Mon chez moi
Arrivant devant un immeuble Haussmannien du 7ème arrondissement de Lyon, à quelques mètres des quais du Rhône, Sébastien s'arrête.
- Nous sommes arrivés.
Il se gare. Je relève la tête pour mieux apprécier. C'est un bel immeuble à la façade réhabilitée. Nous descendons tous ou presque. Laura a préféré ne pas venir, nous laissant en tête à tête, « à quatre ». J'ai apprécié cette délicatesse.
Sébastien sonne à l'interphone. Mme Martins nous fait entrer. Elle nous attendait. Un accent portugais émaillant chacun de ses mots, je dois me concentrer pour comprendre tout ce qu'elle dit. J'ai toujours eu du mal avec cet accent alors même que je suis polyglotte.
- La petite dame du cinquième ! Que je suis contente de vous revoir. se réjouit-elle. J'ai gardé vos affaires bien au chaud tous ces mois.
- Mes affaires ?
- Un taxi a ramené ça pour vous. Il paraît que vous êtes sortie en courant aussitôt entrée dedans. Je n'ai rien touché. Vérifiez.
Sébastien prend le sac à main avant de me le tendre.
- Tes clés doivent être à l'intérieur. me dit-il.
- J'ai un double. fait-elle remarquer. Je vais vous ouvrir si vous ne trouvez pas votre jeu.
- Merci madame, avec plaisir. je lui réponds.
Les cartons, Madame Martins et moi prenons l'ascenseur tandis que les garçons et Éléa prennent les escaliers. Cinquième étage.
L'ascenseur est tellement lent que nous arrivons après les grimpeurs.
Deux appartements se trouvent sur le palier. Les portes palières sont de belle facture. Madame Martins nous ouvre.
La première chose qui me saute aux yeux est la propreté du lieu. Apparemment Max est de mon avis.
- Incroyable comme ça brille ! fait-il remarquer.
- C'est sûr, je fais le ménage tous les jeudis ici, comme ça, c'est toujours propre. se félicite madame Martins.
- Tous les jeudis ? Depuis des mois ? je m'exclame.
- Oui.
- Comment faites-vous ? je reprends.
- Je passe l'aspirateur puis la serpillère. Je fais les vitres et la poussière.
- Ce que mon epou... pardon... Catherine veut dire c'est comment faites-vous pour être payée ?
- Je prends ce qui me revient dans le bocal comme je faisais avant votre disparition. Je n'aurais peut-être pas dû continuer ?
- Si bien sûr que si. C'est juste que vous ne deviez pas en prendre suffisamment car depuis tout ce temps il ne devrait pas rester grand-chose.
- C'est que votre colocataire en a remis avant de partir.
- Mon colocataire ?
- Oui, le monsieur Parisien. Il continuait à venir tous les weekends comme avant. Moi je lui laissais les clés quand il arrivait comme avant et il me les rendait le lundi en partant comme...
- avant. la coupe Sébastien.
- C'est bien ça. Comme vous ne m'aviez donné aucune consigne, j'ai continué à le laisser entrer.
- Et ce colocataire parisien on pourra le rencontrer quel jour de la semaine ? l'interroge Sébastien.
- Vous ne le rencontrerez pas. Il ne reviendra plus monsieur. Il me l'a dit la dernière fois que je l'ai vu, c'était début octobre.
- Et vous pensez qu'il reste encore assez d'argent pour combien de temps ?
- Je ne sais pas. C'est qu'il y mettait surtout l'argent du loyer. Pour le ménage, il en reste beaucoup, je ne prends que 30 euros à chaque fois que je viens.
- Je vous remercie Madame Martins.
- Appelez-moi Maria. me répond-elle.
- Et moi ça sera donc Catherine.
- Je vais vous laisser maintenant. Vous me reposerez les clés en partant, enfin si vous voulez toujours que je vienne les jeudis.
- Nous passerons vous voir avec la clé en partant. Merci pour tout Maria.
Maria sort en fermant la porte derrière elle. A peine le bruit de l'ascenseur entendu Éléa s'exclame « enfin seuls ! »
- Oui, nous allons pouvoir explorer ce bel appartement. Je n'arrive pas à croire que j'ai les moyens de louer un appartement pareil.
