80 kilos
- Bonjour Treize.
L'air enjoué et taquin, Alexandre ouvre la porte et s'installe juste face à moi.
- Alexandre.
- Treize ! Du neuf.
- Pas vraiment...
- Pas vraiment ! Vraiment ? s'étonne-t-il.
- Enfin, je n'ai pas entendu sa voix de la nuit...
- Bonne nouvelle ! Non ?
- Très bonne, oui... je vous l'accorde... mais... une autre idée a trotté dans ma tête.
- Une idée nouvelle, l'avez-vous notée ?
Je lui tends alors le calepin. Il contient des « 80 » à n'en plus finir.
- Autant de 80 ? Ça a dû trotter longtemps. Avez-vous fermé les yeux cette nuit ?
- Pas vraiment, ce 80 ne m'a pas laissée tranquille. je me désole.
- Ce n'est plus une simple idée, votre « 80 »... c'est une idée fixe.
Il me dit ça avec un sourire taquin là où moi j'étais plutôt hantée et opressée par ces deux chiffres qui n'en finissaient pas de me démoraliser. Il comprend à mon air que je n'avais pas la tête à rire et ravale son sourire.
- Vous rappelez-vous de la dame de mon âge qui était sous chimio avant de ne plus donner signe de vie.
- Oui, Et ? me questionne-t-il.
- Elle faisait 80 kilos.
- Oui, je m'en souviens très bien. Je me rappelle aussi avoir entendu Roche dire que vous en faites à peine la moitié.
- Oui mais j'étais malade. Une lyse de l'estomac. Je n'ai pas dû manger pendant des jours, voire des mois...
- On parle quand même de 30 kilos de moins, pas de 4 ou 5. insiste-t-il.
- Oui, je comprends ce que vous dites. Je me rappelle aussi que vous m'avez demandé de noter tout ce qui me passe par la tête. je lui rétorque dépitée.
- Oui, je sais ce que je vous ai dit.
- J'ai noté d'autres chiffres... un nombre...
- Quel genre ?
- Un numéro... En fait.
- De Téléphone ? s'enquit-il.
- Non, il est beaucoup trop long.
- Quel numéro alors ?
- La suite....
- Je pourrais voir !
- Tournez la page.
- « 2 76 10 74 255 010 44. » Votre numéro de sécurité sociale ?
- Je ne sais pas. Mais je le crois.
- Votre numéro de sécurité sociale, je n'arrive pas à y croire ! il s'extasie. Vous venez de la Savoie alors !
- Non de la Haute-Savoie.
- Vous chipotez pour un mot. Ce n'est pas fairplay. Et puis je vous rappelle que vous avez perdu la mémoire. Vous ne pouvez donc pas avoir raison à chaque fois.
Je n'arrive pas à l'écouter... Je n'arrive pas à suivre ses taquineries. Où veut-il en venir. Me faire rire ? C'est raté !
- Pourriez-vous vérifier que je ne sois pas elle... s'il vous plaît... je le supplie.
- Je vais voir ce que je peux faire... Vous rendez-vous compte si ce numéro est bien le vôtre ! Nous connaîtrions enfin votre identité.
- Oui et je ne vous reverrai plus... je rétorque.
Au ton de ma voix il a compris. Il s'est alors assis au bord du lit. Ses yeux fixant les miens... Mon cœur s'emballant et s'embrasant... Il prend mes mains dans les siennes...
- Je vous mentirais si je vous dis que vous me laissez indifférent...
- Mais ?
- Mais ça ne serait pas raisonnable... Vous avez peut-être une famille qui vous cherche quelque part...
- Une famille ? je m'interroge.
- Un mari, Des enfants...
- Vous avez un âge où on pourrait imaginer avoir déjà fondé un foyer.
- Vous y croyez, vous ? Un foyer qui ne s'inquiète pas de votre disparition !
- Ce que je sais est que vous avez au moins eu un enfant né par césarienne...
- Césarienne ?
- Oui, c'est dans votre dossier. Vous avez plusieurs cicatrices opératoires. Et puis, je suis votre thérapeute, ça ne serait vraiment pas une bonne idée...
- Vous continuerez à venir me voir ? je m'inquiète.
- Tant que vous aurez besoin de moi... Mais n'allez pas affecter une amnésie longue... ?
- Je ne mens jamais.
- Je me méfie des femmes. Elles savent s'y prendre pour s'attacher l'affection des bonshommes...
- Seulement quand ils en valent la peine.
- Ha ! Ha ! Ha ! fait-il mine de rire.
Il pose alors un tendre baiser sur mon front et s'en va.
Je reste seule dans ma chambre à pleurer comme une madeleine. Je m'étais pourtant juré qu'il n'atteindrait pas mon cœur. Il l'a fait. J'ai perdu à son jeu...
Mais qui suis-je ? Suis-je elle ?
En attendant les réponses je n'ai d'autre choix que de faire confiance à Alexandre. Ils sont tous gentils dans ce service mais seul Alexandre s'intéresse réellement à moi. Est-ce mon imagination qui me joue des tours ou y a-t-il réellement autre chose derrière ? Ne vient-il pas de me dire que je ne le laisse pas indifférent ou l'aurais-je imaginé ?
Une chose est sûre je succombe de plus en plus à son charme et me mets en grand danger.
Je suis donc partagée entre la nécessité de retrouver mon passé et l'envie de garder Alexandre à mes côtés. Quelle route suivre ?
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