre ses bras et il se retrouve avec Max glissé dedans une fraction de seconde plus tard. Son cœur s'affole une seconde quand son souffle bat dans son cou où il a installé sa tête. Et puis il sent l'intégralité de son organisme se relaxer. La crainte, la peur, le stress, tout s'évanouit dans la nuit alors qu'il resserre son étreinte sur son ami.
Max ne dit plus rien et lui non plus. D'un geste habile de la main, la lumière est éteinte. Leurs corps allongés se retrouvent plongés dans le noir le plus complet. Il calque sa respiration sur celle du néerlandais, sentant ses sens doucement s'apaiser.
Dans les bras de Max, il a l'impression que plus rien ne peut lui arriver. Autour d'eux, le monde pourrait exploser qu'il se sent protégé. La dernière chose qu'il sent avant de parvenir à s'endormir, confortablement calé contre son cadet sont des lèvres effleurant sa joue.
— Merci Danny, je savais que tu serais toujours là pour me protéger.
— Danny. C'est l'heure.
La voix rauque matinale de Max le réveille alors qu'un rayon de soleil vient taper sur son visage. Il remue dans les draps où il est enfoui, confortablement installé sur son ventre, alors que les doigts effleurent doucement sa joue. Il finit par ouvrir ses yeux sombres alors que sa tête continue de reposer sur son oreiller. Ils tombent dans ceux azur l'observant calmement. Un léger sourire s'installe sur son visage en réponse à celui du blond.
— Dan, est-ce que tu peux... ?
Ses joues se mettent à rougir alors qu'il comprend où le néerlandais veut en venir. Il retire son bras qui encerclait son cadet et recule dans les draps. Il se racle la gorge avant de faire demi-tour et de regarder le plafond.
— T'as bien dormi ?
Ses mots s'élèvent en direction du ciel. Il sent un bras qui l'entoure alors que le plus jeune vient déposer sa tête contre son torse.
— Oui. Merci d'être venu.
Il se fait alors la réflexion que lui a également particulièrement bien dormi. Alors que le stress l'envahit souvent les veilles de course, découpant son sommeil et l'empêchant de pleinement se reposer, cela n'a pas été le cas cette nuit. Une fois endormi, bercé par les lentes respirations du pilote Red Bull et les incessants ronronnements de sa bête à fourrure, il s'est endormi pour ne plus jamais se réveiller.
Il baisse le regard sur les cheveux blonds étalé sur son T-shirt, il vient machinalement y glisser ses doigts. Il finit par s'en détacher. Il devenait indispensable qu'il arrête de s'imaginer toujours se réveiller à ses côtés.
A côté, le corps s'étire légèrement, le T-shirt se relevant et laissant apparaitre la peau pâle sur le bas de son ventre. Un éclat noir et jaune attire ses yeux. Mais avant qu'il ne puisse l'observer plus attentivement, le tissu est retombé. Son téléphone se met alors à sonner, l'empêchant de réfléchir à la symbolique potentielle du tatouage qu'il vient de caresser du regard.
— Il va falloir que j'y aille. On se voit tout à l'heure ?
Il obtient en réponse un léger murmure approbateur, mais Max ne fait rien pour quitter sa chaleur. Il finit par se détacher de lui, sachant qu'il le reverra dans même pas une heure. Lorsqu'il l'observe, croisant son regard le suivant alors qu'il quitte les draps empli de son odeur, il pense à ce que pourrait être sa vie s'il était réveillé chaque matin par ses doigts glissant sur sa peau avec douceur. Un soupir lui échappe tandis qu'il a l'impression qu'il effleure le bonheur.
Il se laisse reposer une seconde sur l'encadrement en bois, repensant à la peau recouverte de couleurs. Le tatouage tranchait avec sa pâleur. En ce disant qu'il lui est peut-être destiné, son corps est parcouru d'une douce tiédeur. Il traverse les couloirs en pensant uniquement à ce qu'il a jadis eu au bout des doigts et qu'il a refusé peut-être uniquement par peur.
Quand il arrive sur le paddock, il ne pense qu'au blond ce matin-là et à son air enchanteur. Mais lorsqu'il le cherche, il le trouve en pleine conversation, son rire se mélangeant à celui d'une ingénieure. Il a l'impression de prendre un coup là où Max s'est réinstallé si facilement uniquement parce que durant quelques heures Daniel a oublié de protéger son cœur.
Max sentit son rythme cardiaque se calmer et son corps se relaxer alors que Daniel l'étreignait. Sa crainte disparut petit à petit. Il ferma les yeux et se laissa entrainer dans le royaume des songes, son bel australien le tenant dans ses bras et le protégeant de tous ceux qui pourraient vouloir le blesser. Il stoppa la patte de chat cherchant à aller le taquiner de ses griffes, il allait falloir qu'il gère son félin qui ne semblait pas être particulièrement enclin à le partager avec lui. Il y avait pourtant suffisamment de place pour eux deux dans son appartement, dans son cœur et dans sa vie.
et là, dans le couloir, ce bon vieux Seb les épie ahah !
je suis perplexe du résultat de ce chap alors que j'aimais vraiment l'idée avant de l'écrire.
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