La fuite

Il est 23h50, Alexandre et moi refaisons le monde avec des « si » et d'autres « et si ». Je passe une excellente soirée en sa compagnie. Ça ne me suffit pourtant pas, j'aimerais en savoir plus et lui demande de me parler de sa vie. Il semble gêné et préfère changer de sujet.

Je profite de ce temps de confusion pour appeler ma famille et lui souhaiter la bonne année. Je reste dix minutes en ligne à prendre des nouvelles de tous. A peine raccroché, il me retire le téléphone des mains et m'embrasse.

- Bonne année mon amour, tu m'as abandonné bien trop longtemps.

- Bonne année à toi aussi. je réplique en déposant un doux baiser sur ses lèvres.

Il réplique en m'entraînant vers le lit. Je comprends mieux l'utilité de la robe qu'il m'a choisie. Lui ne portant que son boxer haute couture. Nos corps rapidement nus se confondent.

Un malaise pourtant persiste dans mon esprit. Pourquoi ne parle-t-il jamais de lui ? Il sait pourtant tout de ma vie. A chaque question qu'il me pose je réponds aussi honnêtement qu'il m'est possible... Je n'arrive pas à fermer l'œil. Je me lève. Je quitte la chambre. Je prends un stylo et me mets frénétiquement à écrire mon désarroi.

Sujet d'étude ou amie, que suis-je pour lui ?
Amie n'aurais-je dû rester que platonique ?
Sujet d'étude n'aurais-je pas mieux compris ?
Ou suis-je si cynique ?

Pourquoi de son histoire rien n'a été dit ?
Est-ce de la réserve ou ma peur te nourrit ?
La réponse c'est sûr me fuira cette nuit
Prostrée, je te maudits.

Mes larmes coulent, de mes yeux elles me fuient.
Pourquoi tant de silences m'emmurent en lui ?
Quand de mes peurs je voudrais me sortir sans bruit.
Viens à mon secours si tu me veux pour la vie.

- Une nuit blanche n'est pas le meilleur moyen pour récupérer. lance-t-il.

- Je n'arrivais pas à dormir.

Il était derrière moi, depuis combien de temps, je ne saurais le dire. Il est venu se poser à mes côtés. Il pose sa tête sur mes genoux et s'allonge sur le canapé.

- Je suis orphelin de père et mère. commence-t-il.

- Je suis désolée.

- Si tu as envie d'en savoir plus sur moi, il faut m'écouter sans m'interrompre sinon je ne suis pas sûr de pouvoir poursuivre.

- Alors je suis toute ouïe. je l'encourage.

Je me mets à lui caresser les cheveux. Ils sont si blonds et si doux. Il apprécie, il me semble...

- Mes parents sont morts dans un accident de voiture. Je n'avais que 5 ans. C'est ma Mamma qui m'a élevé. Je lui dois tout. Elle m'a inculqué de bonnes valeurs et m'a aussi appris l'importance de l'amour.

« Aussi loin que je me souvienne, les filles m'ont toujours trouvé beau garçon. J'aurais pu maintes fois en profiter. J'ai préféré ne pas en abuser. A 16 ans j'ai été repéré par un agent de mannequin. Ma carrière s'est très vite envolée et j'ai un peu perdu la tête. Ma vie n'était plus que beuveries et sexe.

« Il y a 3 ans la Mamma a fait un AVC. J'ai dû alors faire un choix. C'était un choix difficile à l'époque mais aujourd'hui je n'en regrette rien.

« Je n'ai plus touché une femme depuis ce moment-là jusqu'à toi. Je voulais aimer et m'engager de toute ma personne. Je voulais m'offrir entièrement en espérant que ce soit réciproque. Au début, je rentrais dans la chambre 13 pour m'isoler et réfléchir. Peu à peu j'ai commencé à te parler. Il me semblait que tu me comprenais. Je t'ai raconté mes espoirs déçus et mes rêves d'avenir. Je passais te voir tous les jours de la semaine de 11h15 à midi. Ta personne m'obsédait.

« Après ton réveil, j'ai recherché ta compagnie. Je n'arrivais pas à savoir comment je devais me comporter. J'étais ton psy et toi ma patiente. Je devais t'aider à retrouver la mémoire mais en même temps ça me terrorisait. Je ne voulais pas te perdre.

« A plusieurs reprises tu as remarqué mon comportement ambigu à ton égard. J'ai cherché à mieux te connaître avant de me dévoiler. Je n'avais alors qu'une peur : celle de te moquer de mes sentiments.

« Voilà où j'en suis. »

- Ta Mamma, comment va-t-elle aujourd'hui ? je m'inquiète, Est-elle encore en vie ?

- Elle va mieux. J'avais pris l'habitude de passer tous mes weekends en sa compagnie. Habituellement je passe même le premier de l'an avec elle.

- Et cette année ?

- J'aimerais aussi. Enfin si tu es d'accord.

- Bien sûr que tu peux y aller. J'ai déjà eu la chance de t'avoir rien qu'à moi tout le réveillon.

- En fait, je pensais plutôt qu'on pourrait y aller ensemble.

- Voir ta Mamma ?

- Serais-tu d'accord ?

- C'est que je ne pense pas y être à ma place. Je ne voudrais pas déranger.

- Déranger ! Ça fait des semaines que la Mamma me harcèle. Elle veut absolument te rencontrer. « Le plus tôt serait le mieux » me dit-elle à chaque fois que je lui parle.

- Il ne faudrait pas qu'elle fasse trop à manger. Je ne voudrais pas paraître impolie.

Alexandre se redresse et me regarde. Il comprend alors ma gêne.

- Ne t'en fais pas pour ça. Elle connaît tes difficultés alimentaires.

- J'ai l'impression que tout le monde sait tout sur moi mais que moi je ne sais rien sur personne.

Il se met alors à rire de bon cœur... je ne sais pas pourquoi car ma remarque était plutôt un signe de ma médiocrité. Voyant ma moue dubitative, son rire se transforme en sourire attendri.

- Tu intrigues tout le monde. J'ai raconté à la Mamma des petites anecdotes sur ta façon de voir les gens et d'appréhender la vie. Elle alors m'a harcelé de questions. Elle veut te rencontrer pour savoir si tu pourrais remplir le rôle de l'épouse parfaite qu'elle me cherche.

- Je pensais avoir compris que tu lui avais parlé de mes soucis.

- Je lui en ai bien parlé.

- Alors comment pourrait-elle imaginer nous voir mariés ?

Sur ces mots, Alexandre semble interloqué. J'ai mis le doigt sur quelque chose qui fait mal. Il est orphelin depuis plus de trente ans et je viens de lui annoncer qu'il pourrait être veuf avant même d'être marié.

- Comment ne le pourrait-elle pas. Je t'aime et je peux ressentir ton amour même si tu n'en dit rien.

- Je ne veux pas brûler les étapes.

- Tu te brûles de peur. Tu te dis malade mais ne fais rien pour guérir. Tu te penses amoureuse mais ne fais rien pour le prouver. Tu penses ne plus avoir beaucoup de temps à vivre mais ne fais rien pour profiter de ce qui te reste.

- Tu as raison. C'est que j'ai peur. Quand je t'espère, tu ne viens pas. Mon cœur est fragile, bien plus que tu ne le crois. La vie me fuit et ne m'épargne pas. Comment vivre décemment dans ces conditions-là ?

- Ose la Vie et je serai avec toi.

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