La Nuit

La nuit fait rage, dans ma tête tout est gris.
Je suis seule affrontant mes peurs à l'infini.
Des rivages déserts sans odeur ni couleur
Des larmes couvrant mes joues du sel de mes pleurs.

Ces quelques vers expriment bien ce que je ressens en ce moment. Une solitude infinie m'assaille. Pourquoi les ai-je écrits ?

Je feuillette des cahiers de brouillon convertis en recueils de poésies. J'en ai noirci des pages, toutes pleines de pensées noires. Ma souffrance semblait tutoyer les cimes.

Aujourd'hui, malgré mes soucis de santé, je ne me sens pas mal au point de vouloir me tuer. J'ai mal pourtant. C'est une douleur que je noterais 8 sur une échelle de 10. Elle me semble toutefois plus douce que la violence de mes vers passés.

Pourquoi avoir pris ce verre ? Je n'aurais pas dû... Un St Joseph ne se refuse pas. 2013 un très bon millésime. Malgré tout j'aurais dû m'abstenir. Il m'a laissée pliée en deux. Pas étonnant qu'on m'ait interdit l'alcool. J'aurais préféré qu'on me dise avec modération. Je comprends maintenant pourquoi. A peine le vin tombé dans ce qui me sert d'ersatz d'estomac, que je me suis mise à me tordre de douleur. Je ne devais pas être bien belle à voir... Comme si ma crise de panique n'avait pas suffi...

Je voulais faire bonne figure à la base, moi.

Laura m'a préparé une tisane. Elle est très avenante. C'est une chouette fille.

J'arrive un peu à me redresser. Cette fois-ci je ne me suis pas éloignée. On m'a installée juste à côté dans un fauteuil tout confort en compagnie d'un doudou chauffé au micro-onde et d'une couverture. Ils ont fini de manger puis m'ont rejointe dans les canapés.

A minuit, Sébastien a posé le petit Jésus dans la mangeoire et nous avons prié le Notre Père avant de nous embrasser.

Nous avons fini la soirée à jouer à des jeux de société. Nous avons beaucoup ri. Je riais beaucoup aussi. J'avoue que j'ai beaucoup apprécié même quand je perdais.

Je suis allée me coucher avant tout le monde. Laura a tenu à m'y accompagner pour s'assurer que je ne manquerais de rien.

- Je vais vous aider à vous installer.

- Je devrais pouvoir y arriver, je vous remercie. Par contre si vous avez quelque chose à me dire, dites-le.

- Je ne voulais pas vous voler votre famille.

- Vous n'avez rien volé. je la rassure. Je l'avais abandonnée. Et puis c'est mieux ainsi. Ils ont plus besoin de vous que de moi. Avez-vous des projets de mariage ?

- J'aimerais beaucoup mais Seb ne le souhaite pas pour l'instant. se désole-t-elle.

- A cause de la dépense ?

- Je vois que vous le connaissez bien. J'aimerais que nous puissions inviter toute ma nombreuse famille et avec le bébé qui arrive c'est un peu plus compliqué.

- Si je peux vous aider, n'hésitez pas. Pour l'instant, je ne connais pas l'état de mes finances mais dès que je le pourrai, je reprendrai en charge l'éducation de mes enfants. J'espère par là pouvoir vous soulager un peu.

- Je vous remercie.

- Laura, j'aimerais que nous soyons amies. Je ne voudrais pas qu'il y ait de la méfiance entre nous. Ce que je souhaite c'est rebâtir les ponts qui me relient à mes enfants. Je ne cherche pas à reconquérir Sébastien ni à vous nuire.

- Je vous remercie pour ce geste. J'aimerais beaucoup aussi.

- Et pour sceller cette amitié, je vous propose de nous dire "tu". Comme disait Prévert dans Barbara "Je dis tu à tous ceux que j'aime même si je ne les ai vus qu'une seule fois".

Elle me prend la main par surprise et me demande gênée :

- Tu voudrais être la marraine de ma fille ?

Je manque de m'étouffer. Si je m'y attendais. Aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours voulu être marraine. Et là, on me l'offre sur un plateau. Un doute pourtant me fait hésiter. Si ce n'était l'incongruité de la situation, j'aurais accepté sans réfléchir. Étais-je à ma place ?

- Je ne sais pas...

Je vois la déception se dessiner dans son regard.

- Je comprends. regrette-elle

- En fait ça me plairait beaucoup. C'est juste que je ne pense pas être la bonne personne.

- Seb et moi en avons déjà parlé.Comme moi il pense que tu serais la plus à même d'être la meilleure des marraines.

- Attention, mes jambes me portent déjà assez mal... si tu continues à tout faire pour que mes chevilles enflent vous finirez par devoir me porter.

Nous éclatons toutes deux de rire. Il faut que je me rappelle que rire n'arrange rien à ma douleur. Laura me laisse alors seule parmi mes affaires du passé.

Après son départ, je lis quelques vers mais n'y trouve que tristesse et désolation. Étonnant pour moi qui aime tant la vie.

Demain, avant de retourner à l'hôpital, nous irons faire un tour dans l'appartement où j'ai vécu seule les quelques mois précédents mon hémorragie. Drôle de sortie familiale. Ça me permettra de poser tous ces cartons. Je pourrais de plus récupérer quelques vêtements et surtout sous-vêtements. J'ai hâte. En attendant, je remets ces cahiers noirs à leur place, j'avale tant bien que mal un hyperprot et je vais me coucher.

Cette fois plus de cauchemars, ce ne sont plus que des rêves pleins de projets. Mais toujours cette même question : « qui suis-je ? » qui ne veut pas me quitter.

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