- Tu ne le loues pas Catherine. me fait remarquer Sébastien.
- Non ! On me le prête ?
- Il est à toi.
- Tu plaisantes !
- Tu l'as acheté avec ton héritage il y a plus de 5 ans. Il était alors occupé. Quand tes locataires sont partis, il y a un an environ, Tu l'as remis à neuf pour le relouer. Finalement c'est toi qui l'as occupé.
- Je vois. Je ne me souvenais pas de tout ça. J'ai d'ailleurs encore du mal à appréhender la mort de mes pauvres parents...
- Et papa votre séparation ! ironise Éléa en faisant un clin d'œil à Sébastien.
- Ce n'est pas drôle. s'insurge-t-il. Cette situation n'est facile pour personne. Et puis, tu n'as pas intérêt à le répéter devant Laura.
- Maintenant que j'ai une deuxième maison je ne crains plus tes menaces en l'air. le taquine-t-elle.
On se met tous à rire. C'est si bon de ne pas sentir l'oppression des silences. Je comprends Sébastien quand il nous imagine encore mariés. Moi-même je n'ai pas d'autres souvenirs que cet état. Je suis tout de même contente de constater que je ne m'en suis pas si mal tirée.
L'appartement est très bien agencé. Il doit faire plus de cent mètres carrés. En face de l'entrée on accède à un vestibule menant à une cuisine américaine avec une salle à manger jumelée à un grand salon. A gauche de l'entrée on trouve une buanderie ainsi qu'une salle d'eau avec WC. Quant à la droite, elle voit partir un couloir desservant trois chambres. L'une d'elles ressemblant à une suite parentale est sans doute la mienne. On y trouve en plus du coin nuit, un beau bureau sculpté en ébène et un imposant dressing. Y trônent les photos des enfants.
Les deux autres chambres se trouvent en face de la mienne et sont séparées par une salle de bain. Les meubles du salon et de la salle à manger sont sobres mais de belle facture. Ils sont de couleurs foncées ce qui contraste avec les murs, tous peints en blancs. Des tableaux accrochés aux murs forment les seules notes joyeuses dans ce décor. Le sourire me vient quand j'y reconnais la signature de ma fille.
Que c'est bon d'être chez soi.
- J'ai compté l'argent dans le bocal, il y a 2503 euros. Ça fait 83 semaines de ménage. se félicite Max.
- 2503 euros ! Qui a pu mettre tout cet argent ? je m'exclame.
- Ton coloc pardi ! plaisante Éléa. C'est sans doute l'argent du loyer. Du coup, s'il ne revient plus, on pourrait visiter toutes les chambres.
- Je préfère pas. Imagine qu'il ait laissé ses affaires. Je n'aimerais pas qu'on viole mon intimité alors je ne toucherai pas à sa chambre. Et toi non plus Éléa.
Éléa et moi commençons à regarder les vêtements dans ma penderie pendant que les garçons installent les cartons dans un coin du dressing.
- J'ai l'impression que tout est trop grand pour moi. Je me désole.
- Pas tout, maman. Regarde de ce côté, les vêtements sont plus petits. Tu pourrais prendre les affaires les plus simples.
Éléa commence à mettre des affaires dans la valise. Je la regarde faire. J'ai l'impression de ne servir à rien. Je m'assieds à mon bureau et commence à le caresser. J'aime la sensation du bois vernis sous mes doigts.
- Voilà maman, je crois que j'ai tout mis.
- Merci chérie.
- Tu crois que je peux te prendre ce tailleur ? Il doit être à ma taille et il serait pas mal pour les entretiens.
- Prends ce que tu veux chérie.
- Merci ma petite maman que j'aime.
- C'est l'heure de partir. nous presse Sébastien. Les affaires sont prêtes ?
- Oui, Éléa m'a tout préparé.
- Tu ne devrais pas laisser autant d'argent dans le bocal. fait-il remarquer. Tu pourrais en avoir besoin.
- Oui, tu as sans doute raison. On va en enlever 1500.
Max se précipite sur le bocal et en récupère la somme citée. Il me tend l'argent. Je décide d'en garder 500 avec moi, j'en laisse 500 à chacun des enfants. Ils n'en voulaient pas mais se sont laissé convaincre. Après tout, c'est Noël.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top