Messe de minuit

N'ayant de minuit que le nom, la messe de Noël reste une grande tradition dans la famille Échard.

19h45, nous sommes déjà installés au fond de l'église. La nef est archi bondée. Je regarde autour de moi à la recherche d'un souvenir que j'aurais pu semer ici ou là...

Mon cœur commence à s'émouvoir. Je n'arrive pas à savoir pour quoi. Je n'ai pas peur. Je me sens chez moi. Mon regard s'arrête à gauche de l'Autel. Une lumière rouge m'attire. Elle m'appelle. Je me lève, sans un regard en arrière. Le long de ma route des murmures me suivent, me poursuivent. Je m'avance. Je mets un genou à terre. Mes larmes m'envahissent. Devant le tabernacle, j'étais enfin à la maison.

Une main se pose sur mon épaule. Je lève la tête, les yeux encore brillants, le nez reniflant. J'observe. Nos regards se croisent. Son sourire m'emplit de joie. Je lui souris. Il me tend un mouchoir et me raccompagne à ma place. Il part ensuite vers la sacristie. Serait-il mon Païkan ?

La musique démarre puis le chant, la procession commence. Des lumignons par dizaines dans les mains des enfants, et un poupon en porcelaine dans les bras du prêtre. Il chante, avance, se tourne vers moi et me sourit. J'avais envie de crier « NON ».

Pourquoi « non » ?

Je ne le sais pas mais mon cœur est aux abois.

De l'homélie, je n'ai retenu que quelques mots : Dieu est Amour et parce qu'Il est Amour, Il nous a donné son Fils Unique.

La messe terminée, Max a tenu bon. Ces deux heures ont pourtant été longues. Pendant la messe je m'étais assise entre Éléa et lui. Il me prenait souvent la main comme un enfant qui a besoin de se rassurer. Moi j'aimais ça. Être mère est peut-être la seule chose que j'ai réussie.

Je me prépare à m'en aller. Une voix m'arrête. Je la reconnais.

- Catherine ! il m'apostrophe.

Je me retourne, c'est bien lui toujours en tenue d'homme d'église.

Je le fixe et n'arrive pas à sortir un son, je regarde autour de moi à la recherche d'un secours...

Sébastien me tend la perche.

- Le père Bruno est le curé de la paroisse. Vous aviez des contacts réguliers avant ta disparition.

- Des contacts ? je l'interroge. Quel genre ?

- Tu as fait beaucoup de bénévolat à la paroisse. Le père Bruno devait être un interlocuteur privilégié.

Je me retourne alors vers le père, mon regard plein de remords. J'aurais dû me rappeler. J'aurais aimé me rappeler. Mais rien.

A cet instant, je voyais l'homme qu'il est et non l'homme d'église.

Pourquoi « non » ?

- Viens nous voir à la cure quand tu seras rétablie. Tu as encore mon numéro j'espère ?

- En fait... je balbutie

- Elle n'a aucune idée de ce que sont devenues ses affaires. Nous le lui transmettrons si elle en fait la demande. lui répond Sébastien.

- Je vois. lâche Bruno.

La déception s'entendait dans sa voix.

Que s'est-il passé ici ? Sébastien semble ne pas trop l'apprécier. Pourquoi ? J'aimerais en savoir plus. Ce ne sera pas pour aujourd'hui. Je me promets de revenir. Je dois juste m'armer de patience.

Nous sortons tranquillement de l'église. Plusieurs mains viennent serrer les miennes. Je ne reconnais personne mais joue le jeu. Ils disent bonjour à Éléa aussi mais ne s'intéressent ni à Laura ni aux messieurs.

- Que s'est-il passé ? je questionne.

- Nous en parlerons à la maison. me rétorque Sébastien.

Je regarde Sébastien me répondre. Le ton de sa voix ne laisse pas place à la discussion. Il ne sourcille pas. Un malaise ?

- Je crois que Catherine aimerait juste savoir pourquoi tous ces gens sont venus la saluer. fait remarquer Laura.

- Pour te regarder de plus près sans doute. ironise Sébastien.

- De plus près ? j'hésite.

Il semble si irrité. Laura reprend la discussion en main.

- Ces gens vous aiment beaucoup. Ils se rappellent votre maladie. Du jour au lendemain plus personne n'avait de vos nouvelles. Ils viennent s'assurer que vous allez bien. Voilà tout.

- Que des vautours... surenchérit-il

- Ce n'est pas ce qui m'a le plus gêné. Je m'exclame offusquée. Enfin, je suis la seule à l'avoir remarqué ? A quelques exceptions près, ils n'ont salué personne d'autre que moi.

- Maman, la plupart ne connaît pas ton mari. Ou plutôt ton ex. Ils savent juste que je suis ta fille. Et puis tu es partie avant votre séparation. A l'époque je leur disais que tu étais partie te faire soigner. Avec le temps, et ton absence prolongée, personne n'osait plus en parler.

- Je comprends mieux. Merci ma chérie.

- Je t'en prie ma petite maman que j'aime.

Ces quelques mots remontant du fond des temps m'ont confortée dans l'idée que j'ai besoin de mes enfants. Ils sont mon chez moi. Ils sont ma vie.

À la lumière de tout ce qui vient de se dérouler et surtout de l'irritation de Sébastien, des questions affluent en masse : qui est Bruno pour moi ?

Et toujours la sempiternelle question qui ne me quitte plus : qui suis-je ?

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