Le choc

Je me suis levée pleine d'entrain ce matin. J'attends patiemment l'arrivée de Marie dans ma chambrette du centre MEARY. Je l'imagine me faire la leçon sur mon alimentation mais je me dits qu'elle aurait bien raison. Je ne suis pas rassurée pour autant. Un truc bizarre m'est arrivé cette nuit, des frissons m'ont secouée plusieurs heures durant et m'ont tenue éveillée beaucoup trop longtemps...

- Je peux entrer, demande Marie en frappant à la porte.

- Je vous en prie, entrez, je lui réponds avec un sourire timide.

- J'ai le résultat de vos tests de ce matin, ce n'est pas bien brillant. Qu'avez-vous donc fait de votre corps à Lyon ?

- Je n'en ai pas la moindre idée. J'avais tout le temps une boule au ventre et je n'arrivais pas à manger. Je me forçais pourtant à manger au moins la ration d'hyperprotéinés.

- Deux kilos, c'est ce que vous avez perdus.

- Je ne pensais pas que ça en faisait autant. J'avais mis 3 mois à les prendre. 15 jours ont suffi pour les effacer. J'en suis navrée...

Ces derniers mots sortent comme un aveu de faiblesse. Je n'arrive pas à prendre soin de mon corps et ça me désole.

- Catherine, ce n'est pas tout...

- Comment ça ? je la coupe.

- Le scanner de contrôle, celui que vous avez passé il y a 15 jours, a révélé des taches suspectes.

- Ce n'est que ça, je réponds rassurée. Le radiologue me l'avait dit.

- Je sais ce qu'il vous a dit... Nous les avons comparées à vos clichés précédents : elles ont grossi.

- Ce qui veut dire ?

- Il y a plusieurs réponses possibles. me dit-elle hésitante.

- Dites toujours...

- La plus probable est que votre maladie avance plus vite que le traitement n'agit. Nous devons creuser un peu plus. Je sais que vous ne vouliez pas d'une biopsie mais elle devient incontournable.

- Ce n'est pas la biopsie qui me fait peur, mais l'anesthésie.

- Elle sera locale et je vous promets...

- Je la coupe, « Ne faites pas de promesse que vous n'êtes pas sûre de tenir. Je ferai la biopsie mais pas aujourd'hui. J'ai besoin de mettre mes affaires en ordre d'abord. De plus il faudrait que je mette Henri au courant. Je ne peux décemment pas m'absenter dès mon premier jour de travail.

- J'appellerai papa mais ne vous en faites pas, ce n'est qu'une biopsie.

- Dites-moi Marie, que se passerait-il si en ouvrant vous voyez les dégâts d'il y a 10 mois ?

- Ça ne se peut, me répond-elle un peu gênée.

- Mais encore ?

- Nous serions obligés d'intervenir...

- En anesthésie locale ?

- Ça me paraîtrait compliqué.

- Promettez-moi de ne pas m'endormir alors. C'est une promesse que vous pouvez faire.

- Vous ne comprenez pas Catherine, si nous voyons que l'opération est indispensable, il y en aurait pour plusieurs heures, vous ne pourriez jamais résister...

- Je tiendrai bon, je la coupe déterminée, il le faudra.

Je me retrouve au point de départ, toutes ces interventions et une de plus. Quand est-ce que tout ça va s'arrêter ?

Avec Marie, nous convenons de la mise en place d'une alimentation parentérale exclusive. Ne voulant pas solliciter le passage d'un professionnel plusieurs fois par jour, l'infirmière du service me met en place une voie périphérique à demeure. Elle me montre comment l'entretenir et m'explique comment mettre en place les différentes perfusions. Je devrais pouvoir m'en sortir. Il faudrait juste que je m'arrange pour rentrer chez moi tous les midis.

