L'appartement
Les enfants sont désormais bien installés dans leurs nouvelles chambrées. Ils semblent apprécier les améliorations que j'y ai apportées. Ça me fait plaisir qu'ils les trouvent à leurs goûts. J'ai eu du mal à les quitter ce matin mais moi aussi je dois m'installer dans mon nouvel appartement. Il est à deux pas de l'entreprise. Un appartement de luxe dans un immeuble du même acabit, avec une conciergerie ouverte 24 heures sur 24. J'ai eu du mal à m'imaginer là-dedans au début car je n'ai jamais été habituée au luxe, mais j'y suis. Ça me changera de mon petit studio de quinze mètres carrés dans le vingtième. L'appartement ici est encore plus grand que mon chez moi lyonnais. Heureusement il est meublé avec goût et je pourrai en jouir aussi longtemps que je resterai directrice scientifique à Roy New Tech. Sacrée promotion pour moi qui n'ai jamais eu d'autre ambition que celle de travailler honorablement. Je partage cet habitat avec les affaires du maître des lieux. Je ne dois d'ailleurs pas y toucher et lui permette d'y accéder au moment opportun. J'ai tout de même demandé à Henri de pouvoir tout rassembler dans une même pièce, ce que j'ai pu faire. Il y avait là des vêtements à perte de vue : la plupart de marques hors de prix... leur propriétaire devait aimer s'habiller luxueusement. Je ne sais d'ailleurs même pas à quoi il ressemble, aucune photo ne trône sur un meuble ou ne s'affiche sur un mur. J'espère qu'il ne m'en voudra pas trop quand il aura remarqué tout ce que j'ai déménagé. D'ailleurs j'occupe la chambre qu'il devait lui-même occuper car elle fait office de suite parentale.
J'aime beaucoup cet appartement, il est très bien agencé, avec de grandes pièces à vivre. Je pourrai même y recevoir la visite de ma famille car en plus des deux chambres déjà occupées, il en reste deux autres plus petites mais faisant au moins douze mètres carrés chacune. Côté chambres, en plus d'une salle de bain indépendante, on trouve aussi une pièce commune avec un bureau et une installation "home cinéma". Ce n'est sûrement pas ici que je passerais mon temps libre, elle est beaucoup trop sombre pour moi.
Côté séjour, les pièces sont impressionnantes de grandeur, avec une grande cuisine de maître, indépendante. Un cellier et une buanderie y sont attenants. Tout y est agencé au centimètre près, un vrai travail d'orfèvre. Une de ses portes donne sur une salle à manger luxueuse, avec une table pouvant recevoir confortablement une douzaine de personnes. L'autre porte donne sur l'entrée qui a elle-même une grande ouverture vers un grand salon meublé là aussi avec beaucoup de goûts. Les meubles sont modernes, d'excellente facture, de couleur wenge. Les murs quant à eux sont clairs avec çà et là des formes géométriques couleur framboise. Tout est beau ici mais sans âme. Je m'amuse à l'idée d'y apporter ma petite touche personnelle. Ma fille m'a donné quelques peintures et croquis qu'elle a réalisés à mon intention. Je les adore et je visualise déjà où je vais pouvoir les accrocher. Mon seul regret est que je sois seule à profiter de tout cet espace. Enfin pas tout à fait, je le partage avec les affaires du propriétaire.
Ce propriétaire n'est d'ailleurs autre que mon patron. Je ne l'ai pas encore rencontré mais il paraît que c'est un bel homme, bien sous tous rapports. Il doit avoir environ quarante ans et est encore célibataire. On le décrit comme un beau brun aux yeux verts. D'après les filles du service, il aimerait sans doute les garçons car il ne se retourne jamais sur aucune d'elles. Son père, monsieur Roy senior, était connu pour ses frasques répétées. Il aimait tellement la gente féminine qu'il avait créé une carte de visite dorée la destinant à toute belle femme qui l'intéressait. À l'accueil, on savait qu'avec cette carte, la dame devait recevoir tous les égards et être directement conduite dans les salons privés du seigneur des lieux. Pour ce qui est du fils, il serait plutôt sur la réserve. On dit qu'il a supprimé tout superflu après la disparition de son père. Je le crois volontiers car tous les salons privés sont devenus des salles de réunions à l'usage de tout le personnel. J'ai d'ailleurs monopolisé l'une de ces salles lors de mon travail sur le dossier d'AMM. Henri m'a appris que je devrais m'attendre à rencontrer le grand boss dès demain ; il paraît qu'il a tellement été impressionné par mon travail qu'il a demandé à me rencontrer dès mon retour.
Il faudra quand même qu'il attende l'après-midi car le matin c'est à Marie, à l'hôpital, que je dois me présenter. Je risque d'ailleurs d'avoir droit à une leçon car même si je n'ai pas de pèse-personnes à la maison, ma perte de poids est manifeste. Je nage à nouveau dans mes vêtements et mes traits se sont creusés un peu plus. Difficile de maintenir une alimentation enrichie quand on n'a aucun goût à manger. Non seulement je n'ai plus eu de nouvelles d'Alexandre mais en plus je suis tombée sur la voix d'une femme quand j'ai appelé le numéro laissé par "mon Païkan"... J'y avais cru, enfin presque. Je n'ai toutefois pas jeté sa bague. Je ne l'ai pas mise au doigt non plus. Je l'ai faite estimée, elle est ancienne et de belle facture. Le bijoutier m'a offert de la racheter à un prix que je n'imaginais même pas. J'ai refusé et je lui ai pris une belle chaîne pour la mettre autour du cou. J'ai donc la bague d'un homme dont je ne me rappelle pas, mais qui est sans doute passé à autre chose depuis, et le souvenir d'un autre que je connais mais dont je n'ai plus de nouvelles.
Je sais par contre qu'il prend des miennes en appelant régulièrement les enfants. Je pourrais l'appeler et lui en donner directement mais je ne sais pas comment il le prendrait. Je ne voudrais pas avoir l'air de le retenir malgré lui ou lui donner l'impression que j'ai changé d'avis. C'est quand même ridicule d'en arriver là mais je n'ai jamais été douée pour prendre les bonnes décisions me concernant. Mes hésitations m'ont toujours amenée à faire du sur-place.
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