Alexandre

- Comme ça, vous me quittez sans un « au revoir »...

Il est 10h, Alexandre entre dans la chambre 13. Il affiche un sourire inhabituel. Un sourire tendre. J'avais envie de le prendre dans mes bras, le serrer fort comme je l'aurais fait avec un enfant blessé. Comment un tel séducteur peut ressentir un sentiment d'abandon ? Me jouerait-il encore un de ses tours pour s'assurer un baiser qu'il est convaincu de mériter.

- Éléa doit passer me chercher. Elle sera là d'un instant à l'autre.

- Ah, Éléa ! Briseuse d'espoir !

- Gong sauveur ! Dirais-je plutôt.

Chasser le naturel, il revient au galop... dit le dicton. Le sourire taquin d'Alexandre refait surface mais cette fois ne dure pas. Sa tristesse se sent. Elle se ressent. J'ai de la peine pour lui. Je ne sais pas quoi en penser. Serais-je vraiment à l'origine de cette humeur maussade ?

- Je suis venu vous dire au revoir. me précise-t-il.

- Nous nous reverrons samedi, à défaut lundi.

- Vous n'avez plus besoin de mes services. Vous avez retrouvé le moral et votre mémoire refait peu à peu surface. Tenez.

Il me tend un pli.

- Qu'est-ce ? je l'interroge.

- Mes coordonnées personnelles.

- Pour faire quoi ? je me surprends à lui répondre.

- Pour me dire que vous ne pouvez plus vous passer de moi... J'ai ça aussi à vous remettre...

Il me tend alors une deuxième enveloppe.

- Elle contient une lettre que j'aimerais que vous lisiez à tête reposée. il poursuit.

- Une lettre ?

- La lirez-vous ?

- Oui, je crois...

- C'est déjà ça... balbutie-t-il.

- Je comprends donc que vous n'êtes plus mon psy. Je peux vous poser une question personnelle ?

- Tout ce que vous voulez.

- L'autre jour... Enfin il y deux mois... Que s'est-il passé ? Et s'il vous plaît, soyez sérieux pour changer...

- Pour changer ? A vous entendre on me prendrait pour un pitre...

- S'il vous plaît ! Alexandre.

- L'autre jour, vous voulez dire quand votre mémoire a refait surface...

- Oui, quand j'ai été secouée par "Éléa".

- « Éléa » si ce prénom ne vous était pas si cher, je le maudirais.

- Vous y allez un peu fort, non ?

- Qu'en pensez-vous ?

- Je ne suis pas dans votre tête et c'est bien pour ça que je vous pose cette question. je m'impatiente.

- Je voulais... il hésite. Enfin, j'avais envie de vous embrasser. Vous exercez sur moi un tel pouvoir, une attraction que je ne peux expliquer.

- Vous ?

- Oui moi... Ça vous surprend !

- Vous avez tout de même été fait dans le même moule qu'un Apollon grec... Toutes les femmes du service, et quelques messieurs aussi, sont à vos pieds. Ils renieraient père et mère pour ne serait-ce qu'un regard de vous. Pour un baiser, je n'ose même pas imaginer.

- Le monde est si mal fait. Je n'y regarde que la seule personne qui ne souhaite pas me regarder.

- Je vous regarde, détrompez-vous. je le coupe irritée.

- Alors pourquoi ?

- Pourquoi ?... Parce qu'Éléa a surgi. je lui réponds comme une évidence.

- J'aurais compris si elle avait été votre compagne, mais il s'agit de votre fille.

- C'est plus compliqué que ça. C'est un appel "au secours" venant du plus profond de mes entrailles. Ce n'est pas pour ma fille que je me suis détournée.

- Ah... non ? s'enquit-il.

- Non, j'ai cette impression que quelqu'un a besoin de moi. Ce quelqu'un m'attend quelque part. Je ne sais où. Sa voix résonne en moi lisant l'histoire d'Éléa et Païkan. J'étais son Éléa.

- Et lui, votre Païkan ?

- Je ne sais pas encore. Mais il a besoin de moi, je le sens.

- Vous rêvez du prince charmant... se moque-t-il.

- Moquez-vous si vous voulez. J'ai cette impression d'un baiser sur mes lèvres déposé. J'étais endormie et me suis réveillée.

- Le mythe de la belle au bois dormant...

- Vous êtes jaloux.

- Catherine. m'interrompe-t-il.

- Oui Alexandre ?

- Je n'aimerais pas vous voir malheureuse. Promettez-moi de ne pas y mettre trop d'espoir.

- Pour l'instant je rêve peut-être du prince charmant mais je suis assez grande, je le crois, pour que ça ne dure pas. Ne vous inquiétez pas.

On frappe, c'est Éléa. Elle est très belle. C'est ma fille. La fierté de sa mère. Elle court. Me prend dans ses bras. Je ne suis plus qu'un doudou étouffé par ses câlins. C'est bon de se sentir enfin chez soi.

Alexandre me frôle la main et sans mot dire s'en va.

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