C'est un coup dur, je me retrouve plusieurs mois en arrière avec un corps qui rejette à nouveau toute vie. Pourquoi ? J'ai envie de crier ce mot mais je ne dis rien ; comme toujours mes yeux se perdent dans le vague. Dans ma tête tout se mélange et je repense à Alexandre. Il me manque terriblement. Au début de mon séjour parisien, il ne passait pas un jour sans que je l'appelle ou qu'il m'appelle. Nous nous parlions même plusieurs fois par jour. Ça me rassurait, je savais que s'il n'avait pas de mes nouvelles, il était capable de tout faire pour s'assurer que j'allais bien. Avec mes enfants, nous nous parlons seulement une fois par semaine, je ne pourrais donc pas leur faire porter la responsabilité de s'assurer de la « continuité de ma vie ».

Les nouvelles sont mauvaises, je le sais, je le savais déjà quand j'avais vomi à Lyon. Je ne voulais juste pas ouvrir les yeux pour le croire. J'ai depuis à nouveau un goût de sang dans la bouche. Je suis revenue au point de mon séjour chez la Mamma. À qui dois-je me confier ? Ma tête va exploser. Je remets tout ça à plus tard. La perfusion est terminée, je vais pouvoir me rhabiller et partir. Je repasserai dans la soirée pour ma perfusion du soir et à partir de demain, quand le prestataire m'aura livrée, je serai autonome et pourrai m'en occuper seule à la maison.

Je prends un taxi pour rentrer me débarbouiller et me changer avant de me rendre au travail. J'essaie la nouvelle perruque que les enfants m'ont achetée. Elle est superbe, elle sera ma nouvelle coiffure pour les semaines, voire les mois à venir. L'état actuel de ma propre chevelure me mettant mal à l'aise, les enfants avaient eu cette belle idée de m'emmener faire du shopping chez un bon perruquier. Jusque-là je portais une perruque, premier prix, achetée à l'époque de mes chimios. Mais à mon niveau de responsabilités je devais améliorer ma présentation. Il fallait être raccord avec mes tailleurs gris ou bleus austères... rien que d'y penser, ça me fait sourire.

Arrivée chez moi, je prends machinalement mon combiné, j'appelle Alexandre. Quelle idée... je raccroche aussitôt. Mon téléphone est encore dans les mains quand il commence à vibrer, c'est Alexandre, je m'en veux mais je ne peux pas ne pas répondre. Je décroche.

- Catherine, il m'interpelle.

- Bonjour Alexandre, je suis désolée, je me suis trompée de touche, je ne voulais pas te déranger.

- Dis-moi ce qui ne va pas.

À ces mots je commence à pleurer, impossible de me contenir. Toutes mes craintes, toutes mes angoisses se déversent sur cet écran noir.

- Catherine, s'il te plaît, parle, m'intime-t-il. Je prends le premier avion si besoin...

Ces mots ont l'effet d'une claque, mes larmes s'arrêtent d'elles-mêmes.

- Je suis désolée je ne voulais pas t'embêter. C'est juste que je dois à nouveau subir une intervention... très peu de choses, en fait une biopsie... et j'avais besoin d'en parler avec quelqu'un.

- C'est prévu pour quand ?

- Je n'ai encore rien prévu, je voulais d'abord mettre en ordre mes affaires...

- Comment ça ? Mettre en ordre tes affaires ? Pour une biopsie ? Que me caches-tu ?

- Rien, je t'assure, tu me connais je fais une montagne de rien du tout.

- Justement je te connais suffisamment pour savoir que tu ne me dis pas tout. J'appellerai Marie si tu ne veux pas m'en dire plus.

- Elle n'en sait pas plus elle-même...

- Il m'interrompt, alors dis-moi ce que tu sais.

- Les derniers contrôles ne sont pas bons et j'ai reperdu du poids. Je suis à nouveau sous nutrition parentérale. Voilà tout ce que je sais.

- Re-vomis-tu ?

- J'ai vomi une fois, le soir de l'anniversaire de Max. Je ne l'ai pas refait depuis mais j'ai constamment un goût de sang de la bouche.

- Je vais venir.

- Tu ne peux pas. Il faut que tu penses à toi. Je suis vraiment désolée, j'aurais dû réfléchir avant de composer ton numéro. Comme toujours, je ne réfléchis qu'après.

- Non Catherine, tu as bien fait.

Pourquoi suis-je alors convaincue du contraire ?